Dimanche

    Dès sept heures, lorsque nos cages s'ouvrent enfin, je file toquer à la porte de madame Noblet. Je n'ai pas eu l'occasion de la voir hier après ma punition et je suis inquiète pour elle : elle a passées deux heures en salle de torture avec monsieur Pirot...

Lorsqu'elle me voit, madame Noblet me sourit gentiment et m'invite à entrer. Elle a beau sourire, je vois bien que ses traits sont tirés et ses gestes hésitants. Elle a dû beaucoup souffrir hier... Mais elle refuse d'en parler. Tout comme je ne tiens pas à parler de ma punition. Alors nous descendons prendre notre petit déjeuner en compagnie d'Anaïs, de Jade et de Fabien.

     En remontant, alors que j'allais entrer dans ma chambre pour réviser, madame Noblet me fait signe de la suivre dans la sienne. Assise chacune sur une chaise, nous commençons à discuter. Jusqu'à présent, nos seules conversations ont tourné autour de la même chose : cette école, son fonctionnement, comment éviter d'être punis...

Cette fois ci, nous discutons de tout sauf de cela. De notre passé respectif, de nos familles, des souvenirs de prépas lorsqu'elle était prof et moi son élève et même de nos projets d'avenir. Je lui parle de mes parents divorcés et de mes deux petits frères. Je lui parle des livres que j'aime lire, de mes loisirs, de mon rêve d'être vétérinaire. Elle me parle de ses parents trop protecteurs vis-à-vis de l'enfant unique qu'elle est, de ses études et de son rêve d'être prof, de son travail auquel elle accorde tant de temps et d'énergie qu'elle n'a personne dans sa vie à côté.

     Jade et Fabien nous rejoignent en début d'après-midi. D'abord étonnés par la teneur de notre conversation, ils se joignent très vite à nous.

Et si j'ai d'abord eu du mal à saisir les intentions de madame Noblet, maintenant je comprends. En parlant ainsi, j'ai l'impression de me retrouver, de me souvenir que je n'ai pas toujours été Leïla l'apprentie soumise. J'ai une famille, des rêves, des ambitions et un futur. Depuis des semaines, nous ne parlons plus de nous. Je suis devenue passive, résignée à l'idée d'être vendue. Mais en cet instant, je reprends espoir et recommence à songer sérieusement à la fuite. Peut-être pas tant que nous serons dans cette école mais après la vente, chez un maître. Après avoir vu les soumis durant BDSM Plus, il semble évident que la plupart ont perdu l'espoir et la volonté d'être libérés dans cette école. Si nous parvenons à rester nous-même, à garder une part d'humanité, peut-être pourrons nous profiter d'une occasion plus tard...

Et madame Noblet, puisqu'elle est là depuis moins longtemps, nous permet de retrouver cette part d'humanité qui commençait à nous échapper.

     Le soir, en laissant le garde m'enfermer dans ma cage, je retrouve les sensations des premiers jours : terreur d'être enfermée, envie de me battre et de protester, claustrophobie... J'avais fini par m'habituer à la cage et je suppose que le retour de ces sensations est une bonne nouvelle. Mais au milieu de la nuit, plus terrifiée que je ne l'ai été depuis des mois, je regrette presque de ressentir de nouveau tout cela.

Lundi

    Le lundi apporte son lot habituel de mauvaises nouvelles. En bondage, nous étudions désormais la momification. Ça ne leur suffisait plus de nous ligoter, nous enchainer et nous bâillonner, désormais ils veulent nous momifier. La pauvre fille de la maison close me revient en mémoire, celle qui était enfermée dans son sarcophage. Je crains vraiment ce cours...

     Aujourd'hui, il s'agit juste d'apprendre à placer correctement les bandes adhésives. Naturellement, madame Notat se sert de moi comme mannequin et entreprend de me lier les jambes. Les bandes adhésives sont à mi-chemin entre le papier cellophane et le ruban adhésif. Et dès les premiers instants, il apparait que la solidité de cette matière est extrêmement élevée. Une fois immobilisée avec cette chose, inutile d'espérer s'en sortir seul...

     Je hais la sensation d'emprisonnement provoquée par ces bandes. Je hais le regard satisfait de madame Notat. Je hais les regards amusés et impatients des apprentis dominants. Et surtout, je suis terrifiée à l'idée d'être très bientôt entièrement immobilisée de la sorte.

Mardi

    C'est aujourd'hui qu'ils vont réellement nous momifier. En cours de comportement, cela fait un moment que nous travaillons sur le contrôle de nous-même : respiration, calme, visage impassible... Il parait que même dans les pires situations, nous devons rester flegmatique... Donc, prochain objectif, passer la nuit entière momifiés sans paniquer.

    Le soir, après le diner, les deux classes se retrouvent dans une salle de cours. Celle-là même où nous allons devoir passer la nuit.

Les apprentis dominants ont pour rôle de nous momifier. Le nôtre est de rester calme pendant le ligotage et toute la nuit. Nous sommes tous notés sur cet exercice.

     Madame Notat à elle-même créés les binômes et c'est Léna qui s'occupe de moi.

Elle commence par lier mes jambes. J'aurais préféré qu'elle commence par le haut de mon corps. Parce que tant que mes bras sont libres, il m'est très difficile de résister à l'instinct qui me pousse à essayer de m'échapper. Rester sans rien faire me demande une énergie considérable. Je me sens tellement honteuse d'attendre ainsi qu'elle m'humilie... Sans doute le sait-elle...

    Bande après bande, elle immobilise complétement mes jambes en serrant chaque bandelette au maximum. Et chaque seconde qui passe renforce la terreur que je ressens. Parce que je sais que bientôt, je ressentirais cette affreuse sensation de constriction sur tout le corps.

     Léna s'attarde un moment sur mes cuisses et mon entrejambe sans que je comprenne pourquoi. Sa tête, penchée vers moi, m'empêche de voir ce qu'elle me fait mais j'ai un mauvais pressentiment... Le sadisme de cette fille n'est plus à prouver.

     Pour le haut du corps, les apprentis dominants sont libres de choisir la position qu'ils veulent. Léna me fait placer les bras en croix sur la poitrine, comme les vraies momies. Elle semble trouver cela plus esthétique. En ce qui me concerne, cela ne fait que renforcer le sentiment d'oppression que je ressens.

     Lorsque le haut de mon corps se retrouve entièrement recouvert, je sens une vague de terreur m'envahir. Cette fois ci, j'ai franchis le point de non-retour. Quoi que je fasse, je suis désormais incapable de me défendre ou même de me libérer seule.

     Léna prend tout son temps pour finir son travail. Elle m'insère un tube dans la bouche pour que je puisse respirer puis me recouvre la tête de bandelettes. Me retrouver ainsi aveuglée est extrêmement désorientant et ne fait qu'accroitre la peur que je ressens.

Léna m'aide à m'allonger sur le sol et pendant un long moment, plus rien ne se passe.

J'en suis à me demander si mon épreuve a déjà commencé lorsque j'entends madame Notat prendre la parole. Sa voix est étouffée par les bandes sur mes oreilles mais reste distincte malgré tout.

« Nous allons attacher un appareil sur vos poitrines. Il s'agit d'un détecteur de mouvement. Si demain nous nous apercevons que vous avez trop bouger nous en déduirons que vous avez paniqué et l'exercice sera raté. Vous écoperez par conséquent d'une mauvaise note et de l'obligation de recommencer. »

     Quelques instants plus tard, je sens que l'on me soulève les épaules. Quelqu'un fait passer une bande en cuir autours de ma poitrine puis la serre, collant contre mon corps un objet d'une vingtaine de centimètre de diamètre.

« Je viens d'allumer le détecteur, ne bouge plus. »

Je m'immobilise presque instantanément. Je n'ai aucune envie de devoir recommencer cette torture.

     La voix de madame Notat retentie de nouveau :

« A demain. Et tachez de ne pas paniquer, vous le regretteriez... »

Puis les pas des apprentis dominants et des adultes s'éloignent et nous nous retrouvons seuls.

La sensation de constriction est presque insupportable et si je devais m'écouter, je me débattrais en tous sens pour me libérer. Mais je n'en ai pas le droit alors je me contente de respirer profondément et je ne surtout pas faire le moindre mouvement.

Le fait de ne pas bouger rend les choses bien pires. Rester immobile me permet de vraiment ressentir la sensation d'étouffement, celle du sol inconfortable sous mon corps, celle de chaque parcelle de mon corps atrocement compressée...

Mais ce n'est finalement pas si différent de la cage dans laquelle je dors chaque soir. Je pense donc pouvoir faire face à cette nouvelle torture.

     J'ignore combien de temps s'est écoulé depuis le début de l'épreuve. J'en était à compter les battements de mon cœur lorsque la chose s'est mise en route. Un petit vibro tout contre mon clitoris. Lorsqu'il commence à vibrer, j'ai un sursaut de surprise avant de me reprendre et de m'astreindre à l'immobilité. J'en hurlerais de rage si je le pouvais. La salope !! Voilà pourtant elle a passé autant de temps à me lier les cuisses. Elle a installé discrètement cette chose pendant la momification.

     Les minutes passent lentement. Je tente de rester la plus immobile possible mais c'est impossible dans ces conditions. Le vibro stimule mon bouton de chair avec une efficacité redoutable et je n'ai qu'un désir, bouger pour essayer d'évacuer un peu le plaisir que je ressens. J'ignore combien de temps je parviens à tenir mais trop rapidement, je perds la bataille. Et mon immobilité forcée à eu une grave conséquence : au moment de jouir, l'objet déclenche en moi un véritable tsunami de sensation et mon corps est pris de spasmes. Le détecteur de mouvement sur mon torse a enregistré mon déplacement et se met mis à biper de façon très désagréable. Un instant plus tard, je reçois un coup de jus particulièrement douloureux.

« Mmmmmhhhmm !!? »

     Vibro sur le clitoris. Décharge électriques chaque fois que je bouge trop. Voilà ce à quoi ma nuit a ressemblé. Je me suis débattue de toutes mes forces pour échapper à l'une et l'autre de ces tortures. Mais les bandelettes étaient bien trop serré sur mon corps. Malgré mes ruades, mes gémissements et tous mes efforts, je n'ai rien pu faire d'autre que de supporter encore et encore ce calvaire.

L'appareil entre mes cuisses ne s'est arrêté que peu de temps avant l'arrivée de madame Notat et monsieur Pirot dans la salle.

Accompagnés de toute la classe dominante, ils nous détachent les uns après les autres tout en commentant notre performance.

Je suis la dernière à être détachée et d'après ce que j'ai entendu, Zoé, Juliette et Mathias ont tous trois paniqué et vont devoir recommencer.

     Les premières bandelettes sont enfin retirées de mon visage. Je tombe nez à nez avec madame Notat, qui a l'air furieuse. Dans son dos, monsieur Pirot commente :

« Lamentable ! Au cours des cinquante dernières années je n'avais jamais vu un aussi mauvais score ! Tu mériterais de dormir chaque soir ici pour t'y habituer... »

Je continue de l'écouter sans rien dire. Je doute que mes explications changent quoi que ce soit. Pire encore, je crains de me mettre Mathieu et Léna encore plus à dos si je dis quoi que ce soit. Mais madame Notat, qui défait mes liens, s'aperçois rapidement du problème.

Alors que le directeur continuait son sermon, elle l'interrompt brusquement :

« Arnaud, viens voir. »

Curieux, l'homme se tait enfin et approche. Il ne met qu'un court instant à comprendre lui aussi.

Très calme, madame Notat m'interroge :

« Il a vibré pendant la nuit ?

- ... »

Je ne réponds rien, terrorisée par le regard menaçant de Mathieu. Mais une gifle de madame Notat me rappelle bien vite que je leur dois obéissance en priorité.

« Il a vibré pendant la nuit ?

- Oui madame.

- Combien de temps ?

- Toute la nuit.

- Sans interruption ?

- Oui madame.

- Léna l'a-t-elle placé lorsqu'elle t'a momifiée ?

- ... Oui... »

Les deux adultes se tournent vers la jeune fille qui n'en mène pas large. C'est la prof de bondage qui prend la parole.

« Tu savais qu'il s'agissait d'un exercice noté et pourtant tu l'as volontairement truqué. Pourquoi ?

- ... »

La gifle que madame Notat lui donne est retentissante. Très calmement, elle reprend :

« Pourquoi ?

- Je... Je voulais qu'elle soit obligée de recommencer...

- Félicitation, tu as réussi. Nous allons devoir lui refaire passer le test. »

Je n'ai pas le temps de me lamenter que déjà, monsieur Pirot reprend :

« Puisque cette torture semble te plaire, tu vas toi aussi passer ce test. Ce soir. Et dans les mêmes conditions que Leïla cette nuit. »

A cette annonce, la jeune femme blêmit.

« Non... Je vous en prie, pas ça...

- Il fallait y penser avant. »

Sans un mot de plus, les deux adultes quittent la pièce.

     Léna commence doucement à sangloter. Mathieu la prend dans ces bras puis se tourne vers moi. Dans ces yeux et sur son visage, je lis une telle hargne que j'ai un mouvement de recul. Il va me faire payer très cher ce qui vient de se passer...