Débutant en télépathie
— Eh bien, t’en tires une tronche ce matin.
— Je vais me suicider.
— Encore ? Arrête tes conneries, et raconte-moi ce qui t’est arrivé.
— Difficile…
— Depuis le temps que l’on se connaît, allez, crache le morceau.
— Je suis devenu télépathe.
— Comme ça, du soir au matin ?
— Oui. J’ai acheté très cher une méthode audio que tu dois écouter en dormant, et quand tu te réveilles, tu es devenu télépathe.
— Je connais une fournée d’idiots, mais tu es bien le seul capable de croire à un truc de ce genre.
— Mais ça a marché !
— Ah bon ? Pour l’instant, je n’en suis pas vraiment convaincu. Dis-moi quelque chose en télépathant.
— Avec les bestioles !
— Quoi les bestioles ?
— Je peux comprendre ce que racontent tous les animaux autour de moi !
— Ah, Eddy Murphy, je t’ai reconnu. Dans mes souvenirs, tu étais un peu plus bronzé.
— Arrête de te moquer, je te jure que c’est vrai. Depuis ce matin, j’entends toutes les conversations des animaux autour de moi. Je deviens fou.
— Acceptons que cela soit exact, pourquoi as-tu fait ça ?
— Pour les gonzesses.
— Tu veux inviter la chienne de la voisine au resto ?
— Mais non, abruti, je voulais un truc pour comprendre les femmes.
— Ça m’intéresse, j’ai toujours aimé la science-fiction.
— Tu peux pas rester sérieux deux minutes ? Je voulais entendre ce qui se passe dans la cervelle des femmes pour comprendre pourquoi je suis toujours célibataire.
— Et tu as acheté cette méthode.
— Oui, seulement, ça ne fonctionne pas comme prévu.
— Au lieu d’entendre ce que pensent et disent les femmes, tu communiques avec les bestioles ?
— Juste les femelles.
— Et ?
— C’est horrible…
— Donne-moi quelques exemples…
Il ferma les yeux, pour mieux se remémorer les premiers instants de la matinée.
— Le réveil venait de sonner. Comme toujours, je l’avais réglé dix minutes plus tôt, pour le plaisir de glander encore un peu dans le lit. J’avais presque oublié l’histoire de la méthode de télépathie, quand tout d’un coup, j’entends des voix, qui semblaient venir du dessus de mon crâne…
— Bonjour, madame Poll, vous avez bien dormi ?
— Comme un loir. Et vous, madame Floh ?
— Pareil. Nous avons vraiment trouvé un appart sympa.
— Oui, nos lentes sont bien en sécurité dans cette tignasse.
— Pas tous les jours qu’on rencontre un gros crado de ce genre, qui ne se lave jamais la tête.
— C’est à ce moment que je me suis rappelé la méthode… Avais-je bien entendu des poux discuté ? Dans mes cheveux ? Et elles m’avaient traité de gros crado ? J’ouvris les yeux, j’étais complètement réveillé. Je vis deux moustiques sur le mur. Et je les entendis aussi…
— Salut Piquette, bien bouffé cette nuit ?
— Non, rien du tout.
— Pourtant le repas était servi.
— Le gros dans le lit ? Beurk… Je ne sais pas quand il s’est lavé pour la dernière fois, mais à mon avis, il doit y avoir des toiles d’araignée dans sa douche. Il pue, c’est dégueulasse. J’avais la dalle, alors j’ai essayé quand même. J’ai failli gerber.
— Alors, viens avec moi, dans l’appart d’à côté. Il y a une poupée qui dort encore, avec une peau tendre et parfumée, tu ne regretteras pas le déplacement.
— Allez zou, c’est parti, je crève de faim.
— Et je les vois s’envoler, en direction de la fenêtre ! À ce moment, j’avise deux mouches au plafond…
— Salut, bien bouffé ?
— Comme une reine, avec le gros dégueulasse là en dessous.
— Ouais, génial. La pâte noire, entre ses orteils, ça vaut une bonne bouse de vache toute fraîche.
— Et depuis, c’est comme ça ! Je deviens fou, j’en peux plus. Les cafardes, les mites, les araignées, ça bourdonne dans ma tête ! Tu ne me crois pas ?
— Si, si, mais je crois avoir trouvé ton problème fondamental. Pour la télépathie, avec ta cervelle de moineau, je ne me fais pas trop de souci, tu oublieras vite. Pour le reste… Tu viens avec moi. Nous allons d’abord à la pharmacie, acheter un shampooing anti-poux, puis au supermarché, pour du gel douche, du savon et quelques produits ménagers de base… et du dentifrice aussi.
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