Chapitre 12
Joséphine
On retourne se baigner, puis on prend le goûter. Toujours pas de Chloé en vue. Zut. Si ça se trouve, elle a été voir sa famille, ou elle a été invitée par des amis. Je croise les doigts très, très fort (même les orteils, j'y arrive) pour qu'elle n'ait pas été invitée par son petit copain. Pour qu'elle n'ait tout simplement pas de petit copain.
- Bon, tu as encore des devoirs à faire, non ?
- Juste une page de lecture.
- On va rentrer. J'ai des papiers à trier, et du repassage.
- On ne peut pas rester un peu plus ?
- Il est déjà 5H30, Joséphine. Il faut être raisonnable. Pendant les vacances, on pourra rester plus tard... Ca approche, les vacances.
- Oui... On va encore dans les Landes ?
- Je n'ai pas encore réservé. Ils ont toujours de la place, en juillet.
Tu m'étonnes qu'ils ont de la place. C'est moche, y'a rien à voir, y'a rien à faire. Oh, les gens sont sympas ! Je m'y fais des copines et des copains, papa aussi. Mais on n'y a jamais croisé Chloé. Ni quelqu'une qui pourrait être ma maman imaginaire. Alors...
Du coup, on rentre. Je fais ma page de lecture, je m'applique aussi à faire un dessin dans mon petit carnet. Papa fait le repassage pendant ce temps. On mange. Et dodo. Il y a de l'école demain.
Chloé
Le soir tombe sur la mer. A cette heure, l'atmosphère qui se dégage d'une plage est toujours très agréable, douce, presque sensuelle. Il n'y a plus personne, sauf un petit groupe d'adolescents, tout à l'autre bout de la plage. Je reste encore un peu. Je me doute que je ne verrai ni Bastien, ni Joséphine ce soir. Il est déjà tard, elle a de l'école demain. Je me dis que raisonnablement, je devrais rentrer chez moi aussi, d'autant qu'il me faut encore m'occuper de Snowdon. Ils ont peut-être passé la journée en famille, ou chez des amis. Je ne pense pas que Bastien ait une petite amie, car je crois que Joséphine me l'aurait dit ou qu'elle aurait été présente. Je me fais peut-être des idées, aussi. En même temps, ces derniers mois, j'avais tellement envie de retomber amoureuse ! Je sais, je ne m'emballe pas. Je veux juste prendre le temps et avoir l'opportunité de vivre quelque chose. C'est tout. Mais pour cela, il faudrait déjà qu'on se revoie... Je reviendrai dimanche prochain.
**
En fait, je ne suis pas revenue le dimanche suivant à Lion-sur-Mer. Ou plutôt, j'y suis retournée avant le dimanche. Le vendredi soir, après trois jours d'épreuves, je ressens le besoin de prendre l'air, de voir la mer. Je rentre à l'appartement, j'embarque Snowdon et prends la route. Un peu d'embouteillages pour sortir de la ville, forcément, à cette heure. Et me voilà avec Snowdon, à marcher le long de la promenade.
Je vais au-delà de la plage, vers la sortie du village. J'ai vraiment envie de marcher un bon moment. Et même de courir, sauf que je n'ai pas pris mes chaussures pour cela. Snowdon cavale deux-trois mètres devant moi. Il est obéissant, ne va pas vers la route. Il y a peu de circulation, de toute façon. C'est en revenant vers ma voiture, garée non loin d'un des accès à la plage, que je les vois. Joséphine accroupie en train de dessiner quelque chose dans le sable humide, Bastien debout à côté d'elle, l'observant avec attention. Je me demande quelle idée lui passe par la tête, ce qu'elle est en train de faire. Je frissonne, pourtant, il ne fait pas froid. Cette vision d'un père avec sa fille, d'un père seul avec sa fille, m'émeut. Dire qu'il est tout seul pour vivre ces moments-là ! Pour partager les bons moments de l'enfance... Les enfants, je me prépare à leur apporter du savoir, de l'instruction. Mais l'amour...
Un instant, Bastien relève la tête, regarde vers la mer. Puis reporte son attention vers Joséphine. Je me demande ce que je dois faire. Pourtant, si je suis venue jusqu'ici, c'était bien aussi parce que j'espérais les croiser.
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