Chapitre 32 : Le Grand Voyage
Alors que tout le monde nous regardait, une main se posa sur mon épaule. Je m’immobilisais. Ça y est, pensais-je. La mort vient me chercher. Je souris. En me tournant à droite, je vis pour la première fois la mort et elle avait revêtu les traits d’une jeune fille aux cheveux blonds. La sœur d’Hadès, pensai-je avec soulagement. C’était le meilleur des signes possibles.
– Vous habitez le Quinzième, n’est-ce pas ?
La mort savait tout, il fallut lui confesser tout. C’était l’ultime preuve d'honnêteté avant le grand passage. Pourtant, ma sœur et moi étions tout à fait paralyser de sorte qu’aucun d’entre nous ne fit oui de la tête. Mais la mort n’en eut pas besoin, elle plongea son regard dans le mien et lu dans mes pensées comme à livre ouvert.
Je n’avais rien à craindre. C’était juste un passage en plus. Et ma sœur était à mes côtés.
– Nous allons y aller ?, lançai-je à l’apparition.
Je désignai ainsi l’infra-monde.
– Oui oui bien sûr ! Vous devez être impatient alors on va y aller tout de suite. C’est un miracle qu’on vous ait trouvé, je peux vous dire que c’est un miracle.
Peu importe vers où l’on s’échappait, la faucheuse nous rattrapait toujours. Peu importe qu’on fuyait la ville, le monde ou l’univers, irrémédiablement, le même sort nous attendait. J’aurais pu à l’instant implorer un ange du ciel de me téléporter au Rajasthan pour échapper à la fatalité. J’aurais pu, oui, mais alors, à l’instant où je me serais retrouvée sous les tropiques, la jeune fille blonde serait descendue d’un bananier, sourire aux lèvres : “Je t’ai attendu mon petit, ce n’est pas trop tôt, allez, tu viens !”.
Il ne servait à rien de délayer car tout était prêt. Je serai la main de ma sœur. Nous étions prêts.
À ce moment nous étions toujours dans l’allée parfaitement dégagée. L’allée qui rappelons-le pointait vers l’oratrice à l’autre bout. Comme nous étions tourné vers la sœur d’Hadès, nous ne la vîmes pas arriver.
– Vous !
Nous nous retournâmes aussitôt plein de stupeurs.
– Mais vous êtes la Grande Dame ?, s’exclama ma sœur.
Son visage exprimait la surprise.
– Comment savez-vous ?
– Je vous ai vu sur la photo, rajouta la petite en souriant.
– La photo…
Et ma sœur lui rappela les événements de Mantes-La-Jolie immortalisés dans la fameuse photographie.
– Ça alors… Vous vous rappelez de ça…, s’exclama la Grande Dame.
La Grande Dame si hésitante et ici en face de nous ? Était-ce vraiment possible ? Et puis il y avait une autre raison pour. Je m’éclaircis la voix :
– Excusez-moi… je me demandais si vous étiez…
Et au lieu de finir ma phrase, mon regard fut happé par l’immeuble en face. Le dernier titre du journal me revint : “Hassna portée disparue. C’était donc ça. Je souris, frappé par la vérité. Petits et grands nous voyagions dans le même vaisseau : La Grand Dame était morte, c’était une évidence.
—
Il n’eût même pas bonne apocalypse quand la voiture démarra et nous emporta au loin.
– Tu sais ce qui ce qui est dommage ?, me dit ma sœur à mes côtés sur la banquette.
– Qu’est-ce qui est dommage ?
– On n’a pas dit au-revoir à papa et maman…
Je souris et je mis affectueusement ma main sur mon front.
– Ne t’inquiètes pas, ils nous retrouveront là-bas.
Elle eût l’air hébétée. Tant pis ! Elle comprendra quand elle les verra tous là-bas réunis, Socrate, Platon, Phidias, l’Émir et puis mes parents. Je me reposai sur le siège et fermai les yeux en repensant au banquet qui nous attendait, là-bas, dans le Palais d’Hadès.
—
FIN
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