Chapitre 54 :
Il regardait impuissant les soldats se faire massacrer sur les murs. Les créatures avaient fini par réussir à grimper, et malgré tous leurs efforts, chaque ennemi abattu était remplacé par deux autres. En quelques instants tous les soldats gisaient morts. Il vit des renforts arriver depuis le quartier de l’armée, mais il était trop tard, des milliers de créatures couraient à présent dans les rues. Les commandants ordonnaient le repli, mais trop tard, les monstres leurs fonçaient dessus à toute vitesse.
— Ils font se faire décimer, souffla Luke.
Le prisonnier tenta encore une fois de défoncer une des fenêtres, cette fois en balançant une chaise dessus, mais le meuble se brisa sans causer aucun dommage. Il jura, maudissant son impuissance, avant de regarder encore une fois la marque sur sa main. Plus d’une fois il avait hésité à en libérer la puissance, mais la peur de perdre le contrôle l’en avait dissuadé. Néanmoins, cette fois-ci ses amis étaient en danger.
— Je n’ai plus le choix, se dit-il à lui-même.
Quelque chose capta son attention par la fenêtre, il s’approcha de nouveau pour observer, et vit quelque chose voler au-dessus des rues de Helmstedt. Des immenses flammes de couleurs bleues jaillirent, frappant les créatures et créant une séparation avec les soldats. Deux femmes se tenaient sur la chose volante, une blonde et une autre aux cheveux gris. La bête volante fit un nouveau passage, crachant ses énormes flammes sur les murs cette-ci, tuant des milliers d’ennemis.
Des hommes vêtus de longues capes noires apparurent sur les murailles, jaillissant de cocons noirs. Les nouveaux arrivants sortirent des grimoires, et les levèrent tous de la même manière, tandis que derrière eux de nouvelles créatures grimpaient sur le mur. Une étrange aura commença à entourer les monstres tués, tandis que les silhouettes encapuchonnées continuaient leur incantation. Et sous les yeux médusés de Luke, toutes les bêtes tués commencèrent à se relever lentement, avant de se joindre à leurs semblables en vie pour se répandre dans la ville. Même les créatures brûler reprirent vie comme si de rien n’était, leurs tissus se régénérant.
Ce sont des daevas ? pensa Luke en regardant les mages.
Les mages levèrent cette fois leur main, et des projectiles fusèrent en direction de la créature volante, la ratant de peu. Elle décida de changer de trajectoire d’un battement d’aile, avant de foncer vers la prison de Luke. L’amnésique eut un mouvement de recul sous la surprise, avant que le mur n’explose, percuté par la masse de la créature. Luke tomba sur le sol, et en relevant la tête il vit qu’il manquait une grande partie de sa cellule. Une voix familière l’appela.
— Vite ! Dépêche-toi de monter !
Sokann entendit une nouvelle explosion, et se recroquevilla davantage. Les murs du troisième étage de la maison dans laquelle il s’était réfugié tremblèrent sous la puissance de la magie. Sokann se prit la tête entre les mains, il se voyait encore au milieu de la rue, tandis que le rayon magique lui fonçait dessus à pleine vitesse. Eddie lui avait sauvé la vie en le poussant dans une ruelle adjacente, l’attaque avait seulement brulé une partie de son long manteau. Sokann s’était alors caché dans l’habitation la plus proche, pour fuir les Daevas et le garde royal.
J’espère qu’Eddie va bien.
Nouvelle explosion, nouvelles secousses, le combat battait son plein dans les rues d’Helmstedt. Prenant son courage à deux mains, Sokann se leva pour observer la situation par les fenêtres, il était dans le plus haut bâtiment du quartier, ce qui lui offrait un bon point de vue.
Ce qu’il vit ne le rassura pas, bien au contraire. Il ne pouvait pas les discerner clairement à cette distance, mais les choses qui couraient sur les murailles devaient être des monstres, et elles arrivaient par milliers. De plus, des hommes vêtus de capes noires bloquaient les rues, empêchant quiconque de se rendre au port. Il arrivait à en voir une cinquantaine, mais beaucoup d’autres devaient occuper les autres passages, certains tenaient des grimoires, et ressemblait à des mages expérimentés. Par chance pour le natif des souterrains, sa cachette se trouvait derrière le barrage, lui laissant le champ libre pour s’enfuir. Une lumière dorée traversa un mur à quelques dizaines de mètres, et pendant quelques secondes il aperçu Eddie, blessé à l’épaule et à la cuisse, avant qu’il ne disparaisse de son champ de vision.
Sokann tapa du poing contre le mur, maudissant sa propre impuissance. Il n’avait aucun moyen d’aller aider son ami, ou plutôt il n’en avait aucune envie.
Je ne lui servirai à rien, je me ferais simplement tuer.
Il commença à étudier un itinéraire pour rapidement se rendre au port. Mais la sensation d’abandonner ses amis trottait au fond de sa tête, l’empêchant de réfléchir correctement.
Je suis juste un type normal moi ! Je ne suis pas un mage, je n’ai pas de relique et encore moins de pouvoirs !
C’est à ce moment là qu’il repensa à son enfance dans les souterrains. Ses parents l’avaient abandonné, comme presque les trois quarts des enfants qui naissaient dans cet environnement maudit. Il avait dû lutter pour survivre, en volant et en profitant du moindre instant de faiblesse autour de lui, fuyant avant que le danger ne pointe le bout de son nez.
Gorlon l’avait alors repéré, et il avait travaillé pour lui, non pas par loyauté ou quoi que ce soit d’autre, simplement parce que c’était l’option la moins dangereuse qui s’offrait à lui. Sokann avait finit par obtenir une bonne place dans les souterrains, il aurait pu tenter de vivre à Aria, mais il ne s’y sentait pas à sa place.
Sa rencontre avec Eddie changea sa manière de voir la vie, avant il choisissait toujours la solution la plus simple, mais les missions qu’il accomplissait avec la tête brulée terminait souvent de manière spectaculaire. Il s’était demandé s’il ne pouvait pas être le héros pour une fois, au lieu de rester le lâche.
Je ne suis pas un héros.
Sokann avait tenté d’aider son ami contre Gorlon, et aujourd’hui il se trouvait au beau milieu d’une cité attaqué par une secte de meurtrier, il s’en sortait bien mieux en restant un lâche. Il jeta un dernier coup d’œil à la fenêtre par laquelle il avait aperçu Eddie, puis détourna le regard.
La lame atteignit la nuque de la créature, et la tête vola avant de tomber au sol. Une boule de feu traversa la rue, et Veter l’esquiva d’un saut sur le côté, avant que le mage ne se fasse abattre d’une flèche.
— Ne vous arrêtez pas ! ordonna le capitaine de la garde.
La décision avait été prise rapidement, car la situation ne se prêtait pas réellement à la discussion. Plusieurs groupes avaient été formés, comportant un certain nombre de soldats et de civils, et tous prirent la direction du port, chacun passant par une rue différente. Rester sur la place revenait à opter pour un long suicide. Aaron était entrain de se faire submerger par deux monstres, et rapidement Veter lui vint en aide, tranchant encore et encore la chair putréfiée des créatures.
Le capitaine s’occupait de l’arrière, stoppant les monstres, tandis qu’à l’avant un autre gradé repoussait les Daevas. Entre les deux groupes des civils hurlaient.
— On n’avance pas assez vite ! se plaignit Aaron, en voyant encore d’autres créatures leurs foncer dessus.
— Leurs mages posent trop de problèmes ! répondit Veter en entendant une boule de feu exploser derrière lui.
— On va tous crever si ça continue !
— Mon garçon...
Le capitaine ne trouva pas quoi lui répondre, leur situation lui semblait désespéré, néanmoins il leva tout de même sa lame quand les bêtes leurs foncèrent dessus. Il évita un coup de griffe, et d’un coup d’estoc abattit sa cible.
— On a besoin d’aide à l’avant ! cria un soldat au loin, sa voix à peine audible avec le bruit des civils.
— L’arrière ne tiendra plus longtemps ! répondit un autre, avant de faire mordre par un monstre.
Le soldat chuta en arrière, et la formation fut rompu en un instant. Les bêtes se déversèrent par la brèche, courant à pleine vitesse vers les civils. Les hommes qui portaient le brancard ou Sho’Ryu était allongé le lâchèrent avant de dégainer leurs armes. Ils repoussèrent trois créatures, avant de se faire éventrer par des griffes puissantes. L’une d’entre elle bondit sur Justine, qui soignait encore le Nijimien.
— Attention ! cria Veter.
Quelque chose traversa l’air à la vitesse de l’éclair, et le monstre termina sa course sur le sol, ses deux bras tombèrent à côté de lui.
— J’ai connu des réveils moins brutaux, maugréa Sho’Ryu.
Voyant en lui un espoir de s’en sortir, Veter pointa du doigt le combat qui se déroulait de l’autre côté.
— Je t’en demande beaucoup, mais il faut que tu ailles libérer le chemin ! Sinon nous n’avons aucune chance !
Sho’Ryu pencha la tête sur le côté, ne comprenant pas encore la situation. Mais il dégaina sa lame blanche, et d’un bond surhumain sauta sur le toit de la maison la plus proche, avant de courir en direction des Daevas.
— Mais c’est quoi ce type ? jura Aaron sans parvenir à réaliser ce qu’il venait de voir.
— Aucune idée mon garçon, mais c’est le seul à pouvoir nous sauver.
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