Chapitre 24 :
Eddie et Elise trainait difficilement Luke, qui luttait pour ne pas s’endormir. Sokann montait les marches une à une, en prenant bien son temps, son flanc, qu’il tenait, le faisait terriblement souffrir.
— A quoi doit-on s’attendre une fois là-haut ? demanda Luke pour se maintenir éveillé.
— On va arriver dans le quartier ouest, le plus pauvre, expliqua Sokann. Gorlon utilise des maisons pour cacher les accès aux souterrains, elles sont rarement gardées mais bon...
L’adrénaline était retombée depuis un moment et la douleur comme la fatigue les frappait de plein fouet. Leurs blessures étaient trop sérieuses pour être négligées, ils devaient trouver un chirurgien rapidement.
Après ce qui leur paru être une éternité à grimper l’escalier, qui serpentait jusqu’à la surface, ils se retrouvèrent nez à nez face à une épaisse porte en bois. Aucun son ne leur parvenait depuis l’autre côté, impossible de savoir si des ennemis les attendaient. Tous serrèrent les dents, ils n’avaient de toute manière pas le choix, derrière eux la voie était bloquée, et s’ils attendaient trop les hommes de Gorlon auraient les temps de remonter par une autre sortie, et ils se retrouveraient coincés des deux côtés.
— Vous êtes prêts ? souffla Elise, soucieuse.
Ils attrapèrent tous leurs armes, comptant sur l’effet de surprise. La jeune femme prépara une petite boule de feu avec le mana qui lui restait, tout allait se jouer en une seconde. Elle approcha doucement sa main libre de la poignée, la tourna délicatement, puis ouvrit la porte en grand. Personne. La pièce, qui ressemblait à une cave, était totalement vide. Ils poussèrent tous un premier soupir de soulagement, puis un second lorsqu’ils découvrirent que le rez-de-chaussée était désert aussi.
Luke sentit toute la tension s’échapper, et il sentit ses jambes se dérober sous lui.
— ‘ai perdu trop... sang... médecin... parvint-il à articuler avant de perdre conscience.
Le Balafré reçu un coup de fouet supplémentaire, lui mordant profondément le dos. Il ne cria pas, n’émit pas le moindre son, et se contenta de regarder droit dans les yeux son tortionnaire. L’arma claqua une fois de plus, avant que Gorlon ne referme la cellule.
— La prochaine fois que tu me déçois, c’est ta sœur qui en subira les conséquences, c’est bien compris ? dit-il en articulant bien chaque mot.
Aucune réponse, l’homme cracha avant de se retourner. La prison sous l’arène était sombre et froide, on n’entendait rien à part les plaintes des prisonniers, tous ceux qui ne pouvaient payer, ou décevait le seigneur des souterrains terminaient ici, condamné à combattre dans l’arène. Une silhouette était adossée au fond de la salle, regardant la scène en silence.
— Si seulement tu étais rentré plus tôt ! grogna Gorlon. Cet abruti de noble s’est foutu de ma gueule ! il marqua une pause, son visage rouge de colère. Tu veux savoir le pire dans tout ça ?
Aucune réponse, l’homme dans l’ombre se contenta de lever les épaules.
— Ce connard m’a épargné ! « Tu as une dette envers moi... » Mais bien sûr petit fils de pute, je vais la rembourser ma dette quand je t’aurai empalé sur un pique devant mon arène !
La silhouette baissa la tête, déjà fatigué d’entendre son chef parler dans le vent. Après dix bonnes minutes d’hurlements envers le Chafe et ses compagnons, il cessa enfin.
— Voulez vous que je parte à leur recherche ? demanda l’ombre, sa voix grave se réverbérant dans le souterrain.
— Non ! rugit Gorlon. Ce serait un aveu de faiblesse ! Il faut faire croire que je les ai attrapés, et qu’ils sont morts à l’heure actuelle. J’ai une réputation à tenir !
— Très bien.
Il allait s’en aller, quand le fouet claqua et le frappa dans le dos. Il aurait pu éviter, mais il s’était volontairement laissé frapper.
— Écoute moi bien Hobras, menaça Gorlon. Si une fois de plus je me fais humilier parce que tu n’es pas là, c’est ta famille qui en subira les conséquences.
Hobras compta dans sa tête, une seconde pour attraper Compensari à sa ceinture, une deuxième pour éclater le crâne du vieil homme, et cinq de plus pour quitter l’amphithéâtre sans se faire repérer. Il soupira bruyamment.
— Dans ce cas-là ne me confiez pas de mission qui m’éloigne d’ici.
Il ne prit pas le temps de lui répondre, et disparu dans les ombres. S’il ne lui devait pas la vie, cela ferait longtemps que Gorlon ne respirerait plus.
Luke sentit une aiguille dans sa peau à son réveil, et une fois les yeux ouverts il vit une femme lui recoudre sa blessure au flanc. Je passe mon temps évanouis dernièrement, se dit-il.
— Ne bougez surtout pas, lui intima la chirurgienne. J’ai bientôt terminé.
Il sentit l’aiguille faire plusieurs allers-retours, mais sans aucune douleur. Elle termina de recoudre les plaies, puis attrapa un petit livre posé juste à côté d’elle. Elle chercha la bonne page, puis ferma les yeux, et Luke sentit quelque chose se déposer sur sa peau, puis se répandre dans tout son corps.
— J’ai stoppé le saignement et refermé toutes tes plaies, expliqua-elle en reposant le grimoire. Ce dernier sort va te permettre de récupérer plus vite.
Luke se rassit, et elle lui tendit une chemise propre qu’il s’empressa d’enfiler. Il ne ressentait aucune douleur, et se sentait même très bien malgré les traces de ses nombreuses blessures. La chirurgienne détacha ses longs cheveux blonds, puis ouvrit la porte pour sortir de la salle d’opération.
— Excusez-moi ? la stoppa Luke. Merci pour votre aide.
— De rien, répondit-elle avec un grand sourire. Ça fera cinquante pièces d’or.
— Pardon ? manqua de s’étrangler l’amnésique.
— Ne t’agite pas autant ! prévint-elle. C’était une plaisanterie !
— Ah bon ? Ne faites plus jamais ça s’il vous plait.
— C’est bien le prix des tes soins, mais j’avais une petite dette envers Sokann.
— Ou est-il d’ailleurs ?
— Dans mon salon, dit-elle avec une légère grimace. Rejoins-les vite pour que vous me laissiez enfin tranquille, j’ai utilisé trop de mana je suis fatiguée.
Luke rit, puis se leva doucement pour rejoindre ses amis. Ils étaient confortablement installés dans le salon de la chirurgienne, assis dans un canapé en peau, et buvait le thé en mangeant des petits gâteaux. Il aperçut une moue énervée sur son visage quand elle vit Sokann se goinfrer.
— Apparemment tu te portes déjà bien mieux, plaisanta-t-elle.
— Seulement grâce à tes soins Reina, répondit-il avec son plus beau sourire. Comment tu te sens Luke ?
— Bien, dit-il en s’asseyant à côté d’Elise qui lui tendait un biscuit à l’amande et au miel. Ou sommes-nous ?
— Chez la meilleure chirurgienne de tout Astria ! annonça Sokann avec un clin d’œil.
— Plus pour longtemps, finissez vos boissons et allez-vous-en, j’ai besoin de tranquillité.
Sokann se leva pour lui parler les yeux dans les yeux.
— Écoute, c’est compliqué pour nous tu sais ? Tu pourrais nous laisser dormir ici ce soir non ?
— Non.
Ils s’éloignèrent tous les deux dans la cuisine, Reina ne cédant pas aux caprices de l’ex homme de Gorlon. Luke savourait un troisième biscuit, quand il se rendit compte qu’Eddie évitait à tout prix son regard, et qu’Elise faisait comme s’il n’existait pas.
— Des choses à te reprocher mon vieux ? se moqua Luke en volant le gâteau qu’il tenait.
— Tu parles au plus gros lâche que la terre ait porté, rajouta Elise en lui jetant un regard noir.
Eddie se leva sans rien dire, puis regarda ses deux compagnons dans les yeux.
— Tu l’as déjà senti je suis sûr ? demanda-t-il à l’attention de la jeune femme.
Luke manqua d’avaler de travers, jamais il n’avait vu son ami avec un mine aussi sérieuse et fatiguée.
— Les différents manas ? s’enquit-elle. Impossible de rater ça, c’est comme si vingt personne était en toi.
Elise l’avait ressenti dès qu’elle avait croisé, plusieurs énergies différentes gravitaient autour d’Eddie, prenant origine au niveau de son cœur. Lorsqu’elle avait appris qu’il était un Chafe, tout lui avait paru plus clair.
Le chasseur de relique leur expliqua toute la vérité, la malédiction qui pesait sur sa famille depuis sa génération, ses ancêtres, et surtout son père qui tentait de prendre le contrôle. Ils écoutèrent avec attention, et Elise s’en voulu un peu de l’avoir considéré comme un lâche. Quand il eut fini de parler, Luke prit la parole à son tour.
— Mais tu es finalement venu nous aider, t’as réussi à briser la malédiction ?
— Pas vraiment, répondit Eddie, l’air triste. Mais je suis libre pour l’instant.
— Tant mieux, dit Luke, soulagé. J’espère pouvoir voyager avec toi encore longtemps.
— Et ce fameux « pacte » dont tu as parlé ? l’interrogea Elise.
Le Chafe leur sourit tristement.
— J’ai négocié directement avec la relique à la place de mon cœur...
La lame plongea vers son torse, dirigé tout droit vers son cœur. Son père ainsi que ses autres ancêtres tentèrent de l’en empêcher, en tirant de toutes leurs forces dans la direction opposé. Mais ils n’étaient que des esprits résiduels, de simple trace de leur mana, Eddie restait plus fort.
Il allait se libérer de la malédiction, et la faire disparaître à tout jamais.
Mais la relique refusa, une main dorée jaillit du cœur d’Eddie, et bloqua la pointe de la lame.
L’homme entendit une proposition dans sa tête, une offre qu’il accepta sans réfléchir.
— La relique ne désire qu’une chose, récupérer tout ses frères et sœurs éparpillés dans le monde, si je meurs, jamais cette mission ne seras remplie. Alors elle m’a proposé quelque chose, faire disparaître la malédiction tant que tu n’as pas récupéré la mémoire.
— Et après ? insista Luke.
— Elle prendra ma place, et je mourrai.
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