Chapitre 30.5 :
Le vieux Philomon guidait Elise à travers les couloirs de l’Académie. Après avoir bu les belles façades ainsi que les magnifiques parterres de fleurs, la jeune femme s’était attendue à ce que l’intérieur des bâtiments soient tout aussi beau, elle ne s’était pas trompée. Tout était impeccable, parfaitement propre, les murs et les colonnes blanches étaient minutieusement décorés, des tableaux, des bustes et autres œuvres d’arts étaient disposés un peu partout, tandis que des arbustes et des fleurs magnifiques offraient une touche de verdure à l’ensemble.
— Nous avons ici le deuxième plus beau jardin de tout Aria, expliqua Philomon en voyant l’expression de la jeune femme. Plus de trois cents espèces sont entretenues par nos mages les compétents.
— Quel est le plus grand ? l’interrogea Elise.
— Le roi n’est pas seulement l’homme le plus puissant, il est aussi le plus riche, répondit-il avec un petit sourire.
Il continua de la guider tandis que d’autres étudiants la regardaient avec intérêt. Réussir la sélection n’était en soi pas quelque chose d’incroyable, plus d’une centaine d’apprenti était accepté chaque mois. Ce qui relevait de l’exploit en revanche, c’était de réussir avec le vice-directeur Philomon en tant qu’examinateur.
Ils passèrent devant des salles de classes ou des professeurs expliquaient des concepts magiques dont Elise n’avait jamais entendu parler. Une lumière aveuglante jaillit de l’un des cours, et la jeune femme cligna rapidement des yeux, avant de voir dame tenir une sorte d’oiseau brillant entre ses mains. L’animal, entièrement composé de magie pure, battit des ailes avant de s’envoler pour survoler les élèves ébahies.
— Hum...
Le toussotement fit sortir Elise de son admiration, et elle se dépêcha de rejoindre son guide qui l’attendait un peu plus loin. Elle joua avec une des ses mèches grises en rougissant.
— La magie vivante n’est pas enseignée avant la troisième année, vous êtes bien empressés, observa-t-il avec un sourire amusé.
— Désolé, répondit Elise en baissant les yeux.
— Surtout pas, je trouve votre enthousiasme plus que bienvenue.
Ils marchèrent encore un peu et grimpèrent deux étages, avant d’arriver devant le bureau de Philomon. Il la fit rentrer et s’installer sur un fauteuil en cuir rouge, elle s’installa prudemment, consciente que son siège valait à lui seul une véritable fortune. Elise balada son regard dans le reste de la pièce, mais partout ou ses yeux se posaient, elle ne voyait que des signes de l’extrême richesse du vieil homme. Des livres avec d’imposantes couvertures, ou les titres étaient inscrits en lettre d’or, remplissaient une bibliothèque large comme le mur du fond. Des trophées ainsi que des diplômes ornaient les autres murs, ainsi que ce qui ressemblait à des reliques, ou du moins des appareils magiques complexes.
Et le roi est plus riche que lui ?
Philomon fouilla dans ses tiroirs, et en sortit trois feuilles qu’il déposa sur le bureau.
— D’habitude je laisse les secrétaires faire cela, mais étant donné que tu es seule autant ne pas les déranger.
Il l’avait dit comme si cela le dérangeait un peu, mais le sourire sur son visage montrait tout l’inverse.
— Tu as sûrement dû entendre dire que l’Académie était ouverte à tous, et qu’il suffisait d’avoir du talent pour pouvoir y entrer. Et bien c’est vrai, les précédents roi ont toujours compris l’immense importance de la magie, que ce soit dans la guerre ou dans bien d’autres champs d’application. Dans le même temps on t’a sûrement dit que l’enseignement était gratuit, ou à la rigueur financée par le royaume. Cela n’est pas totalement vrai, mais pas faux non plus.
La gorge d’Elise se serra, elle n’avait pas d’argent, en tout cas pas assez pour financer des études coûteuses, et l’Académie devait être extrêmement coûteuse, non ?
— Est-ce que tu sais pourquoi Astria porte autant d’intérêt à la magie ? Au point d’investir le plus de ressources possibles dans son développement ?
Prise par surprise, l’esprit encore occupé par l’argent qu’elle n’avait pas, Elise ne trouva pas de réponse immédiate à la question sans dire une banalité du genre : « Parce que la magie permet d’éclairer les rues même la nuit ? »
— Un indice, ajouta Philomon avec un sourire amusé. C’est en lien avec le fait qu’Astria est le pays le plus puissant.
— C’est parce que la magie permet de faire la guerre ? tenta Elise.
— Tout à fait, elle permet même de gagner n’importe quelle guerre en fait. J’imagine que tu as déjà entendu parler des royaumes de l’est ?
— Voulez-vous parler d’Aglesh ?
— Celui-là même, ce pays qui a conquis tout ses voisins lorsque Yastanos le troisième était à sa tête. Savais-tu que malgré sa puissance, Astria est en réalité en retard sur le plan technologique ?
— Non je n’en savais rien, admit Elise.
La jeune femme avait lu les livres de Fulbert, mais aucun ne parlait des royaumes de l’est, elle pouvait les placer sur une carte et c’était à peu près tout.
— Aglesh en particulier est bien plus avancé, expliqua Philomon. En particulier dans le domaine de la guerre. Leurs canons sont bien plus performants que les nôtres, et il suffit de seulement deux hommes pour les recharger en un temps record. Ils possèdent même une version bien plus petite des canons, des armes qu’un seul soldat peut transporter, ils appellent cela des fusils.
Des canons miniatures ? Elise essaya de l’imaginer, mais eut du mal tellement la chose lui apparu comme impossible.
— Fier de sa puissance, Yastanos nous a déclaré la guerre, bien décidé à conquérir Astria, puis Ryke Fryst et le reste du monde. Son armée est venue, plus de cents mille soldats, a peine un dixième de la totalité de ses forces. C’était il y a plus de quarante ans, et à cette époque le tout le tout jeune roi Aelioss venait de fêter ses vingt-deux ans, ainsi que sa seconde année de règne. Face à la menace le roi a réuni ses forces, pour monter au front avec à peine quinze mille hommes.
— Si peu ? s’étonna Elise.
— Le reste de l’armée était mobilisé près des frontières, car à cette époque Astria était en conflit avec quasiment tout ses voisins. Aelioss s’est alors présenté face à Yastanos et son armée cinq fois plus grande. Le nouveau roi contre un conquérant qui n’avait alors jamais perdu une bataille de sa vie, et tu sais comment les choses se sont déroulés ?
— Aelioss a gagné ?
— Il n’a pas seulement triomphé, il a exterminé l’armée adverse, en seulement une journée. Ses quinze milles hommes comptaient parmi eux plus de cinq cents mages expérimentés, ainsi que les Altius de l’époque. Un tir de fusil est semblable à une piqure de mouche face à la barrière d’un bon mage. Et aucune armure ni aucun bouclier ne peut bloquer une pluie de météorite et une tornade de flamme. Que fait un soldat lorsqu’il voit un porteur de relique utiliser la libération ? Il prie, parce que même la fuite est inutile face à la toute-puissance de la magie. Les premiers rangs adverses ont été défaits à peine quelques minutes après le début de l’affrontement, et le reste des troupes ont tentés de battre en retraite, en vain. Aelioss lui-même à décapité Yastanos, et plus jamais Aglesh ne s’est aventuré de ce côté du monde.
Elise restait en admiration silencieuse devant l’histoire de Philomon, et elle espéra rencontrer le roi Aelioss un jour, mais surtout pas en tant qu’ennemi. Néanmoins la jeune femme ne comprenait pas quel était le rapport entre cette bataille et les trois feuilles posées devant elle.
— Excuse-moi, j’ai tendance à trop parler, dit Philomon en caressant sa barbe. Ce que je voulais dire, c’est que les anciens rois d’Astria ont fait confiance à la magie, et cela leur a permis des années plus tard d’élever leur nation bien au-dessus des autres. Encore aujourd’hui cette volonté de former les mages est resté, ajouta-t-il en désignant la feuille à droite d’Elise. Le royaume propose de prendre en charge les frais de formation de chaque étudiant, en échange le futur mage devra servir dans l’armée jusqu’à pouvoir racheter son contrat.
— Cela doit être long, non ? demanda Elise, en observant le montant astronomique noté en bas du parchemin.
— Ton salaire dépend de tes compétences, répondit Philomon en souriant. Personnellement j’ai participé à deux batailles en trois années, et j’ai pu réunir la somme suffisante, il désigna la seconde feuille. Tu peux aussi décider de payer toi-même, soit avec ta fortune actuelle, soit en contractant un prêt, mais au vu des taux d’intérêt actuels je te le déconseille fortement... La troisième option consiste à devenir le disciple direct d’un des mages de l’Académie, ainsi c’est lui-même qui possède ton contrat. Cette dernière méthode comporte des avantages, mais aussi pas mal d’inconvénient, tu n’es ni plus ni moins qu’un esclave pour un instructeur mal attentionné.
— Vous ne prenez pas de disciple ? tenta Elise.
— Plus depuis longtemps, dit Philomon en ayant soudain l’air triste. Même si j’ai l’impression que tu as beaucoup de potentiel.
Un peu déçu, même si elle s’attendait à une réponse de ce genre, la jeune femme attrapa le premier contrat. Elle le lut avec attention, avant de le signer avec le plume que lui tendit le vice-directeur.
— A présent tu es officiellement une étudiante de l’Académie ! déclara Philomon avec un grand sourire. J’espère que tu t’épanouiras pleinement ici, et que tu ne seras pas éliminé !
Il lui tendit la main qu’elle serra avec entrain, avant de réaliser ce que venait de dire le vieil homme.
— Eliminé ? répéta lentement Elise.
— Oh ! il se tapa le crâne avec la paume de sa main. Je savais que j’avais oublié quelque chose !
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