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Mme est allongée, le souffle difficile et bruyant. Elle n’entend presque rien en me fixant de ses petits yeux bleus écarquillés. Elle ne sait pas qui je suis et ma présence lui paraît inhospitalière avec ce masque. Je peux voir dans le froncement de ses sourcils qu’elle se pose surement des questions. Je sais qu’elle a très peu d’appétit mais qu’il faut la faire manger un maximum. Elle aime les bananes écrasées avec du sucre. Il n’y a pas de plat tout fait, je dois faire à manger. Ce que j’apprécie énormément même si en temps normal, je ne prends pas vraiment de plaisir à cuisiner. Dans ce contexte, tout devient différent. Je ne suis pas présente par mes envies. J’essaie autant que je le peux de me mettre dans la peau de la personne.
Elle ne me parle pas, répète « non » sans arrêt, peu importe ce que je lui dis. Je comprends que l’on doit souvent la forcer à manger. Je me sens incapable de porter la cuillère à sa bouche pour « forcer » une bouchée.
Pourtant, la réalité me prouve que je vais devoir faire preuve d’intrusions dans son espace pour pouvoir la faire survivre.
Elle est en train de mourir et je dois la maintenir en vie.
En repartant ce jour-là, elle n’a rien mangé. Le dimanche qui suit, je travaille et elle ne pourra compter que sur moi. Je dois faire autrement, m’adapter.
J’ai eu deux jours pour penser à elle avant de la revoir. Je suis déterminée à lui faire manger quelque chose, sans pour autant être dans une dynamique négative ou d’obligation. Je lui parle un peu avant de faire à manger, même si j’apprendrai plus tard qu’elle ne pouvait pas entendre ce que je disais. Je me suis mise très loin d’elle mais à sa vue. J’ai cessé de respirer et j’ai soulevé mon masque. Je voulais qu’elle puisse voir mon visage. Comment se rattacher à un visage si inhumain. Sa vue devait surement être basse et elle n’a peut-être pas vu mon visage pour autant.
Mais je crois qu’elle a compris à ce moment que je n’étais pas là pour lui faire du mal. Ce que j’ai d’ailleurs verbalisé plusieurs fois à son oreille. Elle a mangé le midi et le soir. Mais continue de me dire non de la tête.
La fois suivante, j’ai attrapé des photographies de ses petits enfants qu’elle avait accroché sur un mur. Malheureusement, elle ne pouvait jamais les voir. Je voulais voir si les photos la feront parler. Elle a écarquillé les yeux. M’a montré la photo avec son doigt puis s’est montré elle-même ensuite. Je comprenais qu’elle était heureuse de les voir mais très triste à la fois. Son regard m’a glacé le sang. J’ai tout de suite arrêté de lui montrer sans changer mon attitude. Puis j’ai entrepris les tâches à faire. J’ai rempli sa petite bouteille avec son eau à la menthe. Lorsque je l’ai posé à cotés d’elle. Elle m’a dit « Merci ».
Ce merci à eu l’effet d’une bombe dans mon esprit.
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