Une semaine s'écoule et Ours montre à Bijou les différentes choses qu'elle peut faire pour l'aider. Il lui redonne sa laine à tisser et lui fournit un grand nombre de peaux à nettoyer durant la semaine. Il lui laisse la gestion de la cuisine, des poules et des quelques légumes. Elle travaille de son mieux, à chaque fois surprise de recevoir autant de nourriture et aucun coup ou injure. Chaque soir, il la soigne, ils dorment ensemble sans qu'Ours ne cherche à lui retirer sa chemise ou ses sous-vêtements.

Un matin, Bijou voit débarquer Mi- Loup qui gambade joyeusement. L'animal lui fait des câlins et se frotte à elle au point qu'elle manque de tomber par terre. Elle est heureuse de voir l'animal qu'elle affectionne particulièrement. Ours prévient Bijou qu'il doit partir pour la journée à la grande ville pour vendre les couvertures et les peaux qu'elle a fabriquées ainsi que différentes petites choses. Il lui demande si elle veut quelque chose, elle secoue la tête pour signifier n'avoir rien besoin. Elle doit lui coûter tellement cher en nourriture et en vêtements qu'elle a honte et se refuse à penser vouloir d'autres choses.

Ours l'embrasse sur le front en lui recommandant de ne pas s'éloigner de la maison et part. Bijou s'occupe toute la journée de la même manière que les jours précédents avec Mi- Loup sur les talons, ne la quittant pas d'une semelle. Bijou redouble d'efforts en profitant qu'elle est seule sans Ours pour la faire s'arrêter et se ménager. Elle veut que quand il rentre ce soir, il n'ait rien à lui reprocher et rien à faire, qu'il soit content et ne lui en veuille pas trop d'être si gourmande. Elle tente même de fendre des bûches sans grand succès, elle n'arrive pas à soulever la grosse hache. Mi- Loup la bouscule et tire l'outil loin d'elle, semblant désapprouver son idée.

Le soleil débute son déclin quand Ours revient, trouvant la jeune fille entrain de récurer toutes les casseroles et la vaisselle de la maison, avec un Mi- Loup tirant sa chemise avec ses dents pour la faire asseoir. Le grand homme a vu avant de rentrer le tas de mauvaises herbes arrachées, le linge et les draps lavés, la voiture nettoyée et les légumes du potager placés sur des tuteurs. En pénétrant, la maison sent le propre et le bœuf bourguignon en train de cuire, le sol est propre, Mi- Loup est impuissant. Ours sourit en voyant le chien aussi désespéré devant l'hyperactivité de la donzelle. Il lui fait signe de sortir pour retourner chez Mr et Mme Toka avant la nuit.

Ours stoppe Bijou dans ses activités et la force à venir s'asseoir sur une chaise. Il lui tend un petit paquet en l'observant. Elle ouvre et trouve un joli petit fusil pour femme avec ses cartouches et des savons à l'odeur de fleurs. Elle le regarde sans comprendre le geste et renifle les savons ce qui la fait éternuer. Elle n'ose pas toucher le petit fusil, elle sait qu'il coûte très cher. Ours a beau lui dire que les peaux et couvertures se sont très bien vendues, que c'est un remerciement pour toute l'aide qu'elle lui apporte, Bijou ne comprend toujours pas, elle reste immobile et en panique.

Ours n'étant pas d'un naturel bavard, il la dirige vers la salle de bains pour la soigner comme tous les soirs, tandis qu'il la déshabille et nettoie ses plaies, il lui montre un cahier de comptes avec des chiffres. Il s'aperçoit vite que Bijou ne sait pas lire et ne peut donc pas être apte à saisir le sens de ce qui est noté dans le carnet. Alors, la soignant avec douceur, il lui lit la somme qu'il a récupéré avec ce que Bijou a produit, la somme des choses qu'il a lui-même produit, ayant moins de corvées à effectuer. Le total représente un joli pécule.

Il la rhabille en lui déposant un baiser sur l'épaule, la serre doucement dans ses bras dans un geste câlin et protecteur sans qu'elle ne frissonne de peur. Il lui dit qu'elle peut être fière d'elle. Pour la première fois aussi loin que remontent les souvenirs de Bijou, c'est le premier compliment qu'on lui fait, cela lui fait si chaud au cœur que Bijou éclate en sanglots et se laisse bercer par Ours sans trembler de peur.

Elle commence à s'habituer à être touchée par Ours. Il l'effraie encore, mais il ne la dégoûte pas. Il est doux et patient, il lui enseigne tellement de choses, la nourrit grassement, lui donne peu de corvées et surtout, il ne l'a jamais grondé ou cogné. Elle sait qu'un jour, il voudra plus et s'y prépare, pensant que cela sera plus facile s'il continue d'être si gentil à sa façon. Bijou se réveillera le lendemain matin dans le lit chaud auprès d'un Ours profondément endormi et souriant.

Les jours suivants, Ours lui apprend à se servir de son petit fusil et à piloter une motoneige pour l'emmener à quelques distances de la maison poser des pièges afin de l'assister dans la récupération de matériel et de produits de la forêt. Ce que préfère Bijou, c'est l'aider à chercher des paillettes d'or dans la rivière ou à débusquer des pierres précieuses dans les cailloux de la montagne. Elle rend visite aux parents d'Ours, Étoile la serre si fort dans ses bras que Bijou couine de douleur. Elle y recroise le jeune frère d'Ours, Amarok, avec ses yeux si bleus et mystérieux. Elle rencontre même la sœur aînée d'Ours, Rousse, et son mari qui vivent assez loin dans le territoire. Tous sont bienveillants envers elle et leur gentillesse donne envie de pleurer de joie à la jeune fille.

Lorsqu'Ours la conduit au village, Bijou se cache derrière lui par peur de croiser sa famille. Ours dévalise la boutique de matériel de bricolage, il a vu l'intérêt de Bijou pour les petits animaux et la culture de légumes et veut lui construire un grand poulailler et un clapier ainsi qu'une serre de bonne taille pour qu'elle ait le moins possible à s'éloigner de la maison. Il lui achète aussi du chocolat et des tonnes de graines de légumes malgré son refus.

Ours s'amuse à voir Bijou s'inquiéter des dépenses qu'il fait pour elle. Elle n'a pas l'habitude qu'on prenne soin d'elle et lui offre des choses, il se régale d'autant plus de faire tous ces achats dont l'utilité est bien fondée. Sauf pour le chocolat, ce petit luxe n'est rien en comparaison du visage au bord de l'extase de Bijou tous les matins quand elle mange ses deux petits carrés quotidiens.

Oui, Bijou est sienne et comme tout ce qui lui appartient, Ours en prend grand soin. Elle ne boite plus et ses plaies sont toutes refermées. Sa peau a retrouvé une couleur rose pâle et son corps reprend du galbe doucement. Bijou devient de plus en plus belle chaque jour. Parfois, un timide sourire lui orne les lèvres. À ces moment-là, Ours se sent riche comme un prince. Il aime avoir une colocataire finalement, lui l'ours solitaire et renfrogné. Trois mois qu'elle est là, les gens le trouvent déjà changé et plus souriant.