Enchères

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« Messieurs, vous connaissez la règle. Je vais donc allumer ces deux bougies. A l’extinction des feux le lot reviendra au plus offrant et dernier enchérisseur »

Ainsi parle le commissaire priseur de circonstance.
Bel homme. Costume sombre, cravate mauve sur une chemise blanche.
C’est un notable.
Comme d’ailleurs tous les hommes qui participent à cette vente à la chandelle. Une dizaine. Propriétaires terriens, avocats, médecins, notaires…
Des gens friqués.

Je les observe. Je n’ai pas d’amis dans cette assistance. Ni d’ennemis.

C’est rare de voir des femmes s’immiscer dans ce milieu. Encore plus rare d’en voir une gagner une enchère.
Pourtant c’est déjà arrivé. Oui j’ai connu cet événement. La quarantaine, directrice commerciale d’une entreprise locale.
Blonde.
Vraie blonde. Mes yeux s’en souviennent.

Ma langue en garde le goût de ses saveurs envoûtantes.

Son chignon lui donnait une allure sévère. Mais quand elle a laissé tomber ses cheveux sur ses épaules dénudées, mon cœur s’est mis à battre devant tant de beauté.

Et nous avons fait l’amour…
Cette fois là, j’ai aimé.
Oui, cette fois là.

« 20 € »
Premier enchérisseur. Juge bedonnant, sans grâce, ni distinction. Marié, deux enfants. Aisé, mais radin.
Une queue épaisse et courte. Il aime se faire sucer.
Je n’ai pas aimé le sucer.
Il a voulu que j’avale.
Dégoût.

« 50 € »
Le médecin. Homme plutôt bien de sa personne.
Pervers.
Dommage.
Adepte du SM, il veut que je l’attache nu au lit et que je le frappe avec un fouet. Il me fait habiller de cuir.
La première fois, j’étais déroutée et je n’osais pas appuyer les coups. Il s’en est fâché.
Alors…
Mais cela me heurte.

Les enchères s’enchaînent rapidement. .
Les bougies sont de petites tailles. Les personnes qui viennent ne souhaitent pas y passer trop de temps.
La mise à prix n’est que le hors d’œuvre.

Je ne connais pas tout le monde.
Il y a des habitués.
Il y a des nouveaux.

Je n’ai ni ami ni ennemi. Même pas des partenaires.

« 60 € »
C’est le fils du conseiller général.
Mignon.
Timide. Dominé par son père. Il trouve ici une raison d’exister.
J’ai aimé baiser avec lui.
Il y met de la tendresse.
Avec maladresse.
Il arrive parfois à me faire jouir.

Une bougie s’éteint. Il ne reste plus beaucoup de temps. Les esprits s’échauffent.
Les enchères s’accélèrent.

« 75 € »
C’est le gros fermier.
Gros dans tous les sens du terme.

Il a bien manœuvré. La deuxième bougie s’éteint.

« 75 €, adjugé ! » Le commissaire priseur attribue le lot au fermier.

Le lot c’est moi.
31 ans.
Il se dit que je suis une belle plante. Un bon coup. Une affaire.

Une salope.

Nous faisons 50/50 avec le commissaire priseur.

Le fermier va m’enculer. C’est son dada.
Il n’y met pas les formes.
Il a payé.

Je reviendrai sur la chaise. Et debout sur l’assise, nue, offerte aux regards concupiscents de notables décadents, j’assisterai à ma nouvelle mise à prix.

Ce ne sont ni des amis ni des ennemis. Juste des distributeurs de billets.

J’ai la passion du jeu. Et je perds plus que je ne gagne. Mon travail de secrétaire ne suffit pas.
Mon corps est maintenant payant.

Juste des pourvoyeurs de fonds.

Ai-je atteint le fond ?

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