Jamais deux sans trois écrit par Coline Deliège
Jamais deux sans trois écrit par Coline Deliège
La vie n’a rien d’un long fleuve tranquille, surtout dans notre monde actuel. De nos jours, il est rare de faire des études, tomber pile dans le métier pour lequel on a étudié et ne pas changer de voie en cours de route. Prenons mon expérience pour exemple.
J’ai commencé mes études supérieures à dix-huit ans, tout juste sortie du secondaire sans vraiment me casser la tête. Les études, c’est facile si on comprend la logique qui se cache derrière. Effectivement, si on a la logique et que la théorie rentre bien, c’est aisé. Mais c’est oublier la pratique.
Je commençais donc mes études pour devenir prof d’histoire, de géographie et de sciences sociales dans une école à une douzaine de kilomètres de Namur, en Belgique. J’étais enthousiaste et sûre de moi. J’avais toujours eu facile dans ces matières, faisant des quatre-vingts pourcents sans étudier. Je devrais être honteuse de dire ça, mais c’est la vérité. Les cours théoriques étaient relativement faciles, même si quelques coquilles se glissaient çà et là, notamment en géographie. Rien d’insurmontable, malgré cette femme qui faisait tout pour m’enfoncer un peu plus. Je ne me laissais pas abattre. Quand une porte se ferme, une fenêtre s’ouvre et je savais qu’elle ne m’empêcherait pas d’atteindre mon but. Mes premiers stages furent un succès mitigé, signe avant-coureur que je n’étais pas encore prête et trop jeune.
La seconde année fut un désastre complet, tant familial qu’étudiant. Je ne me sentais plus à ma place, mes camarades se moquant de moi ou profitant de ma naïveté et les profs plus abominables que jamais. Si tant est que j’ai fini dans un très mauvais état. Cependant, cette année-là m’a fait comprendre que ce n’est souvent pas nous qui posons problème, mais le comportement des autres, trop égoïstes que pour voir notre détresse.
Je pris donc la décision de continuer mes cours ailleurs. Ma sœur allait commencer à peu près les mêmes études que moi, en français-FLE (pour apprendre le français à des non-natifs). On descendit à Virton (petit trou perdu de la Province de Luxembourg, à quelques kilomètres des frontières avec le Luxembourg et la France). Là, on me redonna courage et confiance en moi, me prouvant que les personnes qui m’entouraient à Namur n’étaient ni bonnes ni faites pour l’enseignement. J’ai récupéré la matière qu’il me manquait, fit mes stages mais les ratais encore une fois. Je ne voulais pas abandonner, ça aurait été donner raison à mes détracteurs.
La seconde année à Virton, j’étais en dernière année pour tous mes cours avec la casserole des stages de deuxième. Je mis toute mon énergie dans ceux-ci et échouais encore. Je compris que j’aimais la transmission du savoir, mais que l’enseignement n’était pas fait pour moi.
Ça m’a pris du temps. Beaucoup de temps. Je devais faire le point sur moi, mes ambitions et mes besoins. Il fallait que je change d’orientation. Mais laquelle choisir ? Ce ne sont pas les formations qui manquent à notre époque et il est presque impossible de s’orienter seul dans ce dédale. Les aides en ligne n’étaient pas d’un grand secours, me redirigeant à chaque fois vers quelque chose d’autre sans pour autant m’aider réellement. Puis, je me suis remise dans la peau de celle que j’étais quatre ans auparavant, quand j’idéalisais encore le métier de prof. Il y avait un second choix pour moi, une autre direction que j’aurais pu prendre et que j’avais laissé tomber par peur de plonger dans les stéréotypes. Pourtant, avec ma vision de jeune femme de vingt-et-un ans, cette option me semblait être la bonne.
Je pris alors sur moi la décision de quitter encore une fois mon école et repartir sur des bases neuves à Liège. J’ai choisi l’option des intellos, celle des coincés, des manches à balais et des vieilles filles qui poussent des « Chhhhhhuuuuut » au moindre bruit dans la salle. J’ai choisi de me réorienter vers la bibliothéconomie (pour ceux qui ne savent pas ce que c’est, Google est votre ami, de même que les dictionnaires). J’ai remercié mes enseignants de Virton, les prenant par surprise, ils s’attendaient à ce que je persiste et signe dans une troisième tentative avec eux, et malgré leur gentille, je suis partie, jetant à peine un regard en arrière avec un petit sourire nostalgique. Je ne garde que des bons souvenirs de Virton, des contacts et des amitiés que je néglige un peu trop, je l’admets.
En arrivant à Liège, j’ai été charmée par l’énergie de la Cité Ardente, et je me suis aussi rapidement perdu dans le dédale de ses rues. N’étant pas une grande sorteuse (le stéréotype de mon option me colle relativement bien à la peau selon les aspects), je ne tombais pas dans les pièges charmeurs du Carré et m’étais trouvé un lieu miteux pas trop cher assez loin des tentations. Ma première année s’est passée comme un charme. Je n’échappais pas à la seconde session en août, mais je la réussis facilement.
Ma seconde année a été coupée, comme pour tout le reste du monde. Pourtant, tout avait bien commencé, j’étais en deuxième année sans casserole, j’avais des amis et un petit-ami et j’avais réussi mon stage en décembre sans problème. Jusqu’à ce que ce virus qui ne veut toujours pas nous laisser vivre et regagner nos libertés entre avec fracas dans ma vie étudiante, me poussant à me replier chez mes parents de la mi-mars au début du mois de mai et le premier déconfinement. Je me sentais un peu découragée, esseulée devant mon écran d’ordinateur derrière lequel mes profs, tout aussi perdus que moi, essayaient de rattraper leur retard sur la matière jusqu’à ce qu’on pète littéralement une case. La coupe était pleine, on ne savait plus suivre et je sentais que mes camarades et moi n’étions plus dans un état nous permettant de suivre les cours correctement. Heureusement pour nous, l’école a compris notre ras-le-bol et a obligé les profs à arrêter la matière des semaines avant la fin des cours. Cette fois-ci, je réussis mieux encore que l’année précédente. J’avais à nouveau confiance en moi, boostée par les proches et mes enseignants.
Après avoir fait trois deuxième année en tant que futur prof, j’avais brisé ce cercle vicieux qui me retenait bloquée et avançais enfin vers ma dernière année. Ce serait mentir que de dire que c’est facile. Les cours sont donnés en distancié depuis octobre, et le seul moment où j’aurais pu retourner en classe, il a fallu que je commence mon dernier stage. Je ne vais pas me plaindre, j’ai des collègues géniaux avec lesquels je m’entends bien, un boulot qui me plaît toujours autant, même si les conditions sont un peu particulières à cause du virus.
Si tout va bien et que je parviens à finir la partie théorique de mon mémoire avant la fin de la semaine prochaine, je devrais être diplômée en juin, maximum en août. C’est là que se trouve maintenant ma motivation d’aller de l’avant et de ne pas me laisser abattre par les années passées dans mes études. J’ai grandi, mûri et trouvé la force en moi de m’affirmer, rompant les liens avec les personnes qui m’étaient néfastes, me rapprochant un peu plus de celle que je vais devenir : une jeune femme assez forte que pour s’affirmer haut et fort, sûre d’elle et souriante à son avenir.
Notre passé ne nous définit pas, ce sont nos expériences passées, les leçons que l’on en a tirées qui nous définissent. Mais ce qui compte le plus, c’est notre futur, la vision de nous que l’on veut donner et nous voulons. Donnons-nous les chances de réussir. Osons, même si ça parait irréalisable et complètement fou. Soyons forts et humbles. Soyons courageux et bienveillants, comme le dit Cendrillon. Et comme le dit Albus Dumbledore dans Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban : Mais vous savez, on peut trouver du bonheur même dans les endroits les plus sombres. Il suffit de se souvenir d’allumer la lumière. Et que Sirius dit plus tard dans le même film : Ceux qui nous aiment ne nous quittent jamais vraiment. On peut toujours les retrouver… là. [en pointant du doigt le cœur d’Harry].
Il y aura toujours des hauts et des bas, c’est la vie. Il suffit d’être un peu courageux et se rappeler qu’on n’est jamais vraiment seul et qu’il y aura, quelque part, quelqu’un pour vous aider, vous écouter et vous soutenir.
Courage, gentillesse, bonté, force et sagesse, agrémentés d’un brin de curiosité font un bon mélange et de l’homme ou de la femme qui réunit ces qualités un être humain qui réussira et qui trouvera sa place dans sa société, même s’il doit s’y reprendre à trois fois pour trouver sa voie.
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