Lors de ma première consultation, je fus totalement paniquée. Je me demandais si la psychologue croirait en ma version des faits, car connaissant mon mari, il arrivait toujours à tourner la situation à son avantage, il savait très bien se faire passer pour une victime. Ma cousine Lisa résuma très bien cette situation, elle me dit un jour :

— On peut tout pardonner à Michaël parce qu’il aime sa femme.

Ce fut très éprouvant pour moi de raconter la scène du vingt six décembre, j'étais tellement paniquée, je tremblais si bien que la psychologue me demanda:

— Vous vous droguez ? Rassurez-vous, je suis là pour vous aider, ajouta-t-elle d'un ton bienveillant.

Une fois tout déballé, je me senti libérée. La chanson que j’avais dans la tête disparue, j’avais enfin accepté ce qu’il m’était arrivé.

J’étais également troublée avant le rendez-vous car j’avais dû aller chercher la veille au soir Michaël à la gendarmerie pour le ramener chez lui. Ivre au volant et sans permis, il avait percuté un autre véhicule. Dans la voiture, il voulut hausser la voix mais il essayait de garder son calme tant bien que mal, puisque nous n’étions pas seuls. Ma sœur Nina avait insisté pour m'accompagner, elle était assise sur la banquette arrière. Michaël me dit que tout était entièrement de ma faute, si il avait énormément bu ce jour-là, parce que je tardais à prendre une décision. Il ajouta que je ne trouvais aucune solution pour avancer ensemble, que je ne faisais jamais rien pour notre couple alors que lui devait toujours tout gérer et que maintenant il devait également s’occuper d’emmener Lara au lycée chaque matin, et en avait la charge pour lui préparer les repas etc… Une fois rentrées chez mes parents, Nina raconta le déroulement de notre péripétie à notre mère et j'entendis prononcer pour la première fois le mot : « manipulation ». Je m’approchais et elle me répéta :

— Fais très attention à ce qu’il te dit, il te manipule. Je n’avais aucune idée de ce que c’était, j’en pris conscience après mon troisième rendez-vous avec ma thérapeute.

— Vous avez été dominée Rose, me confirma-t-elle.

Les bras m’en tombèrent. J'eus l'impression que ma vie s'écroulait comme un vulgaire château de carte. Manipulée moi ? Mais comment était-ce possible ? Comment avais-je pu me laisser traiter ainsi ? Ne m’aimait-il pas ? Je pensais avoir une liberté alors que c’était totalement le contraire, comment ai-je fais pour être aussi stupide ? Pour me laisser faire de cette façon ? Et puis surtout une autre chose très importante : quel exemple avais-je donné à mes filles ? Si elles subissaient pareille situation comment aurais-je réagi ? Et ce va-et-vient d’hommes à la maison qu’elles avaient sûrement entendu, qu’auraient-elles pensé de leur mère ? Rien qu’à l’idée de repenser à ceux-ci, il me prit une forte nausée qui ne me quitta pas pendant des jours et des jours.

Un après-midi Laurence nous avait invité les filles et moi dans l'appartement de sa mère qui donnait sur la plage. Assises toutes les deux sur le sable, les enfants se baignaient, je décidais de tout lui raconter. À chaque nom d'hommes que je prononçais l’envie de vomir fut de plus en plus violente et dû m’arrêter de parler ; j'en arrivais à la moitié. Elle en fut choquée, jamais elle ne s'était imaginé qu'ils se passait tout ça à la maison. Je lui dis alors que j’avais décidé de ne plus être mariée avec Michaël.

Une question ne cessait de me trotter dans la tête. je la posais plusieurs assistantes sociales et également au deuxième rendez-vous que j'eus avec la psychologue :

— Est-ce que quelqu'un qui a frappé recommencera un jour ?

J'obtins de toutes ces personnes la même réponse unanime : Oui.

La psychologue me l'expliqua de cette façon :

— C'est comme pour conduire une voiture, la toute première fois c'est difficile mais après ça devient une habitude, ça devient normal.