Chapitre 56 :
Un véritable désert de cendre s’étendait à présent dans Helmstedt. Plus de cinq cent mètres de bâtiments avait été réduit à néant, et même le sol pavé avait complètement disparu. A quelques mètres de l’épicentre, une sphère dorée ressortait sur le parterre gris. La protection se dissipa, reprenant la forme des petits arcs flottant, et Eliott apparu. Une partie de ses vêtements était brulé, mais il avait pu se couvrir à temps. En plein milieu du cratère se tenait la cause d’un tel carnage. Immobile, debout avec son épée dans la main, Eddie regardait le sol en silence. On entendait au loin le fracas de l’affrontement entre l’armée et les Daevas, par chance le duel entre les deux porteurs de reliques les avait éloignés sur le côté ouest de la ville, non loin du port.
— J’ai presque eu peur, souffla l’ex garde royal.
Ne préférant pas prendre de risque, il tira cinq projectiles dorés sur son adversaire immobile, il ne voulait pas se faire surprendre une fois de plus. Au moment ou les traits dorés allait faire mouche, quelque chose tournoya autour d’Eddie, et la magie disparu dans un sifflement aigu. La chose était en fait une cape faite de flammes d’un rouge profond, qui s’allongea progressivement dans le dos du Chafe. Des flammes entourèrent son arme, et de plus petites flammèches se mirent à crépiter sur tout son corps. Ses blessures se refermaient à vue d’œil, soignés par son propre feu. Il releva la tête, un immense sourire illuminant son visage.
— Je crois bien que j’ai réussis, cria-t-il à son adversaire.
— Tss. Comme si ta libération imparfaite allait m’empêcher de te tuer !
Il tira de nouveaux, et Eddie se jeta en avant. Il évita deux projectiles, et sa cape se déplaça de nouveau toute seule, interceptant les trois autres pour les protéger. Le Chafe avait l’impression d’être un autre homme, gonflé d’énergie jusqu’au point de rupture. C’était comme si toute sa famille le poussait vers l’avant, et quand il baissa les yeux, il vit plusieurs mains posées sur le manche de son arme, le soutenant. Il reconnu la main de son père, et comprit soudain quelque chose. Son cœur était une malédiction oui, mais en échange il n’était jamais seul.
— Tu me reprochais de détruire la ville, lança Eliott en préparant une puissante attaque. Mais tu as vu ce que tu as fait ?
— Parce que tu penses que j’en ai quelque chose à foutre ? Je ne me bats pas pour protéger qui que ce soit, je me bats pour moi-même !
Un rayon doré jaillit, et Eddie leva son épée au-dessus de sa tête, avant de l’envoyer à la rencontre du sort. Les flammes jaillirent dans toutes les directions tandis que les deux magies s’affrontaient, une explosion eut lieu, repoussant Eliott qui fut propulsé en dehors du cercle de cendre, avant d’être arrêté par une maison. Quand il reprit ses esprits, il vit qu’Eddie lui fonçait dessus à pleine vitesse.
— Et là tout de suite, j’ai juste envie de te tuer !
Ignis s’approchait à grande vitesse, et quand l’archer leva le bras, aucun de ses arcs volant de se déplaça. Ils avaient brulé dans l’attaque précédente, et le mana lui manquait pour les faire réapparaitre. Lui qui était si confiant, ressentait à présent de la peur et du regret.
— Crève !
La lame se rapprocha davantage, et Eliott impuissant ferma les yeux, mais la mort ne vint pas. Quand il rouvrit les yeux, Eddie était au sol, son épée était tombée au sol. La peur fut en instant remplacée par de la joie et des rires bruyants.
— Tout ça pour ça ? se moqua Eliott levant le bras. Des grandes tirades pour venir tomber à mes pieds comme un animal blessé ? Voilà ce que tu es Chafe, un raté de ce monde. Mais ne t’en fais pas, tu n’es pas le seul dans ce cas-là. Nous saurons être magnanime avec les gens comme toi dans le prochain monde !
— Ferme là, murmura Eddie en essayant de se relever.
— Tu vas mourir tout seul.
Le bras d’Eliott se mit à briller, signe qu’il allait tirer de nouveau, mais il sentit quelque chose derrière lui. La fenêtre située à sa droite se brisa, et une lame lui frôla le visage. L’homme fit une roulade pour venir se mettre entre les deux adversaires. L’ancien garde royal le reconnut tout de suite, c’était Sokann.
— Tu... tu n’as pas fui ? demanda Eddie sous l’effet de la surprise.
— Comme si je pouvais te laisser mourir, assura Sokann, masquant sa peur.
Il levait fièrement son épée courbe, et son manteau était légèrement brulé, signe qu’il se situait dans la zone de l’explosion.
— Tu aurais dû rester bien en sécurité, dit Eliott. Mais je comprends, tu préfères mourir avec lui.
Son bras se mit de nouveau à briller, mais sa provocation masquait en fait la profonde incertitude qui venait de s’emparer de lui.
Il ne me reste qu’un seul tir.
Eliott serra les dents, il devait toucher celui encore debout, et achever l’autre au sol ne serait plus qu’une formalité après. Sokann se tenait à environ trois mètres de lui, à cette distance il n’avait pas le temps d’esquiver une fois le tir partit, il allait sûrement tenter d’esquiver en essayant de prévoir la direction du tir.
A droite ou à gauche ?
Sokann transpirait à grosse goutte, il tenait la vie d’Eddie entre ses mains, mais aussi la sienne. Lui-même ne savait pas ce qui l’avait poussé à revenir et à s’interposer, une partie de lui hurlait de fuir, qu’il pouvait encore rejoindre le port sans danger. Il serra davantage le manche de son arme, jusqu’à faire blanchir les jointures de ses mains. Sokann le lâche était mort, aujourd’hui il se comporterait en héros.
Le bras de son adversaire brillait de plus en plus, l’attaque n’allait pas tarder à être prête, et Sokann se savait incapable de l’éviter à pleine vitesse, et encore moins de l’encaisser. Il allait devoir faire un dangereux pari pour espérer survivre.
A droite ou à gauche ?
Son opposant n’avait toujours esquissé le moindre mouvement, et le sort était prêt. Eliott se prépara à tirer, mais l’épéiste réalisa l’impensable. Sokann avait bondit en avant, un pas rapide et d’une précision impressionnante. Pris de court, Eliott tenta de plier le bras, pour viser son adversaire qui était presque collé à lui, mais trop tard. La lame courbe jaillit, et le bras de l’ancien garde royal vola dans les airs.
Battu à plate couture par l’audace et le courage de Sokann, Eliott ne pu s’empêcher de sourire tandis que l’arme de son adversaire pénétrait dans son torse. Il n’avait aucun doute sur la réussite des Daevas, et il pensa à sa mère à tous ceux du village.
Ils seraient tous réunis dans le prochain monde.
Sokann retira sa lame, la main encore toute tremblante, et Eliott tomba en avant. Une lumière jaillit à ses côtés, et le grand arc doré apparut sur le sol. La libération était terminée, son porteur était mort, l’arme était à présent sans maître. Sans trop oser le toucher, le barbu l’attrapa pour le caresser avec douceur. Il venait de gagner mais n’arrivait pas à y croire.
— Tu peux arrêter de t’extasier et m’aider à me relever ? lança Eddie, encore face contre terre.
— Je viens de te sauver la vie, tu pourrais me remercier mieux que ça non ?
Sokann passa l’arc à son épaule, et s’approcha de son ami. Il entendit du bruit, comme un grand battement d’aile, et quelque chose d’énorme s’écrasa dans la cendre à côté d’eux. Une seconde créature de la même envergure se posa avec fracas, un homme vêtu de noir debout sur son dos.
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