Révélations
Dans la forêt collée au lac des bruits se font entendre de plus en plus fort. Maître Gadja pose sa main sur Zahir pour lui indiquer de rester silencieux tout en lui faisant un signe de tête vers ses dessins. Le jeune botaniste comprends tout de suite, les récupère et s’allonge sur le sol pour avoir bien en vu le bord de l’eau. Peu à peu, les plantes envahissent la berge. Les premières minutes d’observations ne se font pas dans la rigueur, Zahir ne peut s’empêcher de s’émerveiller devant toutes les Yues réunis. Il se ressaisie cependant et prends les notes nécessaires. Au bout de plus de trente minutes, elles reprennent peu à peu la route vers leurs nouvelles destinations et se dispersent.
- C’était incroyable Maître Gadja. Je suis honoré d’être là avec vous.
Elle lui met la main devant la bouche et lui indique la berge. De nouveau, les bruits se font entendre et les plantes arrivent par milliers aux abords de la berge. Les spécimens sont immenses et se déplacent avec de grandes et fines branches herbacées. Son immense corolle sur la fleur principale est reconnaissable entre mille. Elles rentrent dans le lac entièrement et en se laisse flotter à la surface. Une fois immergées, elles ouvrent leurs fleurs secondaires protégées par la principale. Des spores colorés s’échappent par millions et recouvrent la surface de l’eau. Maître Gadja dessine et note tout ce qu’elle voit d’important. Zahir s’est reculé de surprise et fixe les plantes avec effroi. La tétanie ne le quitte pas durant les deux heures d’accouplement des spécimens mais finit par revenir à lui peu à peu après leurs départs. Il se tourne vers Gadja et s’approche d’elle pour ne pas parler trop fort de peur d’être entendu.
- Ce… Ce sont des… Biazz !
- Calme toi…
- Non ! Non ! Non ! C’est quoi encore le projet ?! Je suis un Mouarra, je n’ai pas à voir vos plantes sacrées ! Et d’ailleurs, elles ne sont pas censées être nomades… et aquatiques ! Je suis fou de rage !
Maître Gadja pose ses mains bien à plat sur ses jambes et parvient à faire baisser sa colère doucement tout en lui parlant.
- Maintenant, je peux te parler plus clairement Zahir. Notre aventure commence maintenant. Je t’ai parlé plus tôt des Botanistes sacrés et de leurs importances dans nos vies. Ils s’occupent exclusivement du développement des Biazz et assurent une reproduction et une fructification abondantes. Depuis une centaine de lunes, nous avons vu les spécimens disparaître peu à peu. Aujourd’hui, nous n’avons plus aucunes ressources pour palier à leurs intinctions. Sans nos plantes sacrées, les Zaïra vont s’affaiblir puis disparaître. Nos peuples sont liés par de grandes luttes et nous avons toujours su s’apporter la diversité nécessaire à la survie. Zahir, nous avons besoin de toi à nos côtés en tant que Botaniste sacré. Je vais t’apprendre toutes mes connaissances pendant notre retour vers le village. Une fois rentrés, nous allons tout de suite nous mettre au travail.
Le jeune botaniste est apaisé par le contact physique avec la Maître mais garde ses idées claires. Il est envahi par milles questions mais une grande peur prend peu à peu place en lui. Incapable de parler, il fixe Gadja qui ressent ses émotions sur la paume de ses mains.
- Je sais que tu as peur. Notre détour sur le Mont Doïa été fait pour te montrer les forces que tu possèdes. Je t’ai questionné au sujet de ta famille le premier soir mais je n’avais pas besoin de le faire en réalité. Nous ne t’avons pas choisi au hasard, ton héritage familiale prends une place immense. Ton instinct de la Terre n’est qu’à son minimum. Je sais que dans quelques lunes, tu pourras sans problème entendre mes pas depuis n’importe quel endroit. Notre situation est alarmante et nous ne prenons pas le risque de tout perdre dans tes mains.
- Vous parlez d’unions, pourtant, j’étais persuadé de ne pas pouvoir survivre face à un Biazz. Pourquoi nous faire croire que l’on risque notre vie en tant que Mouarra ?
- Tu as pu voir leurs beautés ensorcelante de tes yeux cela ne te suffit pas à comprendre ? Les Zaïra sont reliés à elles et ne les voit pas de la même façon. Il s'agit de plantes sauvages sachant se défendre.
- Beauté ensorcelante ? Non, je ne dirais pas cela. Elles sont fascinantes mais ne m’hypnotisent pas.
Gadja le fixe avec un regard mélancolique tout en retirant ses mains de ses cuisses. Elle prend ses affaires et commence à ranger la couchette pour dormir un peu. Zahir ne comprends pas le comportement de la jeune femme et ne bouge pas du centre de la cabane. Il la suit du regard et finit par l’interrompre en se levant.
- Je suis complètement perdu, vous venez de me donner une responsabilité immense qui va se baser sur votre transmission de connaissance et vous fuyez la conversation parce que je ne suis pas subjugué par les plantes sacrées ? Vous me connaissez et vous connaissez ma mère visiblement plutôt bien pendant que je ne sais toujours rien de vous. Je dois faire confiance à une personne que je ne comprends absolument pas.
La jeune Maître ne réagit pas à ses paroles mais le regarde droit dans les yeux et montre son écoute. A la fin de sa phrase, elle rejoint sa couchette et ferme les yeux. Zahir exaspéré par sa réaction quitte la cabane et pars en forêt pour retourner au Mont Doïa, convaincu de pouvoir trouver ses réponses en chemin. Le soleil est au plus haut dans le ciel et la chaleur est écrasante. Pour entendre son instinct, il doit faire preuve de calme et d’une très grande écoute vers l’intérieur. Abrité sous un arbre, il prend le temps de se plonger dans son instinct et voit désormais le cœur du Mont Doïa battre sous la Terre. Sans perdre une minute il part vers sa direction et l’atteint très rapidement. Il se met en position pour méditer et se plonge complètement dans les bruits et énergies des Terres de Loïs. Il sent quelques ondes battre sur le territoire désertique mais ne sait pas interpréter tout ce qu’il ressent. Il se laisse porter par l’énergie pour recharger ses batteries et se retrouver.
Après avoir passé toute la journée à méditer, Zahir décide de rejoindre la Forêt de Borjo pour retrouver la Maître. Guidé par son instinct, il sait où la retrouver. Une longue marche les sépare et la nuit s’obscurcit de plus en plus malgès tout son Instinct lui permet de ne pas perdre le cap, même les yeux fermés. Il peut sentir la présence de Gadja lovée au creux des racines connectée, apaisée, par sa puissance. Son émotion se fait forte, il ne peut s’empêcher d’accélérer le pas et parviens à rejoindre rapidement le cœur de la forêt. Il la regarde de loin et prends le temps de l’observer. La force de son aura est très opaque autour d’elle. Les traits fins de son visage sont apaisés, ses cheveux libres caressent de leurs mouvements sa bouche, sa nuque et ses joues. Elle sent la présence de Zahir mais ne change pas son attitude. Il s’approche doucement pour lui parler mais ne sait pas comment lui signaler sa présence. Quelques mètres seulement les séparent, Gadja se redresse et ouvre les yeux pour fixer l’horizon. Il décide de saisir l’occasion et s’assoit auprès d’elle. Il touche d’abord le bois des racines et regardant le sommet de l’Arbre. Il le remercie de le recevoir et de l’abriter.
- Maître Gadja, vous pouvez compter sur moi comme Botaniste Sacré. Je me sens prêt à le faire, je me sens prêt à donner le meilleur de moi-même. Je suis désolé d’être parti mais je devais me retro..
- Je sais. Je sais ce que ça fait de se recevoir le poids des responsabilités. Tu dis ne rien connaître de moi pourtant je t’ai parlé de mes pouvoirs, de ce statut que la nature m’a légué et que je ne peux fuir. Je n’avais que 130 lunes, je n’étais qu’un enfant… Je n’ai aucun ami et la seule personne avec qui j’entretiens le plus de liens ne me comprends pas vraiment… Mais, j’ai entendu ta détresse et je suis prête à te donner plus de précision sur ma famille. Notre… Mon… Je veux dire nos histoires se ressemblent… dans cette bascule vers le chaos. J’ai perdu mes parents très jeunes, presque au même âge que toi.
- Je suis désolé… Je ne veux pas te forcer à m’en parler…
Maître Gadja prend de grandes inspirations et se tourne vers Zahir pour toucher sa joue. Elle ferme les yeux quelques secondes et s’apaise avec l’énergie de l’Arbre.
- J’ai toujours eu l’impression que la mort de mes parents a été calculé. J’ai eu tout juste eu le temps de recevoir leurs connaissances avant de les perdre. Ils m’ont laissé toutes les armes en main. Mon père était un travailleur, un grand observateur. Très silencieux… A-t-elle point que l’on pouvait en oublier sa présence. Quand il me donnait des leçons, il savait sortir de se retrait pour me donner tout les encouragements et l’amour d’un père. Ma mère était une boule d’énergie, convaincue par de nombreuses valeurs : la diversité, le partage et l’entraide. Elle œuvrait en permanence pour donner naissances à de nombreuses espèces sédentaires pour nourrir nos deux peuples. Le triste jour de leur mort, ils étaient en pleine exploration dans les grandes forêts denses de l’autre côté du Lac Tipoo. Nous ne savons pas les circonstances exactes mais ils ont péri.
- Merci de partager toutes ses mauvais souvenirs avec moi. Je suis heureux de pouvoir entrevoir tes parents dans tes mots bienveillants… Je pense qu’il est grand temps de se mettre à travailler… Vous n’avez pas de temps à perdre.
- Nous. Nous n’avons pas de temps à perdre.
Le sourire a repris place sur les deux visages de nos aventuriers motivés par l’enjeux de ce moment de pédagogie. Le voyage vers le village se passe à merveille. Zahir apprends très vite et les spécimens rencontrés ont étaient nombreux pour étoffer les propos de Gadja. Elle est déterminée et précise dans ses explications pour lui transmettre au mieux les valeurs de ses parents.
Une fois rentrés au village, Zahir découvre les autres Botanistes Sacrés et ne peine pas à s’affirmer devant eux. Il se retrouve en duo avec Belly, un.e Zaïra très cultivé.e, énergique mais très dispersé.e. La seule Maître à accepter de coopérer avec iel est Gadja. Elle parvient à rester de marbre devant ses débordements et à la recentrer sur le principale lorsque c’est nécessaire. Les premières lunes passés au travail sont difficiles pour Zahir qui ressent le doute chez certains botanistes. La pression est forte et l’enjeu aussi. Sa première fructification approche et sa production à doubler comparée aux autres méthodes utilisées. Le constat est sans appel et le jeune botaniste est à présent propulsé au rang le plus haut des botanistes. Accompagné par Maître Gadja, il réétudie les procédures et met à jour le fonctionnement des botanistes sacrées.
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