Chapitre final

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J'étais constamment sous surveillance. Mes collègues de la grande surface venaient m'informer tous les jours que la camionnette de Michaël était garée sur le parking un peu avant l'heure que je terminais. J'appris également par Laurence qu'il me suivait discrètement en voiture. Un après-midi quelqu'un sonna à l'interphone de mon immeuble et insista plusieurs fois. Prise de panique et pétrifiée, je fus incapable d'aller ouvrir à cet homme, qui n'était autre que le réparateur d’ascenseur et qui cherchait uniquement une personne pour lui ouvrir la porte. Je me recroquevillais sur le canapé espérant que personne ne rentre dans mon appartement.

J'appris de ma psychologue que Michaël l'avait accusé d'avoir influencé ma décision de divorcer, il l'avait accusé ainsi :

— C’est vous qui lui avez dit de faire ça.

Elle me dit également qu'une médiation à trois, comme l'avait demandé Michaël, ne servirait à rien. Elle me suggéra d'attendre que je serais prête pour lui annoncer.

Mon amie Louise me confia que sa fille aînée était également aux prises avec un manipulateur et elle l’aidait à ne plus être sous son emprise. Elle me dit avoir lu des articles sur internet, et la façon d’agir avec de telles personnes était exactement le contraire de ce que j’avais fait. En effet, il ne faut jamais leur montrer votre détresse ni s’emporter avec eux, et encore moins confier vos peurs car ce que vous dites peut se retourner contre vous. Elle m'assura également que j’allais apprendre comment communiquer avec Michaël, en lui répondant toujours à une question par une autre question, comme un miroir se réfléchissant contre lui. Lorsque je lui dis que je n’arrivais pas à agir ainsi avec lui, elle me objecta :

— Ça va venir tu verras.

Ce fut donc remplie de tous ses conseils que je me décidais à appeler Michaël. Je regardais mon téléphone avant de composer son numéro en me répétant toutes ces phrases dans la tête :

— Une question par une autre question, ne pas s’énerver, tout ce que je dirais sera retourné contre moi...

Tel un boxeur avant de commencer un combat. J’entendis sa voix et soufflais un grand coup, je lui communiquais ma décision de ne pas avoir de médiation à trois avec la psychologue, ce à quoi il répondit surpris :

— D’accord, et est-ce que tu peux te regarder dans un miroir ? Je gardais mon calme et mon sang froid en lui répondant :

— Oui, et toi ?

Il fut étonné mais il répliqua évidemment par l’affirmative, car pour lui, il n’avait rien fait de mal mais que cette histoire finira très mal. Il repartit sur le fait que j'avais planifié mon départ de la maison depuis des années, qu'il avait des preuves et d’aller voir telle ou telle personne pour me le confirmer, et d'autres élucubrations. Je lui répondis avec un calme olympien :

— C’est ton opinion. Je peux en avoir une différente ou bien je suis obligée d’avoir la même que la tienne ?

Je l’entendis souffler. Il me dit que les coups pouvaient très bien se surmonter avec un suivi psychologique ensemble s’il prenai un traitement, qu'il n’était pas un homme qui frappait sa femme au contraire, il dénonçait ça.

— Alors tu dis que je suis méchant ? me dit-il tout à coup.

— À quel moment dans la discussion je t’ai dit Michaël tu es méchant ? lui répondis-je imperturbable.

Il ne sut quoi me répondre, je le mis face à lui-même.

— Tu sais quoi, ajouta-t-il de plus en plus énervé, tu es pire que ce que je croyais !

Et là toujours sur le même ton je lui confirmais :

— Oui, tu sais comment je suis.

Il s’emporta de plus belle :

— Je t’ai traité comme une princesse pendant toutes ces années et c’est comme ça que tu me remercies ? Moi qui pensais que tu étais une femme avec des valeurs ! Mais tu sais quoi t’as aucune valeur mais pffff ! Et puis je t’avais demandé de m’appeler dès que tu sortais de ton rendez-vous avec la psychologue, on est jeudi tu l’as eu quel jour ?

Je répondis vaguement :

— Dans la semaine.

Son ton ne cessait de hausser.

— Et c’est pas la peine que je te demande de me rappeler, mais laisse tomber… Mais pffff… mais pffff… Ciao !

Je regardais mon téléphone et lui répondis un simple : « Ciao » et me laissais tomber sur le canapé en soufflant et relâchant toute la pression.

Lara voulut une console de jeux, c'était la première fois qu'elle me demandait un cadeau et j'étais fière de pouvoir lui offrir. Aucune des filles ne nous avaient jamais demandé de cadeaux particuliers ni pour les fêtes de Noël, ni pour leurs anniversaires. J'accedais à sa requête et lui offris la console. Elle me dit de la garder chez moi et qu'elle y jouerait quand elle viendrait me voir, ce qui n'a pas du tout été du goût de son père. Elle m'appela au téléphone un après-midi, alors que je me préparais pour ma thérapie, elle pleurait et me répéta ce que lui avait dit son Michaël :

— Si la console reste chez toi, alors je ne passerais plus mes mardis avec toi ! Et papa m'enlève mon téléphone je n'aurais plus le droit de sortir avec ! Comment je vais faire sans téléphone ?

Elle me répéta les paroles de son père lorsqu'il lui dit qu'il ne l'autoriserait plus à me voir si la situation ne changeait pas. Comment pouvait-il faire un tel chantage à sa fille ? Lui demander de choisir entre moi et une stupide console de jeux ? Je lui répondis alors qu'il était plus important pour moi de passer des moments avec elle que d'avoir sa console à la maison. Mais ce qu'il ne savait pas était que Lara était au téléphone avec sa sœur quand il lui a hurlé, et qu'Alicia avait tout entendu. Cette dernière m'appela scandalisée et me dit :

— Mais c'est quoi ce chantage que papa fait à Lara ?

Comment pouvais-je dire à ma fille que les chantages et ultimatums étaient monnaie courante à la maison ? J'en avais souvent fait les frais. J'arrivais en pleurant au cabinet de psychologie en relatant le coup de fil.

— Il doit sentir quand vous venez, c'est pas possible ! me dit alors la thérapeute.

Je reçus la convocation pour la première conciliation au mois de mai, et je pris une journée de congé. Mais dans l'après-midi, Alicia m'appela pour me demander si on passerait la journée ensemble le lendemain. Je lui dit que c'était impossible parce que je devais me rendre au tribunal.

— Mais papa m'a dit que c'était annulé, me répondit-elle.

Je lui rétorquais étonnée que mon avocate m'en aurait fait part si ça avait été le cas, elle me soutint qu'il en était bien ainsi. En effet mon avocate me contacta en début de soirée pour m'informer que l'audience avait été reportée, car mon mari l'avait contestée – il était dans son droit – mais avait choisi la veille, la dernière minute pour le faire. Je reçus quelques temps plus tard une autre convocation au tribunal, je m'y rendis accompagnée de ma mère et Alicia nous y rejoint. Elle fut surprise que son père soit absent.

— Mais pourquoi papa n'est pas là pour quelque chose d'aussi important ?

Je passais donc seule devant Madame le Juge Aux Affaires Familiales et je lui exposais ma situation. À sa demande si j'avais toujours l'intention de divorcer, je lui répondis oui mais fus incapable de lui dire que le motif était les violences de mon mari, il n'était pas là pour le contester. Elle me dit :

— Monsieur n'est pas là ? Monsieur se croit au-dessus des lois ?

Ce qui est aussi une caracteristique des manipulateurs. Cependant, à cause de son absence, elle ne put prononcer aucun jugement. J'appris qu'il n'avait jamais eu d'avocat.

Le divorce a été prononcé pour altération du lien conjugal, Michaël ne se présenta à aucune des audiences auxquelles il était convoqué. Quand je reçus le mail de mon avocate, avec une copie du jugement, elle me notifia que l'huissier chargé de remettre un copie à mon ex-mari n'y était jamais parvenu, je ne sais pas si il a reçu ce courrier un jour ni si il sait que nous sommes effectivement divorcés. (Bon, il doit s'en douter un peu quand même, mais il ne sait pas depuis combien de temps.)

Par la suite, je fus forcée de m'arrêter de travailler à cause de nombreux soucis de santé tous dû à mon passé, eh oui il nous rattrape toujours. Mon médecin m'a diagnostiqué une petite maladie, me voilà donc une adulte en situation de handicap. Si vous me croisez dans un magasin et que je sors ma carte de priorité, vous vous demanderiez quels problèmes je peux bien avoir. C'est tout le problème avec les maladies invisibles, extérieurement ça ne se voit pas, mais je suis complètement détruite de l'intérieur. Je pense qu'on ne guérit jamais vraiment d'un traumatisme, on apprend à vivre avec.

Je lus dans un article la comparaison d'être à proximité d'une personne toxique, au fait de manger un champignon vénéneux. Le poison pénètre dans les veines et plus longtemps on en reste à proximité, plus la guérison sera longue et le poison mettra du temps à sortir du corps.

Ma psychologue m'a dit lors d'une consultation :

— Avec tout ce que vous avez vécu, vous avez toujours le sourire... Comment vous faites ?

Je vous assure qu'il n'est pas encore né celui qui me l'enlèvera ! J'ai passé beaucoup de moments au fond du trou, j'ai été manipulée, abusée, tout ce que vous voulez et je me demandais si la vie valait encore la peine d'être vécue, oui elle l'est ! Puis comme dit si bien la chanson qui me résonnait dans la tête :  « Contre le passé y'a rien à faire », c'est ainsi je n'y peux rien. Tout ce que je peux faire, est de me servir de ce que j'ai vécu comme une force pour affronter les épreuves du futur.

Je suis actuellement en formation, et j'espère pouvoir me mettre à mon compte dès que j'obtiendrais mon diplôme.

Une dernière chose, personne n'a le droit de juger votre vie, chacun d'entre nous a un passé différent. Nous avons tous une force en nous, pour nous aider à aller de l'avant.

J'espère à travers ce recit avoir réussi à expliquer les divers mécanismes de la manipulation et les procédés des personnes toxiques, et pourquoi il est si difficile de s'en sortir.

Et un grand merci à vous tous pour votre lecture et d'avoir suivi mon histoire ! Et surtout pour vos commentaires toujours bienveillants !

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