Epilogue
Quatre ans plus tard…
Énora vide le lave-vaisselle de son salon de thé. Elle va bientôt fermer et s’affairer à mettre en place les tables pour le rendez-vous hebdomadaire de l’apéritif dinatoire entre amis. Mr Calvet, Antoine, a passé l’après-midi à lire en pensant à son nouvel ami qui aurait dû arriver plus tôt, en vain. La lecture n’étant jamais une corvée pour lui, loin de là, il ne s’est pas senti désappointé. Il prend le temps de siroter son thé rouge - aussi appelé rooïbos - aux notes de noix de coco, de banane, framboise et badiane, un livre à la main. La personne attendue devrait se manifester incessamment sous peu.
Liam pousse la porte, la clochette tinte, un petit garçon haut comme trois pommes traverse la salle du salon de thé en courant.
— Maman ! s’écrit Dorian.
Énora fait le tour du comptoir et accueille son fils dans ses bras. Liam les rejoint, embrasse sa compagne. Dorian monte sur les genoux d’Antoine, qui est ravi d’accueillir son mini ami.
— Enfin te voilà ! Alors, bientôt ton anniversaire champion ?
Dorian acquiesce.
— J’aurais ça ! s’exclame le petit en levant sa main et en montrant son pouce et son index levé, les autres doigts baissés.
— Quel grand bonhomme tu vas être !
Caroline entre, le ventre bien rond, dépose des quiches commandées dans la boulangerie de Christian. Lui-même s’avance, des sacs garnis de bouteilles et des toasts.
— Papi !
Dorian accourt vers Christian. Le boulanger se penche pour réceptionner la tornade miniature qui souffle des rafales de bisous et de câlins.
Énora s’empresse de déposer et de mettre les nappes en place, aidée par Liam qui en profite pour l’embrasser entre deux mises en place. Alex, David et Shin déposent les verres, les assiettes en carton et serviettes. Après avoir déposé les plats de l’apéritif dinatoire, ils font le service.
— Alors, toi, viens voir tonton ! (Alex attrape le fils d’Énora qui se laisse faire en riant.) Que veux-tu pour tes deux ans ? Une voiture, une trottinette sans doute pour commencer ?
— Pff, viens plutôt voir tonton Dada, je vais évaluer tes besoins réels adaptés à ton âge…
Dorian court derrière le comptoir récupérer ses petites voitures.
— Pour mon anniversaire, je veux que me papis, mes tontons, mes taties jouent avec moi. Tiens pour toi… oh, toi aussi, tiens !
Il tend une petite voiture rouge à Alex, une jaune à Caroline. Il réfléchit. Il reprend la jaune, la tend à David, saisit une voiture rose laissée sur la table pour la donner à Caroline.
— Pour les filles ça ! s’exclame-t-il, fier, en riant.
— Qui donc t’a appris que la couleur rose était essentiellement pour les filles ? demande Caro, amusée.
— Euh, ben lui ! Tonton Alex !
Dorian le montre du doigt, comme si la réponse était flagrante.
— Ah bravo ! Tonton Alex… pff (Ses lèvres s’incurvent en un sourire.)
Mickaël se montre absent depuis la mort de sa mère Ghislaine, plus exactement, à compter de ce fameux soir. Personne ne sait s’il se sent coupable, si cela lui est insupportable de voir Énora au bras d’un autre ; son entourage ne peut que faire des suppositions. Toutefois, émettre pléthore d’hypothèses peut éloigner de façon drastique la vérité.
Mika fait son petit bout de chemin, se consacre à son commerce : sa boucherie. Il ne partage plus les rassemblements, les rendez-vous apéritifs de détente, il a aussi arrêté les entraînements de football.
*
Un château gonflable monumental a été installé à l’extérieur de chez Liam - sa propriété est devenue celle de sa petite famille. Alex s’allonge dedans. Il est entouré de Dorian et quatre de ses amis qui sautent et virevoltent sans limitation.
— Moi qui souhaitais taper la meilleure sieste de ma vie !
— Aller tonton Alex ! saute ! saute ! s’enhardit Dorian.
— Tonton Alex va avoir besoin d’un ostéo demain, le taquine Liam. (Il entre dans le château et se joint à la distraction.)
Devant le gâteau d’anniversaire préparé avec grand soin par Christian, Dorian souffle ses bougies. Il est entouré de ses Papis, Christian et Antoine, ses tontons, Alexandre, David, Shin, ses taties, Caroline et Maëlys. Le gâteau a pour thème : les voitures de Cars. Le glaçage est bleu clair, des décorations de voitures, de montgolfières et d’étoiles ornent ce délicieux goûter d’anniversaire. Il semble qui plus est très gourmand avec son intérieur au chocolat avec de la meringue. Une dizaine d’enfants courent et jouent sous un soleil radieux, des tonnelles ont été montées pour leur fournir de l’ombre. Caro se fait servir par Antoine, qui ne lésine pas sur la part « elle doit manger pour deux ! ».
— Aaah ! crie-t-elle d’un coup.
Ses pieds sont humides.
Liam, près d’elle, émet un « oh ! », lui demande de s’asseoir. Il part promptement près du château gonflable pour interpeler le futur papa. Shin sautille comme un enfant avec David et les enfants. La journée s’annonce soudainement différente pour lui. Il accourt vers Caroline, s’agenouille, lui prend les mains, les embrasse.
Énora promet de garder Mathis, il est entre de bonnes mains, son papa viendra ensuite le récupérer.
Elle explique à son fils que Caro et Shin ont une urgence, ils iront rendre visite à celle-ci et son bébé incessamment sous peu.
Dorian regarde la voiture s’éloigner.
— Je vais faire un cadeau pour le bébé maman ! Voiture fille ou voiture garçon ?
Il repart en courant vers son goûter d’anniversaire sans attendre la réponse.
— Qu’est-ce qu’il est intelligent ce petit amour ! s’extasie Alex.
— Je me demande bien d’où il sort toutes ces idées rocambolesques !
Énora lui met gentiment un coup de coude.
— Intelligent comme son tonton !
Alexandre bombe le torse, fier.
Liam et sa compagne viennent de mettre leur fils au lit, de lui souhaiter une douce nuit. La lecture du soir a été brève, Dorian est éreinté. La journée a été très chargée de joie, de surprises, d’amour ; c’est une très bonne fatigue. Ils s’installent dans le salon, la commerçante a une tasse d’infusion entre ses mains, elle propose des idées de décoration à Liam, d’améliorations potentielles notamment dans la salle de bain. Spike se détend sur le tapis.
Un détail interpelle le banquier, le chiffonne. Elle dit « ta » salle de bain, « ta » cuisine, cela le contrarie fortement. Il se lève et part dans la chambre à coucher, prétextant avoir besoin d’aller chercher quelque chose. Lorsqu’il revient dans le salon, elle regarde et feuillette le catalogue d’une plateforme de vidéo à la demande sur le téléviseur, à la recherche d’un bon film ou d’une nouvelle série à visionner. Une fois en face d’elle, elle lui propose un thriller, bien noté, puis une comédie romantique en faisant des résumés. Il reste planté, amusé, un soupçon stressé.
— Quoi ? Tu ne m’aides pas là…
Il met un genou à terre.
— Ma puce… hem, hem…
Il se racle la gorge. Les émotions le troublent.
Elle écarquille les yeux, stupéfaite.
— Mon amour, je t’aime depuis le jour où tu m’es littéralement rentré dedans… il y avait tes excuses et ton histoire de bigorneau, ton petit rire presque amusé et ce sourire désarment… Tu avais percuté un inconnu et tu riais… je suis tombé amoureux une première fois… puis une deuxième lorsque je t’ai vu te déhancher dans ta librairie avec ton chiffon à la main… là j’ai su que je souhaitais entrer dans ta vie…
Énora, troublée, ne peut pas retenir les larmes devant cette déclaration sincère, passionnée, débordante d’amour. Liam lui prend la main.
— Énora Le Guichard, acceptes-tu de m’épouser, veux-tu devenir ma femme ?
Un torrent de larmes déferle sur le visage de la libraire.
— Oui… oh oui mon amour…
Il la prend dans ses bras, ils s’embrassent tendrement. Il fouille dans sa poche.
— Mince, attends ! j’ai oublié le passage avec la bague… (Il fait un pas en arrière, ouvre une petite boîte blanche.) Tu vas peut-être dire non du coup, peut-être qu’elle ne te plaira pas…
Elle pleure de plus belle et rit en même temps. Un majestueux fou rire.
— Ne sois pas sot ! elle est sublime...
Il lui passe la bague au doigt, ému.
— Cette maison sera officiellement la nôtre, donc la tienne, celle de nos enfants… je n’entendrais plus « ta » salle de bain, « ta » cuisine et compagnie.
Elle lui tire la langue, il la serre dans ses bras. Il passe ses doigts dans ses cheveux. Elle râle, encore, parce qu'il va « casser ses boucles ». Il sourit, il l'aime tellement.
*
Caroline et Shin leur présentent leur petite Sakura à la maternité. Dorian a apporté un doudou pour le bébé : une petite vache rose. Il a longuement réfléchi sur le choix du cadeau : un doudou c’est doux, c’est pour faire des rêves avec de jolies voitures…
La perspicacité de Caroline remarque la nouvelle bague de son amie.
— Mais dis donc toi ! Tu n’as rien à me dire ?
— Pas plus que félicitations, que Sakura est une petite merveille et que j’espère de tout coeur que tout se passe au mieux pour vous deux…
— Bon, alors toi ! Elle se tourne vers Liam, tu vas peut-être être plus loquace… qu’as-tu à me raconter ?
Il n’est pas plus bavard. Énora demande à son amie de patienter, qu’une fois sortie de la maternité et revigorée, ils feront un bon repas pour fêter la naissance de leur fille et que dès lors, elle lui racontera absolument tout.
Avec une moue boudeuse, Caroline est contrainte d’accepter et de se familiariser avec la patience.
Énora et Liam quittent la maternité avec leurs fils. Dorian joue avec sa voiture bleue, assis sur son réhausseur. Liam, assis derrière le volant, serre la main de sa compagne, la porte à ses lèvres, embrasse la bague de fiançailles. La libraire regarde son futur époux avec tendresse, se tourne et admire son fils. Elle sourit.
Bonheur. Merci la vie.
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