Chapitre IX
Une Dynastie Déchue
- Royaume de Lenk -
***
Un homme erre dans une venelle encore sombre. Maculé de boue, noir de suie et boiteux, il tente de rejoindre la lumière devant lui, et la rue. A ses oreilles crépitent des feux et des échos de cris. L’homme sursaute. Un mur vient de céder ses pierres derrière lui dans un tonnerre effrayant. Un nuage de poussière s’élève et recouvre les ravages.
L’individu oscille, clopine, pieds nus. Sous la douleur, il crispe un visage encrouté de sang. L’esprit embrumé, il s’accroche à la seule pensée un tant soi peu précise: rejoindre les Portes de la Ville. L’inconnu atteint les pavés de la rue, sort de l’ombre. Des flammes lèchent les portes des maisons, lancent des cendres au ciel dans des éclats de bois. Une puanteur insoutenable écorche sa gorge sèche et ronge ses narines. Un manque tord ses entrailles. L’homme a faim.
En loque, il n’ose jamais se retourner, ni s’arrêter. Il sait. Le spectre le suit, marche sur ses traces, s’apprête à dévorer son âme.
– Ne bouge plus.
Une lame sale et collante appuie contre sa gorge, entaille sa pomme d’Adam. La terreur le transperce et ravive sa mémoire dans un sursaut de survie.
– Je suis le Prince Shadar o’Lenk! Vous ne pouvez pas…
Mais le mendiant n’a que faire de connaître sa proie. Il désire seulement survivre à cet enfer. D’un geste maladroit, il tranche la gorge de sa victime et le regarde s’écraser sur les pierres. Alors il arrache la chemise du cadavre, fouille l’unique poche, vide.
– Merde.
Il décharge sa rage d'un coup de pied dans la dépouille et s’enfuit.
La tête baignant dans son propre sang, Shadar contemple trois secondes perdues de sa vie.
Une seconde pour une existence majestueuse piétinée par sa vanité.
Une seconde pour caresser le visage d’une vie volée.
Une seconde pour regretter.
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