Chapitre 49 :
Eddie, Sho’Ryu et Sokann marchaient sur la muraille défensive autour de la ville, en dessous d’eux des centaines de chariots faisaient la queue pour entrer dans la capitale. Ceux qui étaient trop fatigués d’attendre c’était même carrément établi devant les murs de la cité, plantant des tentes et allumant de grand feu. On pouvait d’ici entendre les soldats parler fort devant la grande porte, avant de recevoir des floppées d’insultes en réponse. De l’autre côté la situation n’était pas mieux, ceux qui étaient parvenu à rentrer prenaient trop de place et de nourritures pour les habitants, et des querelles éclataient un peu partout.
— La situation leur échappe totalement, remarqua Sokann.
— Apparemment des villes de plus de dix mille habitants, à une cinquantaine de kilomètre d’ici, se sont faite attaquer, chuchota une sentinelle à son collègue, assez fort pour que les trois hommes l’entendent.
Les gardes remarquèrent qu’on les écoutait, et s’éloignèrent un peu plus loin. Eddie soupira bruyamment.
— Ils ne nous font vraiment pas confiance.
— C’est compréhensible, dit Sokann. Après tout nous avons passés la frontière, alors que tous leurs messagers sont portés disparu. Ils auraient au moins pu éviter de nous faire suivre par leurs hommes les moins discrets, ajouta-t-il en pointant du doigt une silhouette caché au loin sur la muraille. Au moins nos appartements ne sont pas surveillés.
— Ils le sont, intervint Sho’Ryu.
— Quoi ?
— J’ai utilisé Shiroi hier, j’ai senti trois sources magiques cachés derrière les murs.
— Pourquoi tu n’as rien dis ? s’exclama Sokann en affichant une mine inquiète. Et s’ils rapportaient au roi ce qu’on a dit ?
— Si le roi nous voulait du mal, il aurait déjà agi. Il y avait au moins trois porteurs de reliques cachés dans la salle du trône hier, ils nous observent sûrement en ce moment même, depuis une meilleure cachette que l’idiot derrière. Nous ne sommes que faussement libre.
Sokann laissa échapper un juron, lui qui avait quitté les souterrains, pour au final se retrouver dans un endroit tout aussi dangereux. Eddie lui tapota l’épaule en souriant à pleine dents.
— Rien dans ce pays ne me plaît, j’ai l’impression qu’il s’écroule sur lui-même, et que le roi y participe activement.
Il pointa du doigt au loin, désignant une véritable armée qui marchait vers Helmstedt, les troupes stationnées dans les villes proches de la capitale avait vraisemblablement reçu l’ordre de rentrer.
— Le peuple est attaqué par des mystérieux agresseurs, mais il fait revenir les soldats ? Et j’ai entendu des domestiques parler au château, cela fait des semaines que cela dure, avant même le début des attaques.
— J’espère que Luke va réussir à trouver un bateau pour partir d’ici, lança Sokann sans enthousiasme.
— Je doute que notre nouvel ami le roi nous laisse tranquille, répondit Eddie en riant.
Sokann maudit son ami, si détendu alors que la ville semblait vouloir prendre feu à tout instant.
— Désolé, aucun bateau ne prend le large, ordre du roi.
Le capitaine, barbu et grave, leur montra le nombre de bateau accosté au port. Aucun n’avait pris la mer depuis presque un mois.
— Et pourquoi ? insista Luke.
— Les pirates, répondit l’homme en haussant les épaules.
— Nous sommes plus que capable de nous défendre contre quelques pirates, assura l’amnésique. N’y a-t-il personne d’assez courageux pour prendre le large ?
— Ce n’est pas une question de courage petit, il faudrait être fou pour défier le Roi-Dragon. Ton embarcation ne ferait pas trente mètres avant de couler.
Le roi-dragon ?
— Merci quand même, dit Elise en tirant Luke en arrière.
Ils s’éloignèrent du port, sous le regard de dizaine de marin qui s’occupaient comme ils le pouvaient. Luke en repéra même certain qui les observaient beaucoup d’intérêt, mais le katana qui pendait à sa ceinture – qu’un soldat lui avait ramené après l’avoir retrouvé – les maintenaient à bonne distance.
— On pourrait en voler un, murmura Luke avec un regard espiègle.
— Je ne sais pas toi, mais personnellement je ne sais même pas nager, répliqua Elise avec un regard noir. Tu as bien entendu ce qu’il a dit, les rumeurs sont apparemment vraies.
— Quelles rumeurs ?
— Celle sur Drocia, le pays des dragons.
— Des dragons ? répéta Luke en riant. Tu ne penses pas qu’on les aurait vu ? Le roi les cache peut-être dans sa chambre ?
— C’est ça moque toi, il y a longtemps Drocia était le pays le plus puissant du monde, et tous craignait la fureur du Roi-dragon.
— Mais ce sont des vieilles histoires ça. Je doute que ce marin ait déjà vu un dragon, il faudrait être idiot pour croire en quelque chose que l'on a jamais vu !
— Je suis à moitié d'accord avec toi, répondit Elise en lui faisant un clin d'oeil. Mais le capitaine avait l’air très sérieux, alors non je ne prendrais pas le risque de prendre un bateau.
Elle l’attrapa par la main, et se remit en route vers le château.
— J’ai l’impression qu’on est pris au piège ici, grogna Luke.
Ils traversèrent rapidement la ville, en zigzaguant entre les passants énervés, les marchands qui tentaient tant bien que mal de vendre leurs produits à un bon prix, et les voyageurs qui s’établissaient là ou il y avait de la place.
Helmstedt devait être en temps normal une belle ville, les rues étaient larges, et bien entretenu même avec la surpopulation. Les bâtiments offraient de belles poutres apparentes, leur donnant un bel aspect. Cependant l’ambiance morose et agité, malgré le beau soleil qui éclairait la capitale, montrait la cité sous son plus mauvais jour.
Les gardes saluèrent le couple en les laissant entrer dans le château. Ils firent un détour par les jardins, espérant y trouver un peu de calme. Éléonore-Amy Herrscher s’y trouvait déjà, assise sur un banc accompagné par une femme que Luke n’avait encore jamais vu.
Habillée comme une domestique, mais portant une claymore à sa ceinture, la femme leur jeta un regard froid, semblable à celui d’un animal, et d’un bleu très clair. Son visage était beau, mais il était dur de lui donner un âge, il était comme taillé dans le marbre, sans aucune émotion. Ses cheveux étaient gris-bleu, et nouée en une longue tresse qui lui tombait dans le bas du dos. Elle se leva rapidement pour venir à leur rencontre, avant de leur parler avec agressivité, tranchant avec son apparence froide.
— Madame occupe déjà le jardin, je vous prie de la laisser tranquille, de plus vous n’êtes pas le bienvenue Lugné.
— Je m’appel Luke, pas Lugné, répliqua l’amnésique en la regardant dans les yeux, elle qui faisait pourtant une bonne tête de plus que lui.
— Calme toi Frose, intervint Éléonore-Amy Herrscher. Je te l’ai déjà dit, il n’est plus celui qu’il était avant, elle reporta son attention sur Luke et Elise. J’allais m’en aller de toute façon, profitez des jardins comme vous l’entendez.
Elle fit volte-face, suivit par la dénommée Frose qui ne les lâcha pas du regard.
— Alors c’est elle la princesse ? s’enquit Elise en l’observant partir.
— J’ai l’impression qu’elle m’en veut terriblement, dit Luke en s’asseyant sur un banc, entouré de fleurs multicolores.
— Je pense que je serais pareil dans son cas.
— Tu veux me faire culpabiliser ? soupira l’amnésique.
— J’ai l’impression que tu te débrouilles très bien tout seul, se moqua-t-elle.
Elise s’installa à côté de lui, et ils passèrent quelques heures dans la tranquillité des jardins royaux. La main de Luke lui fit mal à plusieurs reprises, mais il l’ignora pour se concentrer sur la femme qu’il aimait.
— Vous aviez dit quelques villages ! s’emporta Vershter-Oz Herrscher en pointant du doigt l’homme encapuchonné.
— Chuuut, répondit l’inconnu en mettant un doigt devant sa bouche. Vous ne voudriez pas qu’on nous entende non ?
Le roi jura dans sa barbe, et d’un coup d’œil vérifia que la porte de sa chambre était bien fermée.
— Ne changez pas de sujet !
— Tout ne s’est pas passé exactement comme prévu, expliqua l’homme masqué. Voyez-vous ce fût une première pour nous aussi, alors nous n’avons pas vraiment réussit dans les premiers villages.
— Vous aviez dit qu’une dizaine suffiraient ! Pourtant vous vous approchez de plus en plus de Helmstedt !
— Je vous avais aussi dis de laisser vos soldats, pourtant vous leur avez donner l’ordre de rentrer, vous ne nous faites plus confiance ?
Le roi aperçut pendant une seconde le visage de l’homme, il vit des lèvres sèches, ainsi qu’une peau orné d’étrange cicatrice, comme une pièce de vêtements recousus.
— Simple mesure de sécurité, se défendit le souverain. En cas d’attaque d’Astria ou d’Egen nous devons pouvoir nous défendre !
— Ah bon ? s’étonna l’homme. Pourtant une fois notre petite opération terminée, vous n’aurez normalement plus à vous soucier de vos pays voisins.
— C’est... c’est au cas ou je vous l’ai dit !
— J’espère que vous ne comptez pas nous trahir, dit l’inconnu en s’approchant subitement, assez proche pour que le roi sente son haleine. Les conséquences pour vous seraient terribles.
— Ne... ne vous inquiétez pas pour ça.
L’homme masqué attrapa la main de Vershter-Oz Herrscher, et le roi sentit un frisson de dégoût parcourir tout son corps.
— Demain certains de mes hommes se présenteront devant la grande porte, laissez-les entrez sans poser de question c’est bien compris ?
Le roi hocha la tête pour acquiescer, mais l’ombre se rapprocha encore plus de son visage.
— Je reviendrais dans trois semaines, pour la phase finale de notre accord. D’ici là, j’espère que tout se passera bien.
Il relâcha son étreinte, avant de se rapprocher du mur le plus proche. Un cocon noir commença à se former autour de lui, avant de tomber sur le sol, formant une flaque d’un liquide sombre. L’inconnu avait disparu, et Vershter-Oz Herrscher osa enfin respirer de nouveau.
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