Chapitre 3
Le lendemain, je me réveillai avec des ecchymoses sur tout le corps, j'eus du mal à respirer pendant quelques jours à cause des coups reçus dans l'abdomen. Je mis une robe courte pour montrer à Michaël à quel point il m’avait fait mal. Il scruta mes jambes avec un petit cri de surprise, lui-même étant étonné de son geste, il me dit ne pas s’en souvenir. Notre voisine toqua à la porte et je m’assis rapidement sur le canapé pour qu'elle ne voit pas les hématomes. Yvette était venue nous rendre visite pour nous demander des explications, car la veille sur le chemin pour rentrer à la maison, mon mari lui avait adressé un geste grossier alors que nous l’avions croisé en voiture. Il s’excusa auprès d’elle et lui dit que nous nous étions également disputés. J’appris quelques temps plus tard qu’elle vit effectivement mes bleus ce jour-là, mais n’en dit rien sur le moment. Lara aussi les vit. Est-ce que je permettrais que l’une des filles se retrouve dans cette situation ? Certainement pas. Personne n’a le droit de frapper un autre être humain et de le rabaisser ainsi. Si je restais, ce serait un mauvais exemple pour mes filles. Mais comment partir ? Et où aller ?
Plus tard dans la journée, nous reçûmes par la poste des colis. C’était des petites robes – enfin si on peut appeler ça des robes, des bouts de tissu plutôt – et de la lingerie que Michaël avait commandé pour moi sur internet pour Noël. Il me les jeta à la figure pour me montrer qu’il m’avait fait des cadeaux, lui, car je lui avait dit que je n'avais pas le moindre centime et ne pouvait rien lui offrir. Il me dit également que je devais essayer de le comprendre, s'il en était arrivé à ce point c’était parce qu’il avait trop de pression sur les épaules.
Chaque matin, le même rituel s'était mis en place. Lorsque j’entrais sous la douche, j'attendais que l'eau coule pour pouvoir pleurer, en silence. Vous voyez quand vous voulez hurler de toute vos forces ? Vous ouvrez grand la bouche, mais aucun là son ne sortait de la mienne, je ne voulais pas que quelqu'un m'entende. Je m'effondrais, en larmes dans le bac à douche. Les même questions me revenaient en tête : Qu’avais-je fait de mal pour mériter ça ? Je ne pensais pas être une mauvaise personne, alors pourquoi ? J’avais toujours tout fait pour lui faire plaisir, pourquoi me traitait-il comme ça ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? La vue de mon corps tuméfié m’était insupportable, je ne supportais plus mon propre reflet dans le miroir. Qui était cette personne ?
Il faut que je trouve un moyen pour dissimuler tout ça, je ne peux pas sortir de la salle de bain dans cet état.
Chaque jour, grâce à une épaisse couche de fond de teint, je masquais la bosse que j'avais sur le front et les traces de doigts qui avaient serré fort mon cou. Sur les yeux, se fut deux jours plus tard : alors que nous étions dans une grande enseigne de bricolage, j'avais enlevé mes lunettes de vue qui me gênaient, Michaël me dévisagea et s'exclama :
— Qu'est-ce que t'as sur l’œil ?
Un coquard me sortait là, en plein milieu du magasin ! Je remis vite mes lunettes, et j'espérais que lorsque nous passerions devant elle, la caissière ne s'aperçoive de rien.
La palette de maquillage, qui d'ordinaire est utilisé pour embellir les personnes, me servait désormais à cacher mes meurtrissures.
Les jours qui suivirent Michaël fut très gentil, il m’aidait pour le ménage ou préparer les repas. Comme je l'appris plus tard, il entrait dans la fameuse phase dite : « lune de miel ». Après avoir frappé sa femme, un homme est rempli d’attention envers elle. Je restais cloîtrée dans mon canapé, incapable d'avoir les idées claires. Je ne m'occupais pas de ce que faisait Michaël, et il me le reprocha pendant qu'il cuisinait :
— Tu ne vois même pas les efforts que je fais ! Tu n’es même pas reconnaissante !
Comment pouvais-je lui être reconnaissante alors qu’il m’avait battu ? Comment pouvais-je aller dans ses bras ? Comment pouvais-je me faire caresser par cette main qui m’avait frappé ? Comment était-ce possible que la personne qui m'a fait le plus de mal, autant physiquement que moralement, était la personne que j’aimais le plus à ce moment-là ? N'étions-nous pas sensés nous protéger mutuellement comme prononcé dans les vœux de mariage ?
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