-Voilà des jours qu'ils progressent dans la végétation hostile de cette forêt. Ils ont toutes les raisons du monde d'arrêter : Seris est pris par le chagrin des lendemains sans sa belle, qui s'en est allée, tout comme lui, explorer. Lorcal ne tient plus face aux murs de bois qui s'effacent dans ses pensées ; il souhaite retrouver le confort d'une auberge, un lit, un bain, une bière, un bavard racontant ses aventures. Arpal lui, ne voit plus de sens à ceci, marcher sans fin vers un but incertain, une esquisse d'espoir, où l'eau coulera à flot, les emportant vers les nouveaux horzions amicaux, dit-on...
Mais ils ont toutes les raisons de continuer. Seule la mort les attend au demi-tour, le désespoir s'est paré d'atours étranges et implacables, là-bas derrière. Les compagnons d'avant ont disparus, se sont rompus, on ne les a pas revu. Ils ont cédé à l'envie, mais sont-ils encore en vie ? On ne saurait dire, on vit le doute ici. On avance. On a peur. Les écorchures se font légions, sous les frondaisons. Le ciel est parti à l'horizon, mais les cîmes et les troncs dissimulent ce compagnon. C'est comme le Soleil. A-t-il lui aussi fuit les lieux ? Il fait si sombre à leurs yeux.
La progression se fait difficile, impossible. Il faut dresser le camp. Rester vigilant. Les ombres s'avançant plus ardemment qu'auparavant. Sont-ce des loups qu'on entend ? Ou juste des gargouillements ? La faim se fait entendre, impatiente. Les sacs sont pleins de rien, et rien ne les attend plus loin. Autant s'arrêter en chemin, rebrousser, repartir.
Paroles de lâches ! Foutaises ! Il faut continuer ! Ne pas désespérer, s'incinérer le coeur d'ardeur, enflammer ses joues au feu du soir ! Qui sommes-nous pour décider ? Nous ne pouvons que croire ! Croire à l'avant, à l'espoir. Le fleuve n'est pas loin, je le sens ! Hâtons-nous prestement !
Malgré la morosité, la morbidité du marécage convainct l'incertain. Les paquetages retrouvent les dos, les bottes leurs pieds, les épées leur fourreaux. Les torches embrassent le chemin, on retouve son entrain. Soudain, la futaie s'ouvre. On avance, on contemple. On est arrivé !
Plus loin en bas, le chemin d'eau fait serpent dans les terres, on se sert un verre. Les arbres se retirent derrière, les rochers succèdent à la terre. La pierre offre une vue incroyable. Le ciel est revenu ! Sa flamboyance se confond avec les torches. Le feu des mains rejoint le feu des cieux. Au loin on le voit ! Il s'en va, mais il est là. Le soleil se cache, astre farceur, dissimulé derrière les monceaux montagneux de la terre. Est-ce l-bas l'espoir ? Un bateau attend en bas, pour commencer la deuxième partie du voyage.