Ridicule
Ce matin, tu as appris comment allait se passer la rentrée. Tout d’abord, tu as été envahie de joie : deux semaines de cours, une semaine de trou. En tout quatre semaines avant la fin, mais quatre semaines avec tes amis. Puis ton père t’a fais remarquer que la semaine de l’ascension était justement une de tes semaines en présentielles. Moins trois jours. Un lundi saute également. Moins un jour. Tu ne peux pas t’empêcher de les compter, parce que cela signifie que tu ne vas pas le voir. Tu vois bien que les autres ne s’en rendent pas compte, enfin qu’ils ne peuvent exactement comprendre. Tu n’as plus que quatre semaines pour voir quelqu'un que tu aimes avant de lui dire adieu. Un vendredi en moins signifie une discussion en moins, signifie une raison de se lever en moins. Tout va être bien plus compliqué. Dire adieu. Cela va être horrible et en même temps, tu espères voir s’il va garder contact. S’il ne se passe rien alors tout ce qui c’est passé depuis un an et demi n’était qu’une illusion de ta part. Tu te rends compte que la probabilité que ce soit le cas est très élevée.
Tu as mal au crâne. Ton rendez-vous chez ton bel ostéopathe n’a pas été des plus efficaces. En même temps, tu as enchaîné sur une soirée et l’angoisse qui hante ton ventre est immense. L’angoisse, et la tristesse, et la colère, et la frustration. Que de bonnes émotions. En plus, en allant aux toilettes, tu as remarqué que tu saignais. Putain de règles. À ton avis, on n’en parle pas assez. Pas dans les romans, dans les livres philosophiques, les petites histoires de la vie courante. Pas que cela devrait mériter de figurer sur des dizaines de lignes, mais ce sentiment de sentir des flots quitter son ventre devrait être écrit entre deux pages, comme un rappel. En plus de l’écoulement, tu es irritée quand cela arrive. Une fois, tu as pleuré, car tu as perdu la moitié de ton café. C’était ridicule.
C’est le sentiment que tu as actuellement. Ridicule : Dont on est porté à rire, à se moquer, qui est peu sensé, déraisonnable, qui est insignifiant, dérisoire. La situation l’est, tes sentiments le sont, tes réactions également.
Tu soupires.
Tu n’es plus du tout envahie de joie.
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