Peindre l'Humanité ? Chapitre deux.
Stella se sentait désemparée devant sa toile :
" Comment, mais comment peindre l'humanité ? "
Son esprit était vide, son cœur lourd.
Mais elle réfléchit : " je ne suis certainement pas la première à avoir ce désir."
Un souvenir remonta : Vigée-Lebrun.
Elle avait écrit une description du tableau :
« La tendresse n'est pas le vrai titre. Le titre initial est Le Portrait de Mme le Brun tenant sa fille dans ses bras ; le tableau date de 1787.
C'est un immense succès et l'expression de la sensibilité est si bien marquée que le tableau est renommé par le public : La tendresse !
La critique est enthousiaste : « La tendresse naturelle, ce sentiment délicat, cette douce affection de l'âme, est rendue avec un art si admirable que le tableau peut être comparé à ce que les plus grands maîtres de l'école d'Italie ont produit de plus sublime.»
Élisabeth Vigée-Lebrun fait entrer la sensibilité, l'amour maternel au cœur de l'espace public et de l'art : c'est une révolution et la victoire de Rousseau et de L'Émile.
Si nous étudions l'œuvre nous pouvons remarquer qu'Élisabeth Vigée-Lebrun est assise sur un canapé et enlace tendrement sa fille Julie.
Mère et fille regardent le spectateur et Élisabeth penche la tête vers Julie : signe de tendresse.
Au centre du tableau les mains longues et fines de l'artiste enlacent l'enfant.
Le blanc de la robe de Julie et du chemisier symbolisent la pureté et le vert foncé du canapé la Nature et la tendresse.
La mère va ajouter plusieurs symboliques dans sa tenue le noir, le gris du turban (femme mariée) et un jaune vif, couleur chaude qui symbolise la lumière et le bien être.
Pas de rouge : la couleur de la passion serait déplacée ici.
Le tableau n'est pas officiel : il est privé, naturel, Julie a une expression enfantine spontanée, que sa mère a recherché dans de nombreux tableaux.
C'est aussi un symbole de sa fierté et de sa réussite comme femme émancipée, comme mère qui ose montrer au public ses sentiments les plus intimes, comme artiste consciente de son talent.
Le tableau a fait scandale : on voit nettement les dents très blanches de l'artiste. Montrer ses dents était jugé de mauvais goût : c'est le premier vrai sourire de l'histoire de l'art et la première expression d'un sentiment authentique et pas symbolique ou religieux : Élisabeth Vigée-Lebrun adorait sa fille.
Mais la référence religieuse est présente car Élisabeth Vigée-Lebrun est une admiratrice des Vierges à l'enfant de Raphaël.
En 1789 elle peint une variante à la grecque : c'est la mode , il faut ici songer à La Mort de Socrate par David. »
Stella poussa un soupir : "Hélas, moi je n'ai pas d'enfant ! "
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