Un pouvoir inutile
Je vis dans un monde où tout le monde possède un pouvoir. Dans ma famille, de génération en génération, nous bénéficions des plus grands talents surnaturels : kinésie, télétransportation, télépathie. Et moi ? On a longtemps douté que je possédasse un quelconque don… Alors j’attendais, impatient de savoir ce que la génétique m’aurait apporté. Je me disais que plus l’attente était longue et plus le pouvoir serait puissant ! Ouais, je m’emballais carrément, car arrivant à mon adolescence, moment où aurait dû être le commencement de l’apogée de mon super pouvoir. Il n’y avait pas grand-chose… enfin, oui il y avait quelque chose, mais je me refusais de le croire. Mon corps, mon alchimie n’aurait pas pu me faire un coup pareil !
Certaines personnes disaient que selon mon humeur, une odeur se dégageait de moi. Quand j’étais super heureux (par exemple à la veille d’un super concert de musique, ou d’un rencard avec une superbe fille), je dégageais une odeur délicieuse pour mon entourage. Chacun sentait ce qu’il préférait : des effluves de roses, de bonbons, et même du sel marin (pour vous dire !). En revanche quand j’étais de mauvaise humeur, contrarié... et bien… oui, une odeur de chiotte, de merde quoi, émanait de moi. Alors la première et unique fois que je me suis sorti et fait plaquer par une fille (elle s’appelle Tania, et mince, je crois bien que je l’aime encore) je ne vous dis pas la honte monumentale. J’avais été si blessé, que l’odeur qu’elle a senti de moi, a été apparemment épouvantable (elle est allée vomir derrière un buisson), et là j’ai vu tous mes espoirs d’un rabibochage voler en éclats.
Bon tout ça pour vous dire, que l’utilité de mon pouvoir… nul. À part me pourrir la vie, il ne m’avait aucune utilité. Je m’efforçais au quotidien de ne rien « ressentir », pour ne « sentir» rien. Épuisant.
Un jour que j’étais assis sur un banc public, occupé à lire, un grand cri me coupa de mon chapitre. Je me redressai aux aguets. Depuis peu, j’avais commencé à travailler mes biceps pour pouvoir contrer des éventuels agresseurs, effectivement quand on ne pouvait pas compter sur son pouvoir pour se protéger, il fallait bien prévoir un plan B. Je n’étais pas tout à fait au point niveau musculature, mais la lâcheté n’a jamais été un vice de ma famille. Un deuxième cri tout aussi perçant retentit, et n’obéissant qu’à mon courage je me précipitai vers l’endroit où je l’avais entendu. Là, devant moi, allongée par terre, Tania. Mon amour. Mon alter ego. Mon âme sœur. Sa meilleure amie était accroupie à côté d’elle et paraissait paniquée. Sa voix tremblait quand elle s’adressa à moi :
- Elle s’est fait piquer par un riklach ! Tania ! S’il te plait, réveille-toi !
La voix de son amie était désespérée. Elle secouait Tania de toutes ses forces, et l’avait déjà giflé déjà plusieurs fois pour la réveiller (au vu des marques rouges sur ses joues adorables). Mais tout le monde savait que les riklachs, cette espèce de petits reptiles était redoutée. Il en existait très peu. Il était même très rare d’en croiser un, mais celui ou celle qui avait le malheur d’en apercevoir avait très peu de chance d’en réchapper. Le riklach par sa salive (une petite léchouille sur votre peau) vous plongeait dans un endormissement qui se prolongeait dans un coma, puis la mort. La seule solution était de se réveiller très vite.
- Franchement, tu chlingues trop ! fit la jeune fille au bord des larmes à côté de moi. Tu ne peux rien faire de toute façon, alors dégage ! J’en peux plus de cette odeur !
Ce qu’elle me dit me fit réagir, et me donna surtout une idée.
- Pousse-toi ! Je sais comment sauver Tania.
Elle recula aussitôt, la main sur son nez, et s’éloigna à grands pas. En zieutant au loin, je vis qu’elle prenait de grande bouffée d’air, comme au bord de l’asphyxie. Je me reconcentrai sur mon aimée. Il me faut une odeur piquante, une odeur qui réveillerait une morte… Je canalisais mon esprit sur la situation : Tania qui était en train de sombrer, et sa vie qui reposait sur mon don. Je m’approchais d’elle, pour que l’odeur de ma peau parvienne bien à ses narines. Je vis ses paupières frissonner, son nez se plisser et d’un coup elle se redressa en suffoquant, les yeux embués d’incompréhension.
- Tania !
J’étais tellement soulagé. Mon cœur menaçait d’exploser. Elle me regarda, sans vraiment me reconnaitre. Ok, on était sorti que quelques jours ensemble, mais bon, notre rupture avait été mémorable, non ?
- Tu m’as sauvé ? Le riklach, il m’a léché, j’ai su que tout était perdu… comment t’as fait ?
Je lui souris simplement, m’abstenant de répondre. Elle me serra contre elle, et plongea son nez dans mon cou.
- Et tu sens si bon… Tu es mon sauveur.
Peut-être qu’elle voudra bien ressortir avec moi, finalement…
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