Isolisme

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À l’affût d'un scrupule naissant dans ces cerveaux pollués par l’impiété, les démons veillent sans relâche. Ainsi, quand l’exhortation ne suffit plus, ils réalimentent les désirs des débauchés et les abreuvent d’images impures. De temps en temps, faute de stimuli et d’inédit, la conscience d’un captif se ranime. Dans cet état d’éveil, il peut s’apercevoir de sa triste condition et vouloir se détacher. Lorsque la chose arrive, ex abrupto, les gardiens insufflent en lui de nouveaux fantasmes orgiaques. Ainsi, ils rallument l’appétit sexuel dans un esprit perverti au discernement voilé. Dès lors, trompé et manipulé, l'esclave du vice à demi-conscient, mais dominé par ses pulsions érotiques, ne peut se raisonner et encore moins... résister. De facto, il se renchaîne de lui-même et redouble d’ardeur dans sa quête insatiable des plaisirs défendus.

Sordide et affligeante débauche où la déchéance de l’homme se mêle à la décrépitude de l’âme.

Josué est écœuré par cette débauche de corps dénudés qui, dans leur frénésie licencieuse, forment un amas de viandes graisseuses. Des corps... Dans une dépravation sexuelle hors limite et anti-érotique, partout des corps... Des corps chétifs ou ventripotents, couchés les uns sur les autres, qui telles des bêtes en rut, se chevauchent et s’accouplent.

Corruption des mœurs et décomposition d’une société qui dans son avancée, recule et tombe de manière inéluctable dans l’immoralité et la dépravation sexuelle. Dans un isolisme reconnu par une civilisation — dite “ moderne et évoluée ” — l’homme nourrit sa propre chair en détruisant les besoins fondamentaux de celui qu’il utilise. Loin de toutes considérations sociales, humaines ou émotionnelles, et sans en être affecté le moins du monde, chacun ne pense qu’à se servir sans partage ou à se rouler dans la luxure. De fait, pas une once de vertus ou de valeurs morales n’interfèrent là-dedans ou n’entrent en ligne de compte.

L’individualisme et l’individualité ont le vent en poupe !

Ces dévoyés, abaissés au rang de chiens, s’entremêlent dans un désordre obscène sans voir à leur folie ou à leur condition. Leurs actes n’ont ni but ni logique, ni valeur intrinsèque. Aucune réciprocité, aucun sentiment, aucune relation à l’autre. En s’adonnant à cette pratique outrancière, ils ne cherchent qu’à satisfaire un désir égoïste et assouvir un besoin narcissique au détriment du ou des partenaire(s). C'est ainsi que l’autre est chosifié et instrumentalisé. Il n’est utile et utilisé que pour servir d’excitant et procurer la jouissance. Sans autre problème de conscience ni se remettre en cause, ces impudiques ne songent qu’à combler leurs envies et c’est ainsi que dans sa recherche effrénée de plaisir, chaque protagoniste utilise l’autre à son compte personnel. L’autre, qui d’évidence, n’est ni vu ni considéré en tant qu’alter ego, mais uniquement comme quelque chose que l’on soumet ou que l’on domine ; quelque chose qui participe à son besoin. Les rôles et les personnes étant interchangeables, il en résulte une négation totale de l’autre. Lui ou un autre, qu’importe... Elle ou une autre, c’est égal... Dans ce lieu de perdition, seule compte la satisfaction immédiate. De fait, tout se mélange, tout se change et s’interchange comme une banale monnaie d’échange.

Horreur de la déshumanisation qui consiste à posséder un corps sans se soucier de son cœur ou de son âme.

Et que dire de l’hédonisme à chaque étage !

De cette tyrannie de l’orgasme à tout prix !

De ce mépris flagrant de l’autre, presque déshumanisé, au service d’un processus vil et écœurant !

Que de vanités !

Que de cons centrés sur leur égo !

Le nihilisme dans toute sa velléité !

L’égocentrisme subversif est à son paroxysme !

À ces dévergondages, à ces déliquescences, à ces dépravations, il y a de douloureuses conséquences ; une partie de la jeunesse aurait été atteinte en sa constitution physique, aux sources mêmes de la vie[1].

Dans l’esprit de Josué, ces fornicateurs à la sensualité farouche et exacerbée, ressemblent à des vautours se jetant sur un festin de sexes. Ils sont pitoyables et terrifiants. Cette confusion de corps lascifs qui se tordent et s’entortillent comme un monticule de vermines grouillantes, le répugne. En tant que voyeur et mateur obligé de ce monceau de chair qui se roule dans une terre semi-glaiseuse ; de ces âmes corrompues qui n’ont d’autres intérêts que de posséder l’autre et de l’utiliser pour atteindre la jouissance, le garçon a la nausée. Il lui semble qu'il assiste au summum de la déchéance humaine et veut s’échapper de toute cette vomissure par la prose.

Paupières baissées, il murmure : « Quand chez les débauchés, l’aube blanche et vermeille, entre en société de l’Idéal rongeur, par l’opération d’un mystère vengeur. Dans la brute assoupie un ange se réveille. Des Cieux Spirituels l’inaccessible azur, pour l’homme terrassé qui rêve encore et souffre, s’ouvre et s’enfonce avec l’attirance du gouffre. Ainsi, chère Déesse, Être lucide et pur, sur les débris fumeux des stupides orgies, ton souvenir plus clair, plus rose, plus charmant, à mes yeux agrandis voltige incessamment. Le soleil a noirci la flamme des bougies ; ainsi, toujours vainqueur, ton fantôme est pareil, âme resplendissante, à l’immortel soleil[2] ! »

[1] Note. Citation de Ludovic Naudeau - La France se regarde. Le problème de la natalité -1931.

[2] Charles Baudelaire. L’aube spirituelle.

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