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Michaël prépare son apéritif dinatoire. Son projet prenant forme, son excitation est palpable. Son père sert les derniers clients de la journée. À l’extérieur, la météo a pris un abonnement spécial humidité, avec option froid et morosité. Ghislaine lui apporte son aide, elle est si fière de son fils unique. Les principales préoccupations de Mika sont devenues, à la suite de nombreux déboires amoureux, son travail et le sport. À vrai dire, sa mère rêve en secret de devenir grand-mère un jour.
Alexandre et Shin font leur entrée. Mika a eu une seule exigence : que ses amis arrivent les mains vides. Ce soir, c’est lui qui invite, qui veut partager sa joie avec les personnes qu’il apprécie. Ils ont outrepassé - un peu - ses conditions, en apportant des petits cadeaux.
La boulangerie ferme ses portes au public, une grande majorité des invités est arrivée, hormis Brigitte et Énora.
Alex commence à s’impatienter, son amie n’est pas arrivée, une première tournée a déjà été servie. Parfois, cette technique appelle les retardataires. Cela fait deux jours que Mika a préparé avec minutie son punch, il est impatient d’en recevoir des retours aussi bien positifs que négatifs.
David propose de partir à la recherche de miss bouquin. Alex maugrée. Pour autant, il n’en fait pas cas et se hâte dans les ruelles.
Liam annonce que les entraînements et matchs sont encore annulés, les terrains sont encore impraticables. Cela fait des semaines que les joueurs ressentent une forte frustration de ne pas pouvoir se dépenser, de surcroît, s’aérer l’esprit.
David pousse la porte du salon de thé. Les lumières sont encore allumées. Énora est assise derrière son comptoir, plongée dans ses pensées, le front plissé.
Elle ne peut plus parler, mais elle serait bien encore capable de m’assassiner par écrit. Uniquement une phrase, rien qu’une…une seule et je repars. Cela pourrait m’aider, peut-être, ou peut-être pas. Est-ce que ça pourrait être pire ? Pas la force, pas l’envie... non, pas l'envie du tout.
Elle lève les yeux vers lui et lui sourit.
— Bonsoir, Bella ! Je viens te chercher, il est l’heure de nous retrouver à la boulangerie.
Elle acquiesce, rien ne peut être refusé à David, la douceur incarnée, parfois l’opposé d’Alexandre. Pour autant, elle ressent un fort besoin de rentrer chez elle, de se glisser dans un gros pyjama moelleux et de ne faire qu’un avec le canapé.
Elle s’approche de lui, lui fait la bise et attrape son manteau court, gris clair, un peu à contrecœur.
À plus tard, mon très cher super pantalon ample et pull oversize Stitch tout doux.
Il pleut à verse, elle agrippe son parapluie. Bras dessus, bras dessous, ils déambulent jusqu’au commerce de leurs amis.
— Je remarque bien que quelque chose te mine. Je ne jouerai pas à l’Inspecteur Gadget, je te dirai seulement que je suis là si tu as besoin.
— Oh mince ! J’adore l’Inspecteur Gadget ! s’exclame-t-elle. Il possède l’option parapluie extralarge, on en aurait bien besoin !
Ils pénètrent dans la boulangerie en riant.
La commande du punch pour la nuit de la Saint-Sylvestre est passée. À l’unanimité, ou presque, ils félicitent Mika pour son punch. De concert, ils l’applaudissent pour ses superbes avancées professionnelles. La fin de l’année est marquée par cette bonne nouvelle. Ce soir, ils lèvent leur verre avec gaieté pour Michaël.
La liste des courses pour le trente et un décembre est partagée entre eux. Les filles parlent de leurs tenues de soirée, de maquillage et de paillettes, David fait ses plans pour la sono, il ne faut absolument rien omettre.
Alex et David raccompagnent Énora qui était pressée de rentrer dès son arrivée. Devant la porte, elle reste indécise, s’octroie un temps d’arrêt. Alex comprend qu’elle hésite à dire quelque chose, même s’il a bu trois verres de délicieux punch, il porte une attention sans faille à son amie. Il patiente.
— Je vais voir la génitrice la semaine prochaine, après le Premier de l’an. Ça me hante. Je me suis donc décidée. Je me suis fixée un jour, une heure… j’ai besoin d’une échéance.
Son visage est dur.
— Je serai là.
Alexandre jauge les traits du visage de son amie.
J’espère qu’elle changera d’avis, pense-t-il.
Il la fixe… elle semble ferme et résolue.
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