Une semaine et demie plus tard, le policier vint la chercher à l'hôpital pour l'emmener chez lui. Victoire avait impressionné tous le monde en guérissant aussi vite.

Pour la première fois, elle inspira à nouveau l'air frais du soir, malgré une étrange odeur qui ne lui plaisait pas.

- C’est quoi cette odeur étrange ? demanda-t-elle au policier.

Celui-ci la regarda étrangement.

- C’est sûrement la pollution. On s’y habitue. Parfois, l’air beaucoup plus pollué que ça. Cela dépend des villes et des régions. Tu as les poumons fragiles ?

Victoire haussa les épaules. Axel la guida jusqu'à le carrosse qu'il nommait voiture. La jeune fille s'installa à l'arrière. Elle sentit la voiture bouger. Malgré sa frayeur, elle se pencha et contempla le paysage qui défilait sous ses yeux.

Ils arrivèrent rapidement à destination. Victoire découvrit les maisons. Axel gara la voiture et ils marchèrent jusqu'à son appartement. Le policier appuya sur un bouton et la porte émit un petit bip avant de s'ouvrir lorsqu'il la poussa. Ils montèrent deux étages. La jeune fille n'avait plus l'habitude de monter des marches. La porte était déjà entrouverte. Ils pénétrèrent à l'intérieur.

Victoire entra dans un petit appartement mais modeste. L'entrée possédait un meuble jaune, un cintre avec des vestes, un meuble à chaussure et un miroir accroché au mur en face de la porte d'entrée. Cette entrée donnait sur deux portes (la cuisine et le salon) et un couloir avec quatres portes: deux chambres (celle du père et celle du fils), les WC et la salle de bains.

« Tout est si différent de ce que j'ai vu jusque-là! »

- C'est modeste.

- Ca ne m'importune pas, le rassura la jeune fille.

Victoire vit alors que Sébastien la regardait. Leurs regards se croisèrent et elle y décela de la tristesse. L’adolescent détourna les yeux et annonca :

- Le diner est prêt.

Victoire apprit le fonctionnement du lavabo puis ils mangèrent en silence.

« Quelle ambiance pesante... »

Après quoi, la jeune fille se lava les dents. Axel déplia le canapé puis y installa un coussin et une couette.

- Mon frère viendra te chercher dans quatre jours environ, lui dit le policier. C'est le week-end. Les cours reprendront lundi. Tu es inscrite au collège jusqu'à nouvel ordre. Sébastien t'expliquera le maximum de choses pour que tu ne sois pas un cancre quand tu te présenteras dans ta nouvelle école.

Victoire cligna des yeux, pensive.

« Cela compromet mes plans de recherches... Mais je pourrai mieux me fondre dans la masse... »

- Tout va bien? Tu as l'air songeuse.

- Ne vous en faîtes pas pour moi. Bonne nuit.

- Bonne nuit.

La jeune fille se glissa sous la couverture mais le sommeil la fuyait. Elle repensa à sa soeur. Comment faire pour la prévenir? Comment parviendrait-elle à tenir sa promesse envers Arsèce?

Elle s'endormit sans cesser de se questionner. Malheureusement, aucune question n'eut sa réponse.

*****

Les jours précédant l’entrée de Victoire au collège furent épuisants. Heureusement, la jeune fille apprenait vite. Elle comprit le fonctionnement du monde, le fonctionnement de toutes les machines que les humains utilisaient au quotidien. Elle copia même les cours pour ne pas avoir un immense retard.

Le dimanche soir, Sébastien expliqua les progrès qu'elle faisait à son père.

- C'est impossible d'apprendre autant de choses en si peu de temps!

- Il semblerait que si, commenta le policier.

Le visage de l'adolescent s'assombrit légèrement. Pour calmer la tension, Victoire déclara:

- Sébastien explique très bien et il est patient.

Axel sourit à son fils:

- Elle aurait été fière de toi.

L'adolescent repoussa violemment sa chaise et quitta la pièce. Le père resta figé sur place. Il secoua la tête puis continua à manger.

« Pourquoi reste-t-il panté là? Si j'avais quitté la pièce avec une colère aussi grande, Jaréa serait immédiatement venue me voir pour s'excuser et me demander ce qu'il ne va pas! »

Victoire se leva mais il l'arrêta:

- Laisse. Il a besoin d'être seul.

- Ca le prend régulièrement de quitter la pièce comme ca?

Le policier secoua la tête:

- Il n'aime pas que je parle de... Oh! Et puis, ca ne te concerne pas!

- Comment pouvez-vous dire ca? s'exclama la jeune fille. C'est votre fils! Il y a un rapport avec la femme que j'ai remarqué sur certaines photos?

- Laisse-moi.

- Non.

Axel la fixa avec stupeur. Elle continua:

- J'ai attentivement observé Sébastien. Il a le coeur en miettes! Littéralement! Ca se voit comme le nez en plein milieu de la figure! Il a besoin de soutien! Et ce n'est pas en restant avachi sur votre chaise que vous règlerez vos problèmes familiaux! Ma sœur serait venue me voir et on aurait essayé de règler nos problèmes!

Un long silence suivit ses paroles. Le policier finit par reprendre sa voix:

- Tu as une sœur?

« Zut! Ca m'a échappé! Mais... il a juste retenu ca de ce que j'ai dit? »

Elle fixa Axel dans les yeux. Ce dernier se tortilla sur sa chaise, soudain mal à l'aise.

- Je vais aller me coucher, annonca-t-il finalement.

Victoire le laissa passer et alla s'asseoir sur le canapé. Il lui sembla entendre un léger bruit. Elle se tourna vers la porte. Elle vit une ombre partir. Elle haussa les épaules. Elle rabattit la couette et laissa le pays des songes l'envahirent.