CHAPITRE 22 : Le cachot. [corr Anne]

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(Avant qu’Yvan ne mette le nez dans mon histoire, ce chapitre ne faisait qu’une demi-page.)

Metamoto, Ser et Garm descendaient, avec quelques légionnaires, questionner en son cachot un Procus enchaîné.
La lourde porte pivota avec un grincement sinistre.
La cellule se trouvait dans les derniers sous-sols du praetorium* du camp principal de la III ième Légion.
Le prisonnier qui était pour ainsi dire cloué au mur, fut ébloui par la lumière des torches.
Lui qui y était cloîtré depuis plus de 15 jours sans lumière, fut abasourdi par tant de bruit et d’agitation.
On l’avait laissé seul, tout vermineux avec son angoisse et ses blessures qui étaient innombrables et cruelles. On le nourrissait chichement. On l’avait si étroitement enchaîné au mur qu’il ne pouvait faire ses besoins que sous lui. Bref, il était plus mort que vif.
Metamoto, le maître d’arme d’Honorius et accessoirement le chef des Arcanis*, redressa la tête du supplicié en lui tirant les cheveux.

Qu’on lui jette deux ou trois seaux d’eau vinaigrée, cela éveillera son attention et le nettoiera un peu.

  • A tes ordres, Res Metamoto.
  • Tu vois Ser, Garm avait raison pour Nestoriu. A peine arrivé, il fait montre d’efficacité et de discrétion, il nous a servi Procus sur un plateau.
  • Oui, je saurai l’en remercier.

Deux légionnaires entrèrent portant chacun deux seaux remplis à ras qu’ils jetèrent sur le prisonnier.

  • Je crois qu’il lui en faudrait deux de plus. Intervint Garm.
  • Vous avez entendu Res Garm ? Allez ! Magnez-vous !

Procus revenait lentement à la conscience de ce monde et les deux seaux supplémentaires achevèrent de le réveiller.

  • Je pense que tu sais ce qui t’attend... Dans le meilleur des cas, un des summa supplicia* te sera réservé. Tu préfères la croix, le feu ou les... ? Pas besoin de répondre, je sais que tu m’as compris. Alors écoute bien, je vais te faire une proposition que tu ne pourras pas refuser. Tu peux remercier Res Ser qui t’a pris en pitié. Pour ma part, je t’aurais laissé aux bons soins de Res Garm qui t’aurait épluché comme un oignon ; les gars comme toi, il les fait chanter. Il t’aurait fait cracher tout ce que tu sais et même ce que tu ne sais pas. Tu sais, on peut te torturer très, très longtemps et très lentement, jusqu’à ce que t’en crèves presque. Mais tu survivras pour savourer ton exécution qui sera lente et très, très douloureuse. Donc, tu as le choix entre moi et Res Garm. Mais sache qu’au bout du compte ton exécution est inéluctable. Tout ce que tu peux espérer, c’est une mort rapide et sans douleur avec, auparavant, quelques petites douceurs et c’est déjà beaucoup. À j’oubliais un détail, on peut aussi s’occuper de ta mère, en bien comme en mal.
  • J’fais quoi pour soulager ma fin ?
  • Tu vois, Res Ser !? il pense à lui avant de penser à sa mère, ce n’est qu’un coquin sans vergogne. Il ne mérite pas ta pitié.
  • Ma mère ? J’sais même pas où qu’elle est, c’te salope !
  • Bon, oublions ta mère et toute ta famille que tu sembles tant aimer. Passons à ta petite personne... Si tu acceptes de finir sur un peu de douceur... Quelles seraient tes dernières volontés ? Mais tu dois tout nous dire, même les plus infimes détails, on t’écoute. À présent, fais ton choix.
  • Je dirai tout ce que je sais, c’est promis, mais je veux qu’on panse mes plaies, j’veux du vin et une fille.
  • Gardiens, libérez-le, faites venir un médecin ou un mire et un greffier. Pour la fille, t’attendras.

Metamoto, qui semblait avoir pris la direction de l’interrogatoire, se chargea de faire nettoyer ses plaies, d’élargir ses entraves, et même de faire dresser une table, afin de poser les plats et le vin pour remplir sa part du marché. Il fit asseoir le prisonier sur un tabouret devant son dernier repas.

  • Allez, remplis-toi la panse, qu’on puisse passer aux questions.
  • Et la fille ?
  • Qu’est-ce que je t’ai dit, d’abord tu réponds, ensuite tu auras la fille.
  • Ouais, mais j’en veux une grosse avec de gros seins.
  • D’accord, tu connais Garm, c’est le roi des lenos*, il a ce qu’il te faut.

Alors le prisonnier fut intarissable, trois heures plus tard, il savait tout, tout ce dont se souvenait le prisonnier. Les questions que posait Garm étaient parfois saugrenues, mais le prisonnier s’efforça d’y répondre.
Toilà Metamoto fit relire par le secrétaire assermenté les six rouleaux qu’il avait noircis, afin qu’il n’y ait aucun oubli.
Il fit un geste à ses amis qui se déplacèrent.
Le greffier était sorti ainsi que les gardes.

  • Bon ! Dit Garm, je dois m’assurer que tu n’as pas menti. Effectivement, tu as été honnête, au moins une fois dans ta vie... Passons à la suite.

Il dénoua son brassard de cuir, révélant son bracelet Oracle*, il l’appuya sur le front du prisonnier. Voilà, j’ai fini, passons à la suite.
Metamoto passa derrière lui comme pour lui servir à boire, l’autre ne vit rien, Ser eu à peine le temps de cligner des yeux, de sentir comme un léger souffle, que la tête de Procus lui tombait dans les mains, déjà Metamoto finissait de nettoyer sa lame avec une feuille de papier de riz.

Alors Ser, qu’en penses-tu ?

  • Joli coup, mais que de sang ! Tu aurais dû laisser faire Garm, il l’aurait étranglé proprement.
  • Vous pensez que les légionnaires vont faire les commères ?
  • N’aie crainte, c’est ma garde personnelle. Je réponds d’eux, comme toi de tes arcanis. Non, la question est… que fait-on de Téobulus et de Périantos ?
  • Tu connais ma préférence, un regretable accident est si vite arrivé. Je pense qu’on peut se passer d’un vote du Consistorium, quant au sénat, il blanchirait ces deux tribuns. Le problème, c’est qu’ils doivent être proches de la capitale à l’heure qu’il est.
  • Je comprends maintenant leur empressement à vouloir quitter leurs postes au plus vite. Et moi qui mettais cela sur le compte de la frustration et de la déception, voire sur le désir de renouer avec les plaisirs de Domina… Non c’était de la peur, rien que de la peur.
  • Heureusement que ce sont les auxiliaires de Nestorius qui ont attrapé Procus. Sans quoi, nos deux filous sauraient que nous savons. Je ne vois que toi, Garm et tes papillons multicolores*, pour prévenir tes Hors-loi de faire le nécessaire.

Garm semblait absorbé par ses pensées.

  • Oui Metamoto, tu as raison. Que Garm utilise ses papillons. Ils sont plus rapides que n’importe quel volatile et n’ont aucun prédateur. Ils croisent à la même altitude que les baleines volantes, c’est dire… les vents de haute altitude auront vite fait de les porter à Domina. N’est-ce pas, Garm ?
  • Oui, ils seront arrivés bien avant tes clients. Dommage qu’Agatorn ne soit pas dans la Capitale, il t’aurait trucidé tes deux tribuns de façon originale, c’est un esthète dans son genre.
  • Ne me parle pas de lui. Je lui dois un chien de ma chienne, répondit Ser.
  • Tu penses comme Garm, pourtant vous trois êtes des Hors-loi ?
  • Justement, je suis certain qu’il nous cache pas mal de choses. Sans compter cette histoire d’il y a dix ans avec cette jeune Valdhorienne. Pour la fille des Lintres, je n’ai pas pu faire autrement que de le recruter, mais j’en reparlerai plus tard. Il n’en fait qu’à sa tête. Il semble suivre des plans qui lui sont propres, comme sa lubie de vouloir une scolopendre. D’après la Guilde Souveraine, il est proche de pouvoir le faire.
  • A quoi cela pourra-t'il lui servir, s'il n’a pas qu’équipage ?
  • Tu sembles oublier qui il est. C’est un régénéré comme moi, et il n’arrête pas de répéter qu’il vient d’une contrée qui avait inventé le système D. Je ne sais toujours pas ce que c’est, mais il semble en être très fier.
  • Oui, maintenant que tu en parles… je me souviens de la façon dont il a réparé l’aqueduc il y a cinq ans avec trois fois rien. Les ingénieurs du palais lui avaient demandé : " comment avez-vous fait ?" Il les avait regardés avec cet air stupide qu’il prend quand il ne veut rien expliquer et il leur avait répondu en levant l’index : c’est le système D, messieurs, c’est le système D.
  • Bon, assez parlé des absents. Notre priorité, c’est de prévenir l’Empereur mon frère. Je ne doute pas que la guerre soit proche. Tout compte fait, laissons vivre Téobulus et Périantos. Après tout, nous ne sommes pas censés savoir. Pour Procus… le lac est profond et il baigne les pieds des remparts. Ça ou les charniers des esclaves. Un corps nu, une tête dans un sac, personne ne posera de question. Aux dernières nouvelles, il a déserté et personne ne l’a encore repris. Pour ses complices… Garm, je ne doute pas de tes capacités, même si pour nous la piste est froide, je sais que tu feras au mieux. Quand à toi Metamoto, retourne à Domina. Mon frère va avoir besoin de toi.

*************

Praetorium* : Tente du général dans un camp. Ici, Palais fortifié du préteur dans une province.

Arcani* : le vrai terme est Areani, Arcani est une faute, une coquille qui est restée. Ce sont les Agents secrets, des espions passés entre les mains de Metamoto le maitre d’armes. Ils sont là pour protéger l'intérêt de l'Empire et la personne d’Honorius. Les Areanis éliminent souvent les fauteurs de troubles.

Summa supplicia* : Le droit Dominien appelle summa supplicia les supplices infligés à un criminel pour le mettre à mort : ce sont le feu, la crucifixion, l'envoi aux bêtes et le culleus (prévoyait que, dans le sac, avec le condamné, soient aussi enfermés un singe, un chien et une vipère : pendant la noyade et dans l'étroitesse de l'espace à l'intérieur du sac, les animaux mordaient le condamné.) Ces cruelles peines de mort sont presque toujours réservées aux catégories sociales inférieures ainsi qu’aux esclaves.

Leno*: = proxénète.

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