Immanquable.
de Sébastien Legrand
Une nouvelle journée se termine, je rentre chez moi après un dur labeur, à l'abri de cette grosse averse que je vois depuis la fenêtre du bus qui traverse la ville. Un temps d'arrêt puis le gros chantier. Tous les ados du collège entrent dans ce bus et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils savent se faire remarquer.
En milieu de file, entre deux jeunes, survient un monstre, une armoire sur pattes. Sa tête pourrait toucher le toit, il doit mesurer pas loin de deux mètres et sa corpulence massive m'hypnotise, j'ai du mal à détacher le regard. Il s'asseoit dos à la route tandis que ses yeux bleus fixent droit devant... droit sur moi. Il a dû me repérer pendant mon observation. Son visage se ferme, j'ai peur qu'il vienne me dire de regarder ailleurs. Finalement, après quelques secondes, il tourne la tête et se contente de fixer l'averse qui redouble de violence. Pour une journée d'automne, cet homme est vêtu d'une chemise à manches courtes. Brrr, il me donne froid. Ses vêtements sont trempés, lui aussi doit se sentir gelé. Pourtant, je ne vois aucun frisson, aucun signe d'un quelconque refroidissement. De ses poches de pantalon, cet homme sort des écouteurs qu'il s'empresse d'enfiler. J'ai l'impression qu'une foule aussi compacte que celle-ci le dérange...
Le bus roule avec prudence pour éviter un accident. Au bout de dix minutes, je vois son visage commencer à se décrisper, peut-être que revoir le quartier d'où il vient l'apaise. Un nouvel arrêt survient alors, laissant une grande partie des adolescents descendre, néanmoins, il reste encore énormément de monde lorsque le chauffeur ouvre la porte permettant aux nouveaux voyageurs de monter à l'intérieur. Parmi eux, une femme tenant une canne et se repérant avec, marche péniblement dans l'allée pleine de gens. De ma position, il m'est difficile de faire quelque chose mais je vois cet homme se lever sans réfléchir, il a invité cette personne à s'asseoir.
Finalement, le bus part et l'homme se tient debout, il m'impressionne encore plus quand il est comme ça. Au bout d'une petite minute, je vois ses jambes bouger lentement tandis que son visage est grimaçant. Ce petit manège dure un petit moment jusqu'à ce que le bus ne s'arrête une nouvelle fois. Je le vois descendre et se masser les jambes qui tremblent légèrement... j'imagine qu'il vit dans un monde de douleurs tandis que le car repart et que cet homme disparaît de ma vue.
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Un homme immanquable et pourtant invisible. | Chapitre | 6 messages | 6 ans |
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