Chapitre 59 :
Tous regardaient l’immense objet, sans que leur cerveau n’arrive à procéder l’information. L’immense pied occupait autant de place que cinq ou six maisons, et Sokann était passé à un cheveu de se faire écraser. L’air commença à vibrer autour du membre gigantesque, comme si le vide se condensait, et soudain de la matière se mit à apparaître. Tout d’abord ce fut un os, puis des veines et des muscles, et finalement de la peau, noir comme le néant.
— Impossible, dit Luke en pensant comprendre ce qu’il se passait, tandis que la douleur de sa main grandissait encore.
Une jambe entière apparu, puis un second pied apparu de la même manière, surgissant du vide sans un bruit. Un véritable géant était en train de prendre forme devant eux. En quelques minutes le torse commença à apparaître, et Elise devait se dévisser la nuque pour voir le haut du corps qui culminait à plus de cinquante mètres de haut. Deux immenses bras musclés apparurent en dernier, complétant la titanesque créature qui restait sans tête. Elle ressemblait à un immense mannequin dont la peau était d’un noir abyssal, comme si le soleil n’osait même pas l’éclairer.
Tous restèrent sans voix, n’osant même pas respirer face à la chose qui se tenait devant eux. L’immense chose restait parfaitement immobile, comme une statue.
Andross jaillit de l’ombre du géant, un sourire triomphant sur le visage.
— Magnifique ! hurla-t-il en levant les bras. Absolument magistral ! Vous avez tous la chance d’admirer Ekerim ! Le Quatrième ! Celui que l’on nommait autrefois Marche-Mort !
Une fine lumière violette apparu autour du titan, et une épaisse poussière noire commença à tomber de sa peau. Quand les premiers grains touchèrent le sol, la cendre se mit à fondre, et les murs des bâtiments commencèrent à s’effondrer sur eux-mêmes, comme s’ils pourrissaient. Une de ces particules tomba sur la veste de Sokann, et il la jeta au sol avant qu’elle ne se mette à se désagréger.
— Il n’est pas complet, observa Andross en créant une protection avec sa magie d’ombre. Il doit encore manquer de mana.
— Tu as sacrifié toute ces vies pour ça ? hurla Luke en s’approchant de lui.
— Pourquoi ce ton réprobateur ? Lorsque tu auras retrouvé la mémoire tu seras fier de moi, enfin, de nous, répliqua le Daevas. Nous sommes les seuls à avoir réussis l’exploit d’invoquer un démon !
— Ne me compare pas avec toi !
— Perdre la mémoire n’efface pas ton passé, continua Andross. Ce symbole en est la preuve.
La marque violette brillait fortement sur la main droite de Luke, et la douleur était si forte qu’elle lui brouillait la vue. Andross lui attrapa le poignet, et l’amnésique ne réussit qu’à se débattre mollement.
— Luke ! hurla Elise en courant tout en évitant les particules noires.
Elle lança un éclair, mais la barrière d’Andross l’intercepta sans mal.
— J’ai autre chose à faire à présent, dit-il en souriant à la jeune femme. Comme je suis quelqu’un de généreux je vous laisse partir, je garde Luke en revanche.
Le poing de l’amnésique s’écrasa sur le torse musclé du Daevas, sans aucun effet, il avait l’impression qu’une fièvre terrible l’empêchait de bouger. Un étrange bruit retentit autour d’eux, comme si quelque chose d’énorme se déplaçait.
— Allons, arrête un peu, souffla doucement Andross sans faire attention au son. Je vais trouver un moyen de te rendre la mémoire, et bientôt nous réveillerons tous les autres démons tous les deux.
L’amnésique voulu parler, mais il n’arriva pas à émettre le moindre son. Sa vision tourbillonna et il eut des flashs de la pièce noire. L’étrange forme composé de brume le regardait avec attention, et il eut l’impression qu’elle lui souriait, si tant est qu’un être composé de brouillard puisse sourire.
— J’ai l’impression que tu as besoin de mon aide, dit la chose. Si tu me laisses ton corps je peux t’aider toi et tes am...
— Non ! répliqua Luke. Tu es un des démons je le sais. Qui me dit que tu me rendras le contrôle un jour ?
Il eut l’impression que la brume eut un petit rire, mais il pouvait être sûr de rien.
— Par chance quelqu’un d’autre à envie de ‘t’aider on dirait, même si je ne sais pas trop pourquoi. Même après toute ces années je ne comprendrai jamais cette vieille montagne.
— De quoi tu parles ?
— Je vais te donner un conseil, sans rien te demander en échange cette fois-ci. Décale-toi sur la gauche.
Sans trop comprendre, Luke utilisa le peu d’énergie qui lui restait pour faire un pas sur le côté, sous les yeux méduses d’Andross. Ce dernier fut écrasé la seconde d’après par le pied du colosse. L’immense titan se plia en deux, et sa main grande ouverte s’approcha de l’amnésique. Au moment ou le géant allait l’attraper, quelque chose tira Luke en arrière, et il se sentit décoller du sol.
— Reprends toi bon sang ! lui cria Elise en le hissant sur le dos du dragon.
Sokann l’aida aussi à le tirer, tout en tenant fermement Eddie avec son autre main. Dreiss était aussi sur le dos de la créature, tandis qu’Éléonore était à cheval sur son cou.
— Que s’est-il passé ? demanda Luke en sentant la douleur s’apaiser peu à peu.
— Cette chose s’est mise à bouger, expliqua Elise. Mais on dirait qu’Andross ne l’a pas vu.
Luke sentit quelque chose sur son poignet, et vit que la main du Daevas y était encore accroché, il l’enleva avant de la jeter dans le vide. Quand il releva les yeux il vit que le géant s’approchait d’eux à grande vitesse. Ils avaient beau voler, chacun des pas de la créature de plus de cinquante mètres lui permettait de parcourir une distance considérable. Sous ses pieds les bâtiments s’écrasaient comme de l’herbe, et les particules qui tombaient de son corps étaient en train de faire pourrir tout Helmstedt.
— Comment une telle chose peut-elle se déplacer, souffla Sokann.
— Nous devons fuir à tout prix, dit Elise en pointant du doigt le port. Les bateaux doivent être prêt à partir.
— Non, répondit sèchement Éléonore. On doit pouvoir faire quelque chose contre ça.
— Tu veux te battre contre ? s’énerva Elise. Ton père est mort et le pays est perdu, cette créature va tout ravager et on ne pourra rien faire contre !
— Comment peut-on savoir si on n’essaye pas !
— Si on tente quoi que ce soit, tout ce qu’on va gagner c’est de mourir !
Avant qu’Éléonore n’ait le temps de répondre, des traits d’ombres déchirèrent les ailes du dragon, qui se mit à perdre directement de l’altitude. Luke vit Andross debout sur le toit d’une maison, un bras en moins mais bien vivant. Frose battit de ses ailes déchirés une dernière fois pour se retourner, et son corps fit office de protection. Ils traversèrent le toit d'une maison, et atterir sur le plancher avec fracas. Frose perdit lentement sa forme de dragon pour redevenir humaine.
— Tout le monde va bien ? demanda Sokann en relevant Eddie encore à moitié évanouie.
— On n’a pas le temps pour ça, dit Elise en aidant Luke à se relever.
Le son des pas du géant se rapprocha encore, et à chaque fois la terre tremblait davantage. Le colosse sans tête n’allait pas tarder à les atteindre. Éléonore le regardait s’approcher, des larmes sur les joues. Quand les autres se mirent en route vers le port, elle resta immobile.
— Princesse, que faites-vous ? demanda Frose qui était soutenu par Dreiss.
— Tout ça c’est de ma faute, répondit la blonde en dégainant sa rapière. Je n’ai pas pu empêcher mon père de sacrifier son propre peuple, je ne suis pas digne de gouverner qui que ce soit. Fuyez, je vais tenter de retenir cette chose.
— Arrête de vouloir être une héroïne ! dit Elise en l’attrapant par l’épaule. Tu vas juste te faire tuer sans que cela ne serve à rien !
— Et à quoi bon fuir ? répliqua la princesse. Tous sont morts, laisse-moi rejoindre mon père et mon peuple !
Elise la frappa de toute ses forces à l’épaule, sa main qui avait heurté l’épaulette saignait sans qu’Éléonore n’ait sentit quoi que ce soit.
— Arrête de dire n’importe quoi ! Tu n’es pas responsable des actes de ton père, mais là tu as le choix entre fuir pour aider ce qu’il reste de ton peuple, et qui ont besoin de toi. Ou mourir pour rien comme une lâche !
La jeune femme aux cheveux gris avait les larmes aux yeux sous le stress et la douleur causé par son coup. Éléonore resta quelques secondes sans rien dire, avant de secouer la tête et d’essuyer le sang sur la main d’Elise avec ses vêtements.
— Merci, murmura-t-elle. Vous tous, cria-t-elle en changeant de ton. Suivez-moi jusqu’au port !
Tous acquiescèrent et s’élancèrent à sa suite, derrière eux les bruits de pas du géant s’amplifièrent encore.
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