Une promenade.

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chapitre chiant et pas fini

J’avais décidé de parcourir les alentours de Tagurxch avec mon roojas et mes deux esclaves. Les filles couraient tantôt devant, tantôt derrière ma monture. Chacune toujours nue portait presque tous les stigmates de leur avilissement ainsi qu’une partie des bagages, après tout elles n’étaient que des armes à ma disposition et elles avaient besoin d’exercice.

Je traversais une région vraiment sauvage, elle était comprise entre les fleuves, du Ibai-Bahr et du Ibai-Arrek, ainsi que d’un grand nombre de leurs affluents.

Cette réunion de cours d'eau formait une mosaïque de voies navigables qui pénétraient loin dans l'intérieur des terres, et devaient heureusement faciliter les relations commerciales. Mais c’était aussi un véritable labyrinthe de hauts plateaux de ponces grisâtres ou de grés moussus, de vallées profondes aux flancs couverts de forêts, aux talwegs variés constitués de tourbières de sphaignes mauves, de roselières peuplées d’une multitude d’oiseaux, de marais infestés de moustiques, nourrissant les premiers, de forêt alluviale, ou de ripisylves buissonnantes et herbacées, sûrement infestés de nappes d’azimaras*.

Les vallées les mieux exposées, les plus larges accueillaient des crues régulières, elles se répandaient sur de vastes étendues, apportant quantité de limons et donnaient à l'agriculture des ressources considérables. Les richesses naturelles et les productions variées de ces terres fournissaient aussi des matériaux précieux, des pierreries. On y recueillait abondamment l'encens, la myrrhe, et des parfums de toutes sortes. Les forêts qui croissaient sur les flancs abrupts des vallées fournissaient d’autres richesses. Les dépouilles d’énormes animaux dont je ne connaissais pas toujours le nom et qui vivent dans ces parages fournissaient les plus belles pelleteries de l'industrie.

L'éléphant et l'hippopotame donnaient l'ivoire de la meilleure qualité, les saligators des cuirs souples et c'est à Tagurxch que se trouvait le plus grand marché de plumes de l'univers.

La route de Ber-Madian descendait en pente rapide jusqu'à la plaine de Prévdanne.

Mon roojas marchait au pas pour ménager mes iŭga ; deux de mes bio-drones nous survolaient, scrutant de leurs objectifs tous signes de vie alentours.

Mais, arrivés sur un terrain plat et rocailleux qui surplombait une de ces vallées retirées, j’éperonnais gentiment What.

Bientôt nous aperçûmes le village de Ber-Galana qui n'était habité que par des paysans.

Le soir allait bientôt tomber et de mon promontoire, j’avais entrevu dans un chatoiement de verdure qui s'agitait sous le souffle d’une brise parfumée, un amoncellement de bâtiments qui me donnait l'illusion de constructions fantastiques, qui paraissaient et disparaissaient, selon que les palmiers, aux larges feuilles émeraudes courbées par le vent, les voilaient ou les découvraient à mes yeux.

Mon itinéraire me forçait à passer la nuit dans ce village reculé. Comment serions-nous reçus par les habitants du lieu ?

Les villageois nous avaient aperçus de loin ; un certain nombre venait de monter sur des trabuks et s'apprêtait à nous traiter en amis ou en ennemis, suivant les circonstances. Ces hommes se tenaient à cent pas environ des premières maisons du hameau ; ils nous attendaient peut-être pour nous empêcher d'entrer, ou pour nous servir d'escorte. Je m'avançai vers ces paysans légèrement armés ; à mon approche toutes leurs gesticulations désignaient mon roojas avec admiration.

Ce mouvement général me donna autant d'assurance que de fierté. Un beau roojas, de bonnes armes, une bourse pleine, deux belles esclaves sont quatre choses qui je le sais mettent la vie de leur propriétaire en grand danger dans ce pays reculé. Un des paysans, se détacha du groupe, descendit du son trabuk et fit quelques pas vers moi ; je lui adressai aussitôt un bonsoir amical ; il répondit à mon salut, mais en m’examinant en détail moi et ma monture des pieds à la tête.

Puis il me demanda :

  • D'où viens-tu ?

— De Tagurxch.

— Où vas-tu ?

— A Ber-Madian.

— Qui es-tu ? Samaëliens, Salamandrin ou Dominien ?

  • Rien de tout ça. Je suis…
  • Tais-toi, ne me coupe pas ! laisse-moi continuer mes questions, tu me répondras après. Tu parles notre langue, mais tu n'es pas de chez nous. Es-tu de L’Empire de l’Est, Koushite ou d’hyperborée ?

Je fis signe que non ; mon interlocuteur perplexe se trouvait au bout de sa science. Devant ses compères, il ne voulait point me laisser lui apprendre mon origine, se piquant sans doute d'être assez malin pour la deviner. Voyant qu'il n'y parvenait pas, il se laissa aller à un mouvement d'humeur en crachant sur le sol.

  • Qui es-tu donc, à la fin ? reprit-il.

Un Hors-Loi, répondis-je d'un ton fier.

Un Hors-Loi ? Je connais les Hors-Loi ; ce sont des assassins, on ne les trouve que dans les grandes cités.

Il prononça ces mots de l'air le plus méprisant. Et il cracha à quelques pas de mon roojas.

  • Tu te trompes ! et tu as tort, dis-je aussi calmement que fermement.

Tais-toi ! je connais les Hors-Loi, et si tu ne sais pas où ils sévissent, c'est que tu n'appartiens pas à leur Clan. Tes deux femmes, qui sont-elles ?

Ce sont mes esclaves.

  • Pourquoi sont-elles nues ? Chez nous même les esclaves sont habillées.
  • Ce sont des iŭga, presque des animaux. Jamais elles ne sont vêtues. Habilles-tu ton trabuk ? tu connais les iotas ?
  • Oui, nous en traquons de temps en temps.
  • Eh bien, c’est presque la même chose, elles sont bleues pareil.
  • Alors pourquoi portent-elles des armes ?
  • Elles les portent pour moi.
  • Serais-tu un de nos ennemis ? Que venez-vous faire tous ici ?

Je savais aussi que les villageois de ces régions du sud n’étaient pas très accueillants. Je me doutais aussi, qu’ils avaient des instincts larrons, qui en faisaient d'insupportables voisins.

Je me risquai à tout hasard :

  • Je veux juste passer la nuit dans une de vos huttes, ton prix sera le mien pour peu qu’il soit raisonnable.
  • Nous n'avons point de huttes, nous avons des maisons. Nous vous prêterons une maison, si tu nous prouves que tu n'es pas un ennemi.
  • Comment puis-je te le prouver ?
  • En nous remettant entre les mains tes armes et ton roojas.
  • Ô mangeur de dattes ! me prends-tu pour une tête sans cervelle ? grondais-je dans ma colère. Un homme ne se sépare jamais de sa monture, ni de ses armes.
  • Eh bien, vous ne pouvez recevoir l'hospitalité parmi nous.
  • Nous irons plus loin, je trouverai bien un autre village qui voudra de mes pétales d’argent ! repartis-je avec humeur,
  • Si nous voulons bien te laisser passer !
  • Je suis Adalil Teixó Almogàver de Sallafort, Hors-Loi, Actionnaire de la Guilde Souveraine ! veux-tu connaitre l’étendue de mon pouvoir ?

Cela ne parut pas l’émouvoir. Cet homme m’avait quelque peu échauffé, il fallait que je passe mes nerfs.

Je sortis mon fusil de l’étui qui pendait sur le flanc de What.

Je vérifiai aussi le manomètre de pression des gaz, le vase d’expansion, ainsi que le magasin à carbure de calcium. J’étais paré pour faire une petite démonstration.

  • Pauvre fou ! Regarde et prie pour que je n’en fasse pas plus. Regarde ce mur qui soutient ce jardin là-bas à trois cents pas.

Mon arme était chargée et je tirai une mini grenades picriques modifiée, l’explosion puis l’écroulement d’une grande partie du mur laissa dégueuler des tonnes de boue, car ce mur soutenait une rizière, laissa sans voix les villageois.

L’homme devant moi se prosterna devant moi.

  • Voilà qui est mieux. Maintenant, indique-moi une maison à l’écart du village. Si je suis satisfait, je paierai les dégâts.

***

L’homme qui devait être le chef du village, le zaharra, ou quelque chose comme ça, nous précéda jusqu’à la sortie du hameau.

  • Voilà, seigneur, cette bâtisse correspond à ce que vous nous avez demandez.
  • Tu vois, quand tu veux. C’est quand même malheureux d’être si peu accueillant pour les étrangers.

Le villageois nous laissa.

Je fis un signe et Chiendri alla ouvrir le portail. Elle revint quelques minutes après avoir exploré les lieux.

  • Maitre, vous pouvez entrer, il n’y a aucun piège.

Je fis un autre signe et Anne se mit à quatre pattes me fournissant ainsi un marchepied.

Je conduisis mon roojas dans la cour ; puis j’examinai l'intérieur du logis. Il consistait en une seule salle divisée en trois parties inégales par de simples cloisons de roseaux tressés. Chaque pièce possédait deux trous servant de fenêtres, et fermées pour la nuit au moyen de volets en planches grossières.

Ces ouvertures, assez hautes, étaient si étroites, qu'on pouvait y entrer la tête mais pas les épaules. Pas de plancher, pas de carrelage, le sol était en terre battue. Sur un des côtés de la pièce la plus grande était roulé un épais tapis de joncs. Il n’y avait guère d'autre ameublement que quatre tabourets et une table basse. Le portail d'entrée et la porte de maison pouvaient se fermer avec un madrier.

Je m’estimais donc assez en sûreté. Je ne trouvai dans la cour que quelques rondins, que quelques jarres, une sorte d’échelle taillée dans un tronc de fougère arborescente ainsi que quelques outils.

  • Bon, les filles, j’ai vu que dans la plus grande pièce, il y a une trappe au plafond. Je pense qu’elle doit ouvrir sur la terrasse du toit qu’une de vous deux place l’échelle et monte regarder comment c’est.
  • Maitre, Crois-tu que nous puissions être tranquilles ici ? me demanda Anne.
  • Je n'en sais rien. Le zaharra m'a promis tout ce que j'ai voulu ; mais sa parole a-t-elle une valeur ? J’en doute un peu. Nous sommes ses hôtes et ceux du village, mais c’est bien la dernière fois que je suis aussi clément. S’ils me cherchent je serais aussi implacable qu’avec les Greenheads.
  • Mais Maitre, s'ils se contentaient de nous voler ? demanda Anne.
  • Le tarif sera le même. Je suis surpris qu’ils ne connaissent pas les Hors-Loi ni la Guilde.
  • Maitre, nous sommes peut-être dans le trou du cul de ce monde, ci ?
  • Oui petite Anne, il serait peut-être temps que Samaël occupe cette région. Au fait, pas trop fatiguées d’avoir couru toute la journée ?
  • Maitre, nous sommes vos chiennes, vous nous traitez comme tel, il est normal que nous en ayons l’endurance.
  • Alors Chiendri, il y a quoi là-haut ?
  • Rien Maitre, la terrasse est déserte. Nous sommes bien à l’écart du village. Si un mauvais coup se prépare, nous le verrons arriver.
  • Bien, lance deux bio-drones en surveillance et redescend.
  • Oui Maitre, tout de suite.

Je préparai le repas car mes esclaves étaient deux nullités en matière de cuisine. Chiendri n’avait mangé que des restes et du cycéon et Antje ou plutôt Anne avait été servie durant toute une partie de sa vie avant d’être réduite à l’état d’Iŭgum.

Elles avaient barricadé le portail, placé sur la terrasse et allumé les projecteurs à acétylène qui devaient être pris pour quelques nouvelles diableries par les villageois, préparé le couchage et elles avaient sorti les armes au cas où.

Avec moi au moins, elles mangeaient bien et à leur faim. Elles dormaient dans de vrais couchages. Je leur avais retiré les bracelets de chevilles et j’utilisais peu souvent le fouet. J’étais un bon Maitre et leurs marques d’affections, que dis je, leurs effusions me le prouvaient.

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