Chapitre 13 : Pris au piège ?

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Le son d'un clocher retentissant dans la nuit, Anna se réveilla en sursaut dans son lit. Quand elle regarda autour d'elle, elle s'aperçut qu'elle était seule autant dans son lit que dans sa chambre. Elle se leva et s'habilla en urgence, puis se mit à regarder dans le reste de la maison mais elle ne l'y trouva pas. Van semblait avoir disparu durant la nuit, mais il n'avait rien dit à sa partenaire. Où était-il parti ? Quand reviendrait-il ? Plus les cloches raisonnaient en ville, plus elle pouvait ressentir l'agitation et la panique en ville. Anna était morte d'inquiétude pour Van et bien qu'il soit un combattant très doué, elle ne put s'empêcher de sortir de la maison pour partir à sa recherche. Lorsqu'elle se retrouva dans la rue, elle remarqua que la panique était totale dans le quartier. Tous couraient dans tous les sens entre ceux qui fuyaient au plus loin de l'incendie, et ceux qui couraient en direction du feu et de la fumée pour tenter d'aider à maîtriser les flammes. En voyant le spectacle devant ses yeux, Anna ne put s'empêcher de rester immobile un long moment, figée et déconcertée par l'effet de surprise.

Après avoir passé le choc, Anna commença à paniquer à son tour. Elle craignait le pire concernant son partenaire, dont la disparition semblait coïncider avec le moment de l'incendie. Elle espérait vraiment que ce dernier ne s'y était pas retrouvé mêlé. Tandis qu'elle courait en direction des flammes pour s'en assurer, elle tentait d'arrêter les personnes qui fuyaient à l'opposé. Cependant, personne ne voulait s'arrêter pour lui répondre jusqu'à ce qu'enfin, elle finisse par avoir un interlocuteur en la présence d'une femme blonde d'une quarantaine d'années. Elle s'empressa alors d'avoir enfin une minimum d'information :

- Dîtes-moi ce qu'il se passe, je vous en prie !

- Mais enfin, vous n’êtes pas au courant mais vous foncez droit vers la scène de crime ?

- La scène de crime ? Vous savez qui à fait ça ?

- Je ne l'ai pas vue mais j'en suis sûre, c'est comme la dernière fois ! C'est encore de la sorcellerie, c'est ce qui se dit sinon pourquoi l'inquisition serait en ville et les portes gardés ?

De la magie ? Voilà une information qu'Anna ne pouvait pas laisser passer. Certes, elle savait bien que Van ne pouvait être l'auteur du feu, car sa seule magie était celle d'Anna et son élément de glace ne pouvait provoquer des incendies. Cependant, elle s'inquiétait surtout de savoir où était son équipier tandis que les flammes ravageait le quartier en reconstruction. Elle poursuivit sa course en direction de l'incendie en fonçant à toute vitesse. Alors qu'elle n'était plus qu'à une vingtaine de mètre du quartier, deux mains vinrent la saisir par la taille et l'emmener dans une ruelle sombre. Puis, avant qu'elle n'ait pu dire le moindre mot, elle se retrouva plaquée contre le mur d'une maison avec une main sur sa bouche, et une autre sur sa poitrine gauche. Quand elle aperçue le visage de la personne l'ayant attrapée, elle se calma et fut rassurée : c'était celui de Van qui l'avait vu courir dans la rue. Le jeune homme l'avait attrapée dans la précipitation, et fait en sorte qu'elle ne fasse pas de bruit pour qu'ils ne soient pas repérés, sa main sur ses seins n'étant qu'un regrettable accident. Il retira sa main et lui fit signe du doigt de se taire avant de la prendre par le bras et l’emmener loin de l'incendie en passant par les ruelles sombres pour ne pas être visibles.

Ils marchèrent d'un pas rapide mais régulier, tentant de rentrer chez eux dans le plus grand silence. Une fois arrivé à destination, ils passèrent par l'arrière de la maison pour rentrer, et firent comme s'ils n'étaient pas là, se privant de cheminée et de toute forme d'éclairage. Van raconta alors en détail ce qu'il avait vu à sa partenaire, et quand la situation sembla revenir au calme, et que d'autres foyers commencèrent à rallumer bougies et cheminées. Van en fit alors autant afin de faire croire qu'ils venaient à peine de rentrer chez eux comme tout le monde après avoir constaté les événements. Quand, à la lumière de plusieurs bougies ils se firent face dans la chambre, prêt à aller se recoucher, Anna décocha une gifle dans le visage de son partenaire qui semblait presque s'attendre à cette réaction. Le jeune homme savait bien pourquoi, et que cela n'avait rien à avoir avec la main sur ses seins une vingtaine de minutes plus tôt. Il savait qu'Anna ne lui pardonnerait pas d'avoir enquêté seul, en la laissant derrière alors qu'il lui avait promis quelques mois plus tôt de ne pas le faire. Pourtant, cette gifle avait une autre raison que Van ne semblait pas avoir compris. Anna, malgré son visage furieux, lui fit ses reproches sans hausser le ton, mais sa voix laissait transparaître sa colère :

- Est-ce que tu te rends compte de ce que j'ai pu ressentir quand j'ai vu que tu avais disparu sans rien dire ? Tu croyais que j'allais le prendre comment, hein ?

- Désolé je ne voulais pas te vexer, répondit Van. Je voulais juste te.....

- Me protéger ? L’interrompit Anna. Mais qui te protégeait toi ce soir ? J'étais morte d'inquiétude, bien plus que je n'étais vexé. Certes, je n'aime pas le fait que tu as rompu ta promesse mais je t'en veux encore plus de ne m'avoir pas m'avoir laissé un mot pour me dire où tu allais.

- Je ne pensais pas que tu t'inquiéterais autant, s'excusa Van. Et si je t'avais dit où j'allais ce soir, tu m'aurais suivi et c'est ce que je voulais justement t'éviter.

À ces mots, Van reçu une nouvelle gifle bien que moins forte que la première, elle n'en était pas vide de sens car Anna était en larme quand elle lui donna celle-ci. Elle se mit alors à essayer de lui faire comprendre la situation avec moins de colère dans la voix :

- Tu es stupide de penser que ça aurait changé quelque chose de ne rien me dire. Ça ne m'a pas empêchée de partir à ta recherche même si c'est toi qui m'as retrouvée le premier. Tu croyais que je serais sagement resté ici à t'attendre en voyant que tu avais disparu ? Je suis ta partenaire, pas une épouse qui attend sans rien dire le retour de son mari ! Et quand bien même, on aurait été marié, je serais quand même partie à ta recherche car on fait équipe avant tout !

- On est une équipe certes, mais vue la situation je ne regrette pas mon choix, je m'excuse juste d'avoir blessé tes sentiments, répondit Van. Le but de l'inquisition était clairement de déclencher une chasse aux sorcières ce soir-là, et la marque tu as en bas de ton dos te met bien plus en danger que n'importe qui désormais. Essaye de ne pas l'oublier avant de me faire des reproches.

Pour toute réponse, Anna enleva sa robe devant Van et se tourna dos vers lui, sa culotte masquant la marque au fer rouge qu'elle avait en bas du dos. Puis, à la grande surprise de Van qui ne s’attendait pas du tout à cela de sa partenaire, celle-ci enleva sa culotte et se retrouva complètement nue, dos à lui. Une fois entièrement nue, elle reprit la parole aussi naturellement qu'il le soit possible, devant un homme complètement rouge, incapable de dire le moindre mot :

- Tu vois cette marque ? Je prends bien soin de la cacher sous ma culotte. Il n'existe que deux personnes encore en vie sachant où la trouver, toi et Alisia. Et seul toi a encore une chance de la voir. Alors, même si je sais le risque qu'implique cette marque quand je quitte la forteresse, je n'ai pas peur car je connais bien le seul homme au monde à connaître son emplacement précis.

- Mais enfin, tu te rends compte de ce que tu dis ? Répondit Van. Déjà, si tu pouvais remettre de vêtements ça serait mieux pour nous deux. De plus, même si je suis l'un des seuls à savoir, n'oublie pas que le soir où tu as reçu cette marque, l'inquisition n'as eu aucun scrupule à t'arracher tes habits pour te l'infliger à cet endroit précis. Alors ne prends pas mon silence comme une garantie.

- Je ne le prends pas comme ça, mais plutôt comme un rappel de ce que je risque en quittant la forteresse à tes côtés, lui expliqua Anna. Je sais bien ce que je risque ce soir et dans les jours qui viennent.

- Et cela ne te fait pas peur ? Lui demanda Van. Si ma mémoire est bonne, ce justement le genre de scénario que tu voulais éviter et fuir. Qu'est-ce qui a changé ?

- Ce qui a changé c'est toi ! Lui avoua Anna en rougissant. Tu m'as convaincue de l'importance de nos missions, et du fait que nous étions les seuls à pouvoir le faire. Alors oui, j'ai peur même en ce moment, mais j'ai déjà pris une décision pour y faire face et elle te concerne !

- Une décision qui me concerne ? S'étonna Van. Et en quoi cela va t'aider à calmer ta peur et justifier que tu restes nue devant moi ?

Face à cette dernière question, Anna ne dit pas un mot mais elle lui répondit par un geste fort. Elle se retourna et empoigna le jeune homme par sa chemise. Puis, elle le poussa sur le lit et se jeta sur lui complètement nue, et commença à passer ses mains sous la chemise du jeune homme tout en lui passant sa langue dans le cou. À la grande surprise de la jeune femme, Van se laissa faire plus facilement que prévu et cela pour une bonne raison : il savait pourquoi elle agissait ainsi. Ce scénario bien qu'il n'en fut jamais témoin, il en avait déjà souvent entendu parler concernant d'autres équipes parties en mission, y comprit des équipes composées de deux femmes comme Crona et Lucia. C'était le fameux scénario de la peur, qui poussait certains à ce genre de désinhibitions et de comportement. De peur de mourir en mission, il était fréquent que des personnes comme Anna, persuadé d'une fin proche, veuille expérimenter certaines choses avant leur dernier souffle. Ce fut exactement la raison qui poussa Anna cette nuit-là, à se jeter sur son partenaire afin de coucher avec lui. Mais ce ne fut pas uniquement pour ce motif que Van se laissa faire.

Le jeune homme lui aussi pensait de la même façon qu'Anna devant l'approche d'un potentiel danger mortel. Van voulait également expérimenter la question de l'intimité charnelle, avant de mourir si jamais cela devait leur arriver. Van n'eût aucun mal à se laisser séduire par la jeune femme car elle avait tout pour le faire céder sur le plan physique. Du haut de ses vingt ans, elle était belle et sa crinière flamboyante le captivait. Puis, ses mains furent rapidement attirées par le corps de la jeune femme, ses formes ne pouvant pas le laisser indifférent. Ses seins, ses fesses et son bassin le rendirent fou d'elle malgré le fait qu'il hésitait légèrement à passer à l'action, se sentant coupable de profiter de l'égarement de la jeune femme qui était dû à la peur. Pourtant, cette nuit-là il n'y avait plus de peur que de mal car à leur réveil, ils n'étaient ni menacé ni en danger, le seul changement survenu étant leur forfait accompli quand ils se retrouvèrent tout les deux nus, chacun dans les bras de l'autre. Anna, toujours endormie, affichait pourtant un sourire satisfait tout comme Van, qui malgré tout était réveillé et perdu dans ses pensées. Il hésitait encore à la suite des événements, car il ne savait pas s'il avait obtenu assez d'informations, et si tous deux pourraient repartir facilement de Worms.

****************

Premièrement, bien qu'ils en sachent plus sur les méthodes des inquisiteurs, l'enquête de Van ne répondait toujours pas au problème posé par les répurgateurs. Deuxièmement, ils ne pourraient pas quitter la ville tant que la chasse aux sorcières voulue par les inquisiteurs ne s'achève ou au moins, qu'elle se calme en termes d'intensité. C'est surtout ce second point qui posait problème à Van, car ils devaient se faire discrets pendant que la chasse aurait lieu. Cependant, il se devait de conserver sa couverture autant l'un que l'autre et donc, Van se leva afin de s'habiller comme il le faisait tous les jours tout en regardant Anna dormir, avec un sourire radieux sur le visage. S'avançant vers l'entrée de la maison, il se retrouva nez-à-nez avec deux gardes et un inquisiteur devant lui quand il ouvrit la porte. À la vue du visage calme et détendu de son interlocuteur, Van comprit que ce dernier venait juste lui poser des questions à titre d'enquête et rien de plus :

- Pourriez-vous nous accorder un moment ?

- Je suis un peu pressé sans vouloir vous manquer de respect, après ce qui s'est passé cette nuit, je vais avoir deux fois plus de travail à mon grand regret, répondit Van.

Il avait dit cela en essayant d'afficher le visage le plus neutre possible. En jouant la victime dont le travail venait de partir en fumée, il pensait que cela suffirait à éloigner les soupçons. Malgré tout, l'inquisiteur ne semblait pas vouloir le laisser partir avant d'en avoir fini avec ses questions :

- Vous travaillez sur le chantier, mais vous ignorez que celui-ci va rester inaccessible plusieurs jours durant l'enquête ?

- Disons que je n'en ai pas été prévenu, déclara Van. Sinon, croyez bien que je me serais donné la peine de me préparer pour y aller.

- Toutes les personnes affectées à la reconstruction du quartier ont été prévenus à l'aube, je voudrais bien savoir ce que vous avez fait de votre nuit, pour ne pas vous réveiller à temps pour être prévenu ? Demanda l'inquisiteur avec une voix suspicieuse. Où étiez-vous donc cette nuit ?

- Il était avec moi toute la nuit ! Intervint une voix féminine.

Anna s'était également réveillé et avait rejoint Van après s'être habillé. Elle avait entendu toute la discussion mais avait préférée attendre pour s'en mêler, afin de ne pas s'exposer inutilement à l'inquisiteur. Quand celui-ci commença à faire preuve de méfiance et de suspicion à l'égard de Van, la jeune femme avait décidé de se joindre à la discussion :

- Pour ce qui est du réveil tardif de mon époux, j'en suis responsable car nous essayons d'avoir un enfant en tant que jeunes mariés, déclara-t-elle en se collant légèrement à Van. Aurions-nous fait quelque de chose de mal monsieur ?

- Pas si vous dîtes la vérité madame, mais cela fait deux fois que le quartier est incendié, et ce n'est certainement pas un hasard. Je vous recommanderais comme à tous d'éviter tout écart de conduite à l'avenir. Nous n'avons rien à vous reprocher pour l'instant, mais on a toujours de la place pour une personne de plus sur un bûcher.

Bien que l'inquisiteur ait décidé d'en rester là, il avait prononcé ces dernières paroles avec une voix grave et menaçante. Van et Anna restèrent un moment à la porte à regarder l'inquisiteur, et ses deux gardes s'éloigner de leur maison. Lorsqu'ils rentrèrent à l'intérieur de leur demeure, Anna ne put s'empêcher de lâcher un juron avant de commenter la présence de l'inquisiteur plus tôt :

- Ce type de l'inquisition je le sens vraiment pas pour la suite. Comment ce fait-il que personne ne t'ai prévenu pour le chantier ? Et si c'était volontaire, et qu'ils avaient des soupçons sur toi ? Tu es sûr qu'ils ne t'ont pas vu hier soir quand tu les espionnais ?

- Sûr et certain, répondit Van. Je crois plutôt qu'ils vont chercher à piéger toutes les personnes interrogées avec des fausses informations pour les pousser à l'erreur.

- En parlant d'erreur, je voudrais qu'on soit clair concernant la nuit qu'on a passée ensemble, pour moi cela n'était pas une pour moi, lui annonça Anna. Sauf si tu as déjà quelqu'un dans ta vie à la forteresse.

- Il n'en est rien je te rassure, répondit Van. Cependant, il vaudrait mieux éviter que cela ne se reproduise, ou alors le moins possible. Vu notre situation précaire et la mort nous guettant si souvent, ce serait pas une bonne chose si nous venions à avoir un enfant.

Anna avait bien compris le point de vue de Van, mais ne le trouvait ni joyeux ni optimiste. Au moins, pensait-elle, il ne lui en voulait pas pour la nuit précédente. Mais la jeune femme trouva les nuits suivantes calmes mais ennuyeuses, bien que Van la laissait dormir contre lui sans se plaindre. Durant une semaine entière, diverses arrestations furent effectuées dans la ville et au bout de sept jours, ce ne fut pas moins de quinze femmes qui furent enfermées. Un grand procès eût lieu à la fin de la semaine tandis que Van et Anna restèrent passifs, ne pouvant rien faire à seulement deux pour empêcher le procès. S'ils intervenaient, ils étaient condamnés car ils ne pouvaient pas fuir la ville et étaient pris au piège, tout en étant libre de leurs mouvements malgré tout. Une fois le procès fini, les quinze femmes furent alors condamnées à mort à être brûlées vives sur la grande place centrale de la ville de Worms. L’exécution devait avoir lieu après le couché du soleils, tandis que Van et Anna regardaient les bûchers être montés toute la journée.

Pourtant, si Van et Anna avaient travaillé si dur, s'entraînant sans arrêt jour après jour, c'était afin de pouvoir éviter cette situation. Mais cela aurait été contraire à leurs ordres, et aurait relevé de la mission suicide. Mais lorsque les bûchers furent terminés et les condamnés attachés dessus, Van ne pouvait plus tenir à l'idée de ce qui allait suivre. Il était prêt à affronter seul le danger et à tout risquer pour empêcher l'exécution. Attrapant sa rapière et étant décidé à se mêler des affaires de l'inquisition, il fut stoppé net avant d'avoir pu franchir le seuil de la porte de la chambre. Anna l'avait ceinturé de toutes ses forces pour l'empêcher de quitter la maison, tandis que les bûchers furent alors allumés. Anna avait agi en sachant très bien que Van la détesterait pour son geste mais elle s'en fichait, elle savait qu'elle devait à tout prix l'arrêter. Cependant, elle aussi aurait bien voulu éviter ce massacre si elle l'avait pu. Elle ne pouvait que comprendre et ressentir la rage qui animait son compagnon à cet instant. Van, lui, ne comptait pas en rester là :

- Lâche-moi idiote ! On doit les sauver !

- On ne peut pas, c'est impossible et tu le sais très bien ! Répondit Anna.

- Mais enfin, elles vont mourir ! Insista Van. C'est notre devoir de faire quelque chose. Cela ne te fait donc rien de les laisser ainsi ?

- Si, mais cette fois on y peut rien alors pardonne-moi, car je ne te laisserais pas courir à une mort certaine sans rien faire ! Répliqua Anna qui fondit en larme.

Tandis qu'elle essayait de le retenir, les bûchers furent allumés sur la grande place et il était désormais trop tard pour agir car celle-ci, était trop loin de leur maison pour qu'ils arrivent à temps. Désormais, ils ne pouvaient qu'écouter les cris de douleurs des femmes que l'on brûlait, et se résigner à ne rien pouvoir faire. Anna tremblait de tout son être, ses larmes ne pouvant s'empêcher de couler à flots tandis que l'horreur de l'exécution lui revenait sans cesses aux oreilles. Bien qu'elle ait empêché Van d'intervenir, elle était la première à haïr cette situation d'impuissance. Cette douleur, cette rage silencieuse, Van sur le coup n'avait pas compris à quel point Anna pouvait la partager avec lui. Devant le fait accomplis, et ne pouvant plus rien faire, il commença à prendre du recul sur la situation. Certes, il était toujours aussi dégoûté de n'avoir pas pu empêcher l'exécution, mais il savait qu'Anna avait fait ce qu'il fallait même s'il avait bien trop de mal à l'accepter. Quinze femmes étaient en train de mourir dans d'atroces souffrances alors qu'ils avaient le pouvoir d'agir mais ils n'en avaient pas la possibilité.

Sentant les frissons de terreur parcourant le corps d'Anna, Van ne put que se retourner et serrer la jeune femme dans ses bras. Des deux, elle apparaissait être la plus traumatisée par la situation alors qu'elle fut pourtant la plus raisonnable. Puis, les hurlements de douleurs finirent par s'estomper mais cela n'aida pas Anna à se calmer car, après les cris ce fut au tour de l'odeur de la chair carbonisée d'arriver jusqu'à eux. Lorsque l'odeur pénétra les narines de la jeune femme, celle-ci ne put le supporter et lâcha sans le vouloir un flot de vomi monumental sur les vêtements du jeune homme. Bien qu'il en fasse les frais, Van ne lui en voulait pas et ne pouvait se mettre à sa place ainsi que se montrer compréhensif. Quand elle n'eut plus rien à vomir, le jeune homme l'aida à aller s'allonger car ses jambes ne la supportaient plus, après lui avoir retiré sa robe elle aussi souillée, puis alla déposer leurs vêtements respectifs dans l'évier pour les laver le lendemain. Revenant dans la chambre, il se coucha à côté d'Anna dont les larmes s'arrêtaient peu à peu de couler, la jeune femme n'étant pas calmée mais n'en n'ayant presque plus une goutte à verser. Il la prit dans ses bras pour la réconforter, tandis que la jeune femme elle, n'avait qu'une seule chose en tête :

- Dis-moi, je sais que c'est frustrant de n'avoir rien pu faire, mais je voudrais te demander une chose importante.

- Qu'est-ce donc ? S'étonna Van. Tu ferais mieux de te reposer plutôt que de parler, la soirée fut vraiment éprouvante surtout pour toi.

- Avant ça, il faut que je te demande une chose importante, insistât Anna. Promets-moi qu'ils ne s'en sortiront pas aussi facilement ! Qu'un jour ils paieront pour les atrocités qu'ils se permettent au nom de leur justice divine ! Qu'un jour, ce genre d'horreur ne se produira plus jamais !

Devant le plaidoyer de la jeune femme, Van ne savait comment il devait lui répondre. Certes, elle était bouleversée et il aurait pu lui dire ce qu'elle voulait entendre. Mais il ne voulait pas non plus lui mentir, lui faire de fausses promesses et lui donner un espoir qui ne serait qu'illusion. Alors, il se décida à lui répondre avec sincérité mais sans lui briser encore plus le moral :

- Je ne peux rien te promettre, mais en revanche je sais que tant nous serons en vie, il nous sera toujours possible d'essayer de changer les choses. Tout ce que nous pouvons faire désormais, c'est rester en vie et trouver un moyen de quitter cette ville, sains et saufs. Vu la situation, je doute qu'il nous soit possible d'en savoir plus sur notre ennemi en étant aussi surveillé. Et puis, nous avons au moins réussi à savoir comment faisait l'inquisition pour rouler les populations dans la farine, c'est mieux que rien comme enquête, on ne rentrera pas sans rien à rapporter.

Anna ne disait rien à Van mais elle ne pouvait pas le contredire : même si c'était dur à accepter qu'il ne puisse lui promettre que les choses iraient mieux, il lui avait parlé avec franchise et cela lui plaisait quand même. Elle finit par s'endormir dans les bras du jeune homme, qui lui aussi tombait de fatigue. Tandis que la nuit passa dans le calme, Anna ne pouvait s'empêcher de haïr la maison depuis que celle-ci s'était imprégnée de l'odeur des corps carbonisé. Le lendemain matin, l'odeur restait si présente dans les pièces qu'Anna ne pouvait rien manger sans aller vomir. Elle voulait désormais quitter la ville le plus vite possible. Cependant, comment partir sans être soupçonné par l'inquisition et se faire prendre à leur tour ?

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