Bracerk était un elfe de presque un siècle. Il était assez grand, sa chevelure était blanche avec des reflets bleus. Ses ailes sombres étaient d'une élégance rare pour un chevalier, et ses yeux gris ressortaient avec sa peau pâle. Le chevalier était du genre à aimer les femmes. Rondes, fines, brunes, blondes, jeunes, vieilles, ailées ou avec des griffes, tout y passait. Cela pouvait se comprendre, être le premier chevalier du Roi Barozz, le magicien le plus puissant, n'était pas toujours une mince affaire. Alors ces filles étaient son exutoire, vu qu'il ne les revoyait jamais deux fois. Il était déjà tombé amoureux, une seule fois, mais de la mauvaise femme. Elle aussi, pourtant, l'aimait, mais il arrivait que le destin s'en mêlait.

 À chaque bal, chaque homme, même marié, voulait danser avec elle. Tout pour elle, était facile, danser, chanter, monter à cheval, et avec beaucoup d'élégance. Bracerk avait le devoir d'escorter cette dame à chacune de ses sorties. Il était donc devenu naturellement son confident, ses moments où elle pouvait être elle-même. La demoiselle savait qu'il écouterait, la soutiendrait.

 Cette nuit-là, le chevalier voulait lui avouer son amour, il allait demander sa main à son père. Cependant, rien ne se passa comme prévu, la jeune femme lui avoua qu'elle était promise à un autre avant même qu'il ne puisse lui déclarer. Elle partirait le soir même rejoindre son futur époux. Sans rien paraître, Bracerk écourta sa balade au bras de la dame en la ramenant à sa chambre. Il sentait un poids sur lui, le moment qu'il redoutait était arrivé, la princesse du royaume était promise. Jamais plus il n'éprouverait d'amour auprès d'une dame. Il servait le Roi, il était né pour cela.

Deux jours après le départ de la Princesse, le Roi convoqua tous les chevaliers. Une guerre de territoire se préparait.

- Chevaliers, comme vous le savez, ma fille Darina est partie. La protéger est ma priorité. Bracerk, tu iras vérifier que tout se passe bien pour elle. Tu es le seul à comprendre l'amour que je lui porte, je veux que mon meilleur chevalier soit là pour la protéger, ordonna-t-il. Carf, tu seras donc mon bras droit sur cette mission. C'est du simple repérage. Je lancerai un sort de dissimulation sur nous.

- Majesté, êtes-vous sur ? Je suis votre premier chevalier, je ne peux pas partir protéger votre fille comme cela, une guerre se prépare, laissez moi vous seconder. Elle en mourra si vous n'êtes plus, confia Bracerk.

- Bracerk, je sais l'affection que tu lui portes, cela se lit dans tes yeux, même après son départ. Tu l'aimes, et c'est pour cela que tu seras mieux près d'elle, tu comprendras, répondit le Roi.

  Carf était un elfe moins beau que Bracrek. Avec ses cheveux noirs, sa petite taille et son côté robuste, il n'était pas d'une grande gentillesse. Il paraissait très souvent effacé, mais sur le champ de bataille, il était en première ligne. Pour le premier chevalier, il n'y avait aucun doute, il pouvait compter sur Carf.

  Dès la fin de la réunion, le chevalier parti rejoindre Darina. Barozz lui avait donné quelques indications pour la rejoindre au plus vite. Il était seul sur son cheval, en repensant à l'amour qu'il portait à sa princesse. Sa peine se lisait dans ses yeux, l'idée de la revoir lui brisait le cœur, elle était sûrement déjà mariée et heureuse près de son Prince.

  Il se rappelait de leur première balade, celle où, d'un simple regard, son cœur avait chaviré. La princesse, vêtue d'une robe de soirée couleur crème, ne cessait de se plaindre de la façon dont les hommes la traîtaient. "Un morceau de viande" avait-elle dit avec une voix bien plus grave qu'au naturel. Bracerk s'était esclaffé quelques secondes avant de se rendre compte que c'était déplacé de sa part.

- Veuillez excuser ma maladresse Votre Altesse, je n'aurai pas dû rire de votre malheur.

- Chevalier Bracerk, croyez-vous que je me plains pour vous montrer mon malheur ? Je cherchais seulement à vous faire rire. Beaucoup de dames rêveraient de passer la nuit à vos côtés, répondit-elle. Hélas, aucunes d'entre elles ne vous avait vu sourire ou même rire, dit-elle en dissimulant son rougissant.

- Je ne sais quoi vous répondre Princesse. Je ne pensais pas être si populaire près des femmes mariées. Quand je suis au service du Roi, je ne me divertis pas, je m'emploie à garder votre père en vie, indiqua le chevalier. 

- Après huit cents ans, vous êtes toujours là, à lui être dévoué, votre sacrifice pour lui est un exemple pour notre nation. Je vais parler à mon père pour que vous receviez une récompense.

- Ma Dame, vous me voyez dans l'obligeance de refuser. Je ne fais que mon travail, protéger le roi est ma priorité. Rien ne pourrait me faire changer d'avis.

- Et le mariage? Rentrer chez soi et voir votre aimée au coucher et au réveil n'est-ce pas à votre goût?

- Ce n'est pas fait pour moi, je ne suis pas fait pour l'amour d'une seule femme, mais plutôt leur amant d'une nui confia-t-il.

- Cela m'attriste que vous ne voyez pas le bonheur d'une vie remplie d'amour. Chaque homme devrait avoir une femme aimante auprès de lui. Pensez-y.

 Quand son cheval s'arrêta, Bracerk sorti de ses rêveries. Une jeune femme l'attendait avec une lettre royale à la main, il reconnaîtrait le sceau entre mille.

- Chevalier Bracerk, nous vous attendions. Veuillez me suivre pour la toilette, ordonna la femme.

- Vous êtes dame de compagnie, et vous osez me parler ainsi ? J'en parlerai avec votre dame, protesta-t-il.

- Monsieur, veuillez excuser mon impolitesse, mais la princesse Darina m'a contrainte à vous parler de la sorte, alors ayez l’obligeance de me suivre.