Morts-vivants

Une minute de lecture

Il était une fois toute la souffrance du monde. Peu importe sa forme : un couteau sous la gorge, un viol dans un coin, un enfant qui s’éteint, …

C’est pour survivre à l’impensable, à l’indicible, que l’on met un pied dans le cercle : un pied soudain, affirmé, définitif. C’est pour survivre que l’esprit s’échappe, que le corps se déconnecte du réel, que le cœur ne ressent rien… C’est un réflexe animal, reptilien : faire le mort devant les prédateurs, en espérant qu’ils s’éloignent. Voilà le cercle, la seule défense du faible devant le fort, devant le mal ou la douleur. Le cerveau se coupe, toute la vie se fige.

Parfois, la mort est au bout du chemin, et l’on ne souffre plus.

Mais parfois, on survit. Alors le cercle se confirme et se creuse, de plus en plus profondément. Car le figement est partout. Des années après, l’on n’ose plus bouger, l’on n’ose plus vivre, de peur que le prédateur ne soit resté à portée de regard, de peur qu’il vous repère de nouveau, de peur qu’il ne revienne. La dissociation est un cercle vicieux, qui vous sauve la vie à l’instant t, et vous la pourrit toutes les années qui suivent. Qui vous isole et vous culpabilise, aussi : pourquoi ne pas avoir pleuré quand votre enfant est mort ? Pourquoi ne pas avoir crié quand la lame s’est posée sur votre cou ? Pourquoi ne pas s’être enfuie quand le violeur vous a coincée ?

Cercle infernal, cercle de feu, cercle vicieux.

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