prologue
à Lucien, inspirateur de ce texte
J’ai croisé la route de Lucien, un éleveur rouergat de jeunes bovins à la retraite. Resté célibataire, il avait trimé dur toute sa vie. J’aimais écouter ses réflexions, assorties de doutes, sur ce qu’il avait vécu, son histoire, si banale et si caractéristique de cette période.
La Première Guerre a décimé les campagnes et brassé les populations, sans altérer les pratiques et coutumes immuables, malgré la diffusion de la mécanisation. Les disettes et les famines avaient cependant disparu. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, un quart de la société vivait encore de l’agriculture.
La génération de Lucien a connu un bouleversement total, passant d’une agriculture peu différente de celle du néolithique à une production industrielle. Après-guerre, un paysan nourrissait quatre personnes, contre près d’une centaine aujourd’hui. À côté de ces progrès et de ces changements fondamentaux, toute la modernité est arrivée. Ces hommes ont mené ce combat, cette révolution personnelle et professionnelle. Ils ont été moteurs, ils ont subi, été asservis pour certains.
Les traditions sociales se sont estompées, les campagnes se sont désertifiées, ignorées ou méprisées par les gens de la ville que nous sommes devenus.
Je voulais lui faire raconter son histoire emblématique, la coucher sur le papier de la transmission. La maladie ne l’a pas permis. Elle est venue effacer cette mémoire d’une existence simple et exemplaire.
Ce texte rassemble des éléments factuels et réels, certains propres à la vie de Lucien, d’autres de récits locaux ou d’études. Ils ont été romancés pour inviter à se souvenir de cette période et de cette agriculture qui est remise en question de nos jours.
(un glossaire des termes agricoles figure en fin d’ouvrage)
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