- Medaïsin -
Un hululement fendit le silence. S'ensuivit un effroyable tumulte, comme si tous les volatiles présents dans ces bois avaient décidés de s'envoler au même instant. Et c'était le cas.
Le visiteur se stoppa net, alerte, il scruta les alentours sans bouger. Rien. Le silence absolu, le néant. Ces bois, pourtant réputés pour leur faune nocturne très diversifiée, étaient totalement muets. Un frisson parcourut l'échine de l'homme. Il le chassa de sa tête en arrangeant ses longs cheveux de jais, puis posa délicatement la capuche de sa longue cape sombre sur sa tête. Et ainsi, l'elfe continua sa route au travers de cette lugubre forêt, l'écho solitaire de sa canne résonnant dans le lointain.
Ses pas le menèrent instinctivement, sans même qu'il n'y prête attention tant le chemin était gravé dans ses pensées, jusqu'à un vaste étang bleu alimenté par une petite cascade découlant d'un ruisseau. Même de nuit, il scintillait, répandant une douce lueur bleutée qui chassait les ténèbres des bois. Sa couleur était due aux innombrables petits cristaux qui perlaient le fond de l'eau. Le lieu était calme, bien trop calme d'ailleurs. Nul être vivant n'était visible. Le visiteur tapa de sa canne, le son rebondit sans qu'aucune réponse ne lui parvienne. Aucun signe de vie.
Soudain, un chant, ou plutôt une mélodie, brisa la cage de silence. L'eau de l'étang se mit à bouillonner, encore et encore, de plus en plus ; un faible vent se leva, tourbillonnant, les feuilles l'accompagnaient. Les eaux se fendirent, s'ouvrant en deux comme si quelque chose les avaient éventrées. Une balle d'énergie saphir en sortit, lévitant dans les airs juste au-dessus de la surface. Cette dernière paraissait comme électrique.
Le visiteur la contempla, une lueur résignée dansait dans ses yeux turquoise. Il savait. Il s'était préparé depuis des millénaires en vu de ce jour. Ce jour où il se réveillerait. Ce jour où son âme destructrice, la plus sombre partie de son être, qu'il avait enterré il y a bien longtemps, s'éveillerait de nouveau afin de continuer son œuvre chaotique. Il était prêt. Cette fois, il n'échouerait pas.
La boule d'énergie commençait à tanguer dans l'air, puis en un tintement elle explosa. Trois petits êtres apparurent, voletant dans l'air froid. Trois vuëlkains. L'un était un chaton noir comme la nuit, aux longs poils frissonnant, ses yeux ovales d'un jaune opaque telle la nuit hypnotisaient quiconque croisait son regard. De longues membranes d'un jaune électrique fusaient depuis ses omoplates, créant ses ailes névroptères. Le second était d'une douce couleur or, ses prunelles marrons atténuants quelque peu l'effet tranchant de la fente ténébreuse que formait sa pupille noire. Élançant son long cou, il cracha une flamme sombre découvrant de longs crochets pointus. Et enfin, apparut le troisième, un être dont le pelage jouait avec le noir et le blanc, dont les yeux fluorescents, l'un bleu de glace, l'autre vert émeraude, pétrifiant ceux osant les croiser. Ses longues ailes turquoise s'étirèrent dans la brume bleutée, créant un mini tourbillon. Les trois vuëlkains papillonnèrent un moment, effectuant une danse à la fois sublime et lugubre, alternant entre air et eau. Puis, lorsque leur chant se tut, il apparut.
Émergeant de l'eau agitée, un homme. Un elfe, nu. Ses cheveux de jais lui tombaient jusqu'à bas des reins, contrastant avec la teinte ivoire de sa peau. Il passa une main en eux, les secouant dans un geste que connaissait que trop bien le visiteur. Les êtres draconiens vinrent délicatement se poser sur lui, deux sur ses épaules et le dernier se nicha aux creux de ses mains. Medaïsin, l'incarnation du chaos.
Un instant s'écoula, le souffle du visiteur s'accéléra, le sang battait ses temps faisant tourbillonner sa tête. Puis soudain, la tête de Medaïsin bascula, se renversant en arrière. Ses yeux turquoise étincelaient en contemplant sa proie. Les quelques écailles qui parcouraient sa peau douce luisaient d'un éclat mauvais. Un rictus tordit son beau visage tandis que lentement, sa langue fourchue passa sur ses lèvres, impatiente de goûter au sang gorgé d'espoir de son autre lui.
Le néant se pare toujours de la plus belle nuance de bleu, n'est ce pas ?
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