Chagrin
Durant les derniers jours des vacances scolaires, André commence à présenter des signes de fatigue. Voilà des semaines, qu’il leur dévoile pas à pas, tous ses secrets, comme s’il les avait choisis pour être ses successeurs. Son histoire est passionnante. Adolescent, il passait déjà tout son temps à l’usine, portant les paniers de fleurs, nettoyant les flacons, lavant les sols, etc.. Il n’allait plus à l’école à 15 ans, il préférait arrêter ses études et travailler comme apprenti. Petit à petit, comme c’est souvent le cas dans ces entreprises grassoises où l’ambiance est familiale, il devient laborantin et puis, son talent est remarqué. Il évolue et devient avec les années, un maître reconnu, un compositeur de parfum, il dit pourtant à tous, qu’il n’est toujours qu’un simple artisan.
Lorsque Jean lui a parlé de Luc et de Manon, il s’est dit que ce serait la dernière étape de sa vie, son testament. Il va profiter de son expérience et léguer le maximum de son savoir à ces deux jeunes passionnés. Il se revoit en eux, jeune et ambitieux.
André est très âgé et toutes ces semaines d’enseignement l’ont fatigué. Un soir, il se couche bien tôt alors que la soirée d’été est encore brûlante et qu’il est préférable de s’assoir dans le jardin et discuter tranquillement.
Le lendemain, les jeunes le trouvent endormi, paisible, alors que la matinée est bien avancée et le soleil au zénith. André est parti. Dans son sommeil, sans faire de bruit, comme il a été durant toute sa vie. Jean arrive peu après le coup de fil de Luc. Les quatre amis semblent tétanisés. Personne ne parle. Manon prépare un café bien serré et ils s’assoient comme des automates autour de la grande table de la cuisine.
Ils sont orphelins. Jean est très atteint. On ne sait toujours pas quels étaient leurs liens, pourquoi étaient-ils aussi proches ? Qui est Jean ? Toujours cette énigme. Luc et Manon ne demandent toujours rien pour l’instant. Quant à Aksel, il ne dit rien sur ce sujet.
Quelques jours plus tard, la moitié de la population de Grasse assiste à ses funérailles, les plus grands créateurs de mode sont arrivés, les grands « nez », tant de monde pour lui dire adieu. Luc et Manon sont surpris, même totalement ahuris de se trouver au milieu de cette foule. Ce vieux monsieur était donc si célèbre ? Et pourquoi les avoir choisis ? Eux, des enfants d’ouvriers ? Et Jean ? Où-est-il ? Ils ne le voient pas.
Ils cherchent leur grand ami aux cheveux en bataille et aux yeux limpides. Déception, personne ne lui ressemble dans cette grande assemblée.
La cérémonie est longue, pénible. Luc, Manon et Aksel espèrent pouvoir retourner encore une fois au mas de Cabris pour y trouver la paix et penser à leur vieil ami. Ils s’y retrouvent le soir même, car ils avaient un double de clés. La maison est vide, son âme a disparu. Ils mettent un peu d’ordre, rangent l’atelier et s’en vont. La grande porte en bois se ferme, la lune éclaire le jardin. Des larmes coulent sur les joues de Manon, elle ne se retourne pas.
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