REVELATION
C'est magnifique.
Le ciel d'un bleu si pur est moucheté de quelques nuages blancs et cotonneux.
L'Alliance entre le bois et la pierre semble inné, mêlant la sylve millénaire et l’ardoise de la Montagne bleue.
Nos demeures aux arcs élancés sont intégrées dans la nature en une parfaite harmonie, indécelables à un œil non averti.
Un parfum de fougères, d’herbes et de fleurs embaume l’air.
Tout est paisible et serein où que se pose le regard.
Les enfants de la nature se promènent, insouciants, en une quiétude idyllique.
Toutes les créatures animales et les Immortels se côtoient sereinement, il n'y a aucune acrimonie.
Alors que je caresse un renard endormi sur mes genoux, une jeune enfant en laquelle je reconnais Aelis s'approche. Un doux sourire sur les lèvres. Ses boucles blondes retenues par un diadème de lierre et de fils d'or.
De ces petites oreilles pointues coulent de jolis pendants en forme de gouttes translucides. Sa robe couleur jade, d’une coupe simple et modeste, descend jusqu'à ses pieds nus avec une fluidité gracieuse.
Nous pouvons prendre l'apparence que nous souhaitons. Nous sommes énergie. Nous sommes des âmes pures.
Ici tout est à sa juste place.
Le temps s'écoule tranquille et tout est bien.
Le renard frémit et sans ouvrir les yeux nous offre un bâillement qui nous fait rire de concert.
C'est une douce musique merveilleuse.
Prenant place à mes côtés, Aelis conserve tout comme moi le silence.
Sa main vient effleurer la mienne, sur la tête au poil roux, pour le plus grand plaisir d'Ayuto. D’un même geste, ensemble, nous le caressons lentement.
Mentalement, elle me demande :
*Dis-moi Syn. Est-ce vrai qu'une menace plane sur nous ?*
Je frémis.
Je ne veux pas lui mentir. Je cherche mes mots, pour ne pas l’inquiéter. Aussi doucement que possible, je lui réponds pareillement sans utiliser ma voix.
*Des déchirures se sont créés entre les mondes et des choses qui ne devraient pas être les ont traversé.*
Cela a commencé il y a bientôt une année.
Au début cela n'avait été que de petites tâches desséchées d'herbe jaune dans les prairies tendres et fleuries du printemps.
Des animaux désorientés et apeurés fuyant à notre approche alors que nous avions toujours été complices.
Des sources tarissaient, des orages soudain éclataient, un déséquilibre évident.
Notre essence mère était en souffrance et nous prévenait d'un danger imminent.
Nous l'avions nous-mêmes ressenti au plus profond de notre être.
Nous dormions plus longtemps, une faiblesse généralisée nous gagnait et nous étions plus lents.
Certains d'entre nous avaient même été malades, ce qui n’était pas arrivé depuis des siècles.
Cependant, après des millénaires de paix et de sérénité comment aurions-nous pu penser que le mal s'insinuait tel un poison pour nous paralyser ? Nous avions oublié le goût du malheur, aussi, avions-nous nié les signes annonciateurs.
*Pour le moment, ce ne sont que de petites anomalies. Il faut néanmoins rester sur nos gardes, trouver ce qui a provoqué ces accros dans la trame de l'espace et du temps et tenter de les réparer.*
Aelis ne montre aucune inquiétude, elle sait que je suis là pour veiller à la sécurité de tous. C'est mon rôle.
Le souci c'est que je ne sais pas encore comment agir.
Si la source du problème a été identifiée, il est encore difficile de comprendre le mode opérationnel, alors, demain j'irai voir l'oracle car le temps presse.
Elle pose maintenant sa main chaude sur la mienne et lève ses yeux clairs vers moi.
*Je sais que tu réussiras. Nous le savons tous.*
Sa confiance m'honore et me réconforte et j'aimerais partager sa foi cependant je ne sais si notre magie sera à la hauteur du danger qui nous menace.
Je ferme mes paupières pour me ressaisir. Il doit y avoir une solution. Il y a toujours une solution. Je la trouverai. Je ne veux pas les décevoir.
Des jours sombres s'annoncent mais avec mon familier nous ferons tout pour parvenir à rétablir l'équilibre. C'est ainsi.
Nous ne pouvons pas échouer.
Nous restons silencieux un laps de temps indéterminé. Ici, cette notion est aussi particulière.
Ce n’est que quelques jours plus tard, que tout s'effondrera.
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