Le Donjon
Il fait blanc dehors, il a toujours fait blanc. À l’extérieur, il n’y a rien. Je pose ma main sur la vitre froide. Un frisson me traverse. Je plisse les yeux dans le vain effort d’apercevoir quelque chose qui se détache du néan. En soupirant, je me détache de la baie transparente pour retourner à la grande table métallique où m’attends une pile de feuille vierges. Je m’avachis sur une chaise en observant les alentours.
C’est ici que je vis depuis… et bien je ne sais même pas en fait. C’est étrange mais c’est comme ça.
Il y a des choses qui ne s’expliquent pas.
Mon regard parcourt les larges pièces ouvertes en elles. Tout est fabriqué à partir de métal. Les chaises, la table, et même la banquette du salon. À l’étage supérieur, il y a ma chambre. Je crois qu’elle se situe au dernier étage mais je n’en suis pas sûre ; il y en a tellement que je ne suis jamais descendue en bas de “chez moi” de peur de me perdre. Le Donjon – voilà comme je nomme ma maison – est bien vide, je suis seule ici. Pourquoi ? Bonne question… J’évite d’y penser à vrai dire.
Je secoue la tête, agitant mon épaisse et longue chevelure d’ébène. J’enroule une mèche frisée autour d’un doigt, pensive, contemplant les feuilles intactes. Leur blancheur tranche avec ma peau sombre.
Au Donjon, je n’ai jamais manqué de papier, ni de quoi que ce soit d’ailleurs. La nourriture en conserve se retrouve rangée dans la placard de la cuisine comme par magie. Sérieux, par magie ? Je soupire, songeant que, du haut de mes dix-sept ans, je devrais arrêter de lire les contes de l’immense bibliothèque, deux niveaux plus bas. Mon préféré est Pierrot ou les secrets de la nuit. Là-bas, les gens vivent dans un monde de couleurs, alors que le mien est similaire à celui de Pierrot ; lunaire, morne, triste et caché. Comme Pierrot et Colombine, j’aime le blanc. Mais lui aime le blanc de la lune et elle préfère celui du soleil. Moi, j'affectionne tout particulièrement le blanc du brouillard.
Pourtant, c’est lui qui m’empêche de voir dehors.
Qu’il y a-t-il à l’extérieur ? Je frissonne rien qu’à cette idée. Peut-être des villages où l’on danse le soir autour d’un feu, comme dans les livres. Rien n’est moins sûr… Je voudrais voir comment c’est dehors.
Mais il y a quelque chose qui me retient, cette voix déchirante qui me crie : “Reste Léah !”
Alors je demeure, dans cette immense prison aux murs d’acier.
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