Papillon-de-Givre

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Éric ne réfléchit pas trop longtemps à comment il était arrivé là ni où il était, parce que la petite fille pleurait. Il s'assit à côté d'elle et demanda :

« Pourquoi pleures-tu ? »

La petite fille sécha ses larmes et répondit :

« Parce que j'ai fait une grosse bêtise.

-Qu'est-ce que tu as fait ? demanda-t-il.

-J'ai oublié de laisser du lait dehors la nuit dernière.

-Pourquoi devais-tu laisser du lait dehors la nuit dernière ? demanda Éric.

-Pour éloigner le Menerond, répondit la petite fille. Maintenant, il est venu et il a pétrifié mes parents pour toujours, et il a volé les bijoux que mon Papa et ma Maman faisaient, parce qu'il sait que le seul moyen de sauver mes parents était de placer un de leurs bijoux entre eux. »

Elle ajouta :

« Mes parents sont de grands magiciens. C'est pour ça que leurs bijoux sont magiques et pour ça que le Menerond ne veut pas qu'ils reviennent.

-Je vais t'aider, promit Éric. Je ne sais pas encore comment, mais je vais le faire. Je vais trouver un bijou de tes parents et les aider. »

La petite fille le prit dans ses bras et dit :

« Oh, merci, merci, merci ! »

Puis elle lui montra un château au loin, dont la plus haute tour apparaissait entre deux monts couverts de neige.

« Depuis que le Menerond a plongé le royaume dans un hiver éternel, seul le Prince Charmant peut résister à sa magie et il aide ceux qui en ont besoin. J'avais peur de faire le voyage seule, mais maintenant que tu es là, nous pouvons y aller à deux ! Comment t'appelles-tu ?

-Éric.

-Moi c'est Papillon-de-Givre. »

Ils se mirent en route vers le château, avec de la neige jusqu'aux genoux. Éric voulut prêter sa doudoune à Papillon-de-Givre, mais celle-ci refusa, car elle n'avait pas froid. Elle était une fée des glaces, aussi pouvait-elle vivre même en chemise de nuit dans la neige.

Ils marchèrent pendant très, très longtemps. Cela sembla une éternité à Éric, mais comme le soleil ne bougea que très peu dans le ciel, il se douta que ça ne faisait pas si longtemps. Ils arrivèrent bientôt dans un village où tout le monde avait mis des coupelles de lait sur les rebords de fenêtre et où on préparait un grand feu.

« Pourquoi préparez-vous un grand feu ? demanda Éric à un adulte habillé tout en blanc.

-Parce qu'il faut nécessairement un grand feu pour danser autour et écouter des histoires de troubadour, répondit l'adulte.

-Et pourquoi est-ce que tout le monde est habillé en blanc ? demanda encore Éric.

-Parce que le Menerond nous a volé les couleurs, répondit l'adulte. Tu as beaucoup de chance d'avoir un manteau bleu. L'as-tu acheté à un magicien ?

-Non, répondit Éric. C'est ma maman qui me l'a donné. »

Puis il alla s'asseoir avec Papillon-de-Givre près du feu et vit arriver un grand - grand comme les enfants de l'école d'Éric qui étaient plus grands que lui - habillé tout de rouge, avec une drôle de guitare arrondie. Le grand habillé en rouge gratta les cordes de sa guitare et dit :

« Je vais vous conter aujourd'hui l'histoire de la Reine Charmante, la plus belle femme du royaume et la mère de l'actuel Prince Charmant. »

Il commença à déambuler autour du feu en disant :

« La Reine Charmante régnait il y a bien des années aux côtés de son époux le Roi Charmant. Ils étaient très heureux, très amoureux l'un de l'autre, mais ils n'arrivaient pas à avoir d'enfants. Un jour, un homme habillé d'un long manteau rouge bordé de givre vint au château et leur dit : ''je peux vous fabriquer des enfants, avec du bois, du métal et de la glace, si seulement vous vouliez bien m'accorder en échange un atelier pour bâtir ces enfants, et un petit cadeau en plus''. Le roi et la reine, désespérés de ne pouvoir avoir d'enfants, accordèrent l'atelier à l'homme habillé de rouge et de givre et lui demandèrent de leur fabriquer une petite fille en bois, en métal et en glace. L'homme en rouge leur dit : ''très bien, mais le petit cadeau en plus que j'aimerais, c'est que vous me donniez le premier enfant que vous aurez, le premier que je n'aurai pas fabriqué. Et si vous n'en avez pas, je me contenterai du premier enfant des enfants que je fabriquerai.'' Le roi et la reine, effrayés à l'idée de devoir promettre leur enfant s'ils finissaient par en avoir un, refusèrent. Alors, le méchant homme en rouge déclara : ''moi, le Menerond, je déclare que je maudis ce château et tout ce royaume, aussi longtemps que je n'aurai pas un de vos enfants entre mes mains.'' Le roi et la reine le chassèrent, mais il avait maudit le royaume, et depuis, les couleurs disparaissent et tout est recouvert de neige. Plusieurs années plus tard, le Prince Charmant naquit, et déclara qu'il battrait le Menerond pour avoir osé menacer son royaume et voulu créer des enfants de bois, de métal et de glace, alors que les enfants sont faits de chair, de sang et d'amour. »

Le troubadour s'arrêta là, et Éric demanda :

« Monsieur le Troubadour, nous voulons aller voir le Prince Charmant. Pouvez-vous nous aider ?

-Bien sûr, répondit le Troubadour. Je connais tous les chemins du pays. Tout ce qu'il me manque... c'est la musique.

-Tu joues de la mandoline, fit remarquer Papillon-de-Givre.

-Mais depuis que le Menerond a gelé le royaume, je ne peux plus écrire mes propres histoires, répondit le Troubadour. J'en suis réduit à répéter les histoires des autres. »

Éric réfléchit profondément et dit :

« Si tu nous accompagnes, tu auras notre aventure à raconter.

-Très bien, dit sans hésiter le Troubadour. Je vais vous aider ! »

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