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Énora tente de se lever, la paresse lui tend les bras afin de prolonger la nuit. Ses pensées, quant à elles, s’ébranlent, il faut qu’elle déniche promptement la tenue parfaite pour la soirée d’Halloween. Elle réfléchit aux différents commerces qu’elle va devoir arpenter afin de trouver le déguisement qu’elle souhaite porter ce soir chez Liam. Elle ressent une certaine excitation qu’elle a du mal à identifier.
Elle reçoit un texto sur son téléphone portable venant d’Alex : « Énorme merci, je t’aime ma petite sœur avec un smiley cœur rouge ».
Tout s’est apparemment bien terminé, elle en est fort heureuse. Elle est reconnaissante d'avoir ce merveilleux "grand frère" dans sa vie et ne cesse de lui souhaiter tout le bonheur qu'il mérite. Il est son confident, son protecteur, son guide - en plus des stoïciens, cela crée un mélange assez atypique. Ils sont le Yin et le Yang, ils sont complémentaires. Ils partagent des moments précieux ensemble, elle sait qu'elle peut compter sur lui, peu importe les circonstances.
Un autre message clignote. Il vient de Liam qui précise son adresse à la campagne. Il essaie de la questionner concernant son déguisement, mais elle ne dira absolument rien. Surprise ! Elle chérit ces soirées qui s’enchaînent et lui procurent beaucoup de joie. Elle ira faire quelques courses afin de participer à l’auberge espagnole. Penser à la nourriture l’extirpe de son lit : elle a faim et a une envie folle d’être lumineuse ce soir, enfin, du moins s’en rapprocher le plus possible. Des choses étranges se passent en elle et commencent à l’effrayer. Ce n’est pas commun, cela procure de la béatitude, peut-être même un peu trop.
Elle met des tranches de pain à griller tout en consultant cette fois-ci un texto de Caroline. Elle lui demande si il est possible de venir se préparer chez elle cet après-midi.
Avec grand plaisir, comme au bon vieux temps lorsqu’on sortait en discothèque.
La journée a déjà un goût exquis… en route vers les commerces, il lui faut accélérer le pas.
Énora s’est enfermée dans sa salle de bain où elle écoute les plaintes de son amie, amusée.
— Aller, bon sang ! Laisse-moi t’aider, tu as bien fait mes deux couettes sur ma perruque blonde ! Tu les as même colorées avec des bombes… je ne sais même pas en quoi tu as décidé de te déguiser…
Caroline fait la moue. Elle est déguisée en Harley Quinn : elle porte un short bleu, un tee-shirt rouge, une veste en similicuir rouge et des ballerines rouges. Elle a deux couettes, une de couleur bleue et une rouge, son maquillage est assorti aux couettes. Elles sont très fières du résultat.
— Non d’un bigorneau ! Deux petites minutes, j’ai presque fini !
Elle vient de terminer d’ajuster convenablement la perruque de longs cheveux blancs et appose l’imposant serre-tête avec l’emblème du personnage. Elle enfile les chaussures noires à talons et ouvre la porte.
— Waouh ! Mais quel canon ! Tu es un X-men, c’est ça ? Oh que tu es belle ! Ce soir, tu ne rentres pas seule ! s'extasie Caroline, les yeux brillants, écarquillés.
La commerçante lève les yeux au ciel.
Elle porte un pantalon en similicuir près du corps noir, un body noir avec les encolures dorées, la ceinture est semblable au col. Une cape prend naissance sur les bretelles, des attaches aux poignets la retiennent, lui permettant de se mouvoir comme une superhéroïne d’un soir. Elles ont décidé de s’y rendre seules toutes les deux afin de garder la surprise le plus longtemps possible. Shin y conduira Alex et David.
Michaël dispose les bancs près des tables. Sa panoplie le gêne, sa large carrure et ses cheveux blonds lui permettent d’endosser le rôle de Thor. Il compte sur ses équipiers afin de ramener ce soir des super-héros de sexe féminin. Il envisage de trouver chaussure à son pied, même si son projet professionnel l’accapare et reste indubitablement plus essentiel. Les joueurs arrivent les uns après les autres, les mains chargées. Captain America est présent, Spiderman trois fois, Deadpool, Flash également. Le commerce de la ville la plus proche qui vend et loue des accessoires, des déguisements, a probablement été dévalisé.
Shin, Alex et David sonnent : le Joker, Superman et Robin. Le propriétaire des lieux n’est pas encore descendu de l’étage. Chacun dépose les bouteilles, les plats salés, sucrés, les desserts. On sonne encore à la porte : des joueurs et leurs compagnes.
Liam descend les escaliers, ou plutôt, Batman. Ses yeux noirs, dont le contour a été maquillé avec une poudre noire, le rendent intensément plus saisissant, charismatique. Sa mâchoire carrée se remarque d’autant plus avec le masque qui lui couvre tout le haut de la tête jusqu’en dessous du nez.
— Oh ! Le capitaine ! Mais quel beau gosse ! commente Mika, envieux.
— Tu n’es pas mal aussi dit donc ! le complimente Liam.
Il balaie des yeux la salle à manger, la cuisine ouverte. Il salue les joueurs, leurs compagnes, Alex et la troupe du centre-ville.
La sonnette retentit.
— Tu trembles ? constate Caro.
— Ben tu vois, il fait frais quand même…
— Mouais, fait Caroline avec un sourire en coin, on va dire ça oui…
Un majestueux Batman ouvre la porte.
— Bien le bonsoir ! Euh… Harley Quinn et… Énora ? Enfin, Tornade ! Vous êtes sublimes, vous avez bien joué le jeu.
Il débarrasse les filles de leurs paquets, de leurs sacs qui les encombrent. Les filles le remercient et le félicitent autant. Liam paraît être quelqu’un d’autre sous cet attirail, encore plus séduisant et captivant. Son regard devient une nuit profonde où il serait si facile de s'y perdre. Énora baisse les yeux , fuit ceux du banquier, le rouge s'empare de ses pommettes. Elle reporte son attention sur le hall d'entrée qui mène au grand salon, salle à manger. Ils se retrouvent tous autour du buffet. Alex est stupéfait de voir son amie aussi sexy.
— Les cheveux blancs te vont à merveille, ta tenue est quant à elle très… enfin, trop moulante de partout.
— Papa Alex le retour. N’importe quoi, elle est superbe ! observe David en levant la cape de leur amie. (Il examine la tenue.) Tu veux mettre en rogne Tornade toi ?
— Merci, David, venez, on va faire des photos, vous êtes trop beaux ! Alex, tu es également très sexy dans ta tenue super moulante, ose-t-elle, l’air taquin. (Elle l’attrape par le cou.)
Caroline et Shin posent ensemble, ils se sont concertés à recréer le couple avec le Joker et sa compagne Harley Quinn.
La musique bat son plein dans la maison à la campagne. Liam la retape. Il a hérité de cette grande demeure à la mort de ses grands-parents il y a un an. À deux mois d’intervalles, sa grand-mère rejoignait son défunt époux. Il est ravi d'avoir fait tomber le mur qui séparait la salle à manger de la cuisine, c'est pour lui plus fonctionnel, plus moderne également.
Les filles se déhanchent sur la chanson Despacito. Superman et l’ami de Batman, Robin, s’amusent à danser et chanter du rap américain. Caroline va leur chercher de quoi se désaltérer ; la libraire refuse le punch en affirmant qu’elle devra conduire au retour. Son amie pense qu’elle est bien trop sérieuse, qu’elle ne sait pas relâcher le stress du quotidien. Si purement et simplement elle pouvait arrêter d’être aussi sévère envers elle-même pour un soir ! Peine perdue. Caroline l’aime tout de même ainsi : un peu trop coincée.
La musique est très éclectique, elle traverse les décennies. Du rap des années 90, au rock, au reggaeton, à la pop music, la dance, tout y passe. Le joueur Fabrice met un point d’honneur à gérer avec assiduité ce maelstrom pour amuser tous les invités, de mélanger les styles, les goûts. Une douce mélodie, un slow, débute alors : The Skyliners, « I only have Eyes for you ».
Batman dépose son verre sur la table, se déplace au centre de la salle à manger qui s’improvise en piste de danse. Il tend une main à Tornade.
— N’utilise pas tes pouvoirs s’il te plaît, plaisante Liam, un sourire amusé sur les lèvres.
Elle passe ses deux mains derrière sa nuque.
— Oh ! La vérité est que je crains beaucoup trop l’homme chauve-souris !
Il l’attire contre lui, ses mains sur sa taille.
— Tu n’as aucune crainte à avoir… ton déguisement est très réussi, il te va merveilleusement bien.
— Merci, Bruce, glousse Énora. Tu es… sensationnel aussi, la soirée est très réussie, bravo.
— Grâce à vous tous…
Le slow terminé, Alex vient se poster devant Tornade pour une danse endiablée improvisée sur Imany « Don’t be so shy », Thor les rejoint, l’appareil photo à la main, suivi de Batman.
— Je suis jalouse ! s’écrit Caroline. Ma copine a trois super-héros pour elle toute seule.
Shin l’attrape dans ses bras.
— Peut-être, mais tu as le meilleur là, il est top le Joker ! tente le coiffeur. (Il ne l’approche pas de trop près à cause de son remarquable maquillage.)
Caro s’incline et acquiesce, ils restent enlacés et enchaînent les pas et les déhanchés sur « Ambiance à l’Africaine » du groupe Magic System. Tornade commence à danser seule, Batman s’empare délicatement de sa main et se rapproche d’elle pour danser ce zouk, collé-serré.
Il est trois heures du matin, la libraire, Caroline, David et Alex se préparent à partir.
Le quatuor est installé dans la voiture, Mika et Liam tâchent de les retenir. Énora baisse sa vitre.
— Vous pouvez rester ici, il n’y a aucun souci et je serai plus rassuré, propose Liam, l’air inquiet.
Il a enlevé son masque.
— Je suis apte à prendre la voiture, le rassure la libraire, assise derrière son volant. Je dois ramener les gosses … Alex, David ! soyez sages à l’arrière.
Elle s’adresse ensuite à Michaël, il frictionne ses bras afin de tenter de les réchauffer. Peine perdue, les températures sont très fraîches.
— C’était une très bonne idée sur le thème des super-héros, nous avons passé une agréable soirée.
— Je trouve aussi ! Envoyez un message à votre arrivée, dit Mika en tapotant sur le toit de la voiture.
Thor, son marteau et Batman regardent la voiture reculer. Un brouillard dense est soudainement tombé.
— Aïe, aïe, aïe … notre capitaine est fou d’amour !
— Tais-toi donc ! Lâche ce marteau et allons-nous servir à boire !
— Allons boire à tes difficultés d’affronter les évidences, monsieur le banquier !
— Tu sais que tu t’adresses à la personne qui t’a aidé à monter ton dossier pro, ce n’était guère du tout cuit, lui rappelle-t-il les sourcils haussés. Les difficultés ne m’effraient pas, au contraire, elles me stimulent. Elle n’est pas une difficulté, elle est ma plus grande trouille ! Tu as raison, allez, allons boire un verre !
Il se met hâtivement en marche vers l’entrée.
— Rassure-moi, autre chose que tes jus de fruits, hein ? Au fait, depuis quand tu sais danser le zouk toi ? lui demande Mika en lui courant après.
— Depuis il y a quelques heures. Quand tu comprends que la danse est la seule façon de tenir dans tes bras celle qui te fait tourner la tête, tu sais tout danser.
— Ah ouais, je n’avais pas vu cela sous cet angle là…
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