Données cryptées : La mesnie hellequin

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On l’appelle la mesnie hellequin. La chasse sauvage, qui sévit dans ce pays les soirs d’hiver. Si vous vous trouvez sur son passage, il faut à tout prix fermer les yeux et se boucher les oreilles, quoi qu’il en coûte. Je connais l’histoire d’un gars qu’était parti batifoler en forêt avec sa blonde, histoire d’être tranquille… La fille n’est jamais revenue. Quand le ciel s’est couvert, que les premiers roulements de tonnerre se sont fait entendre et qu’il a perçu le jappement infernal de leurs maudits chiens à la gueule rouge, ce bon gars a plaqué sa mie contre un arbre et lui a dit de fermer les yeux, de ne les ouvrir sous aucun prétexte. Puis ils sont arrivés, précédés par des hurlements d’outre-tombe. Parmi eux couraient des chrétiens, nus comme au jour de la création. Les sabots de leurs chevaux ne touchaient pas terre. En remontant un peu le regard, le gars a vu une jambe caparaçonnée de métal, un dais en velours moiré et une longue chevelure blanche comme l’os. Il a pas remonté plus haut, il ne voulait pas rejoindre la cohorte de damnés qui suivait cette chasse. Faut pas regarder leur visage, jamais. Sinon, on est foutu. Alors il a fermé les yeux. De toutes ses forces. Il a résisté quand il a senti le souffle de leurs chevaux dans son dos, quand ils l’ont frôlé au point de l’arracher à l’arbre et de l’emporter avec eux. Tant qu’il ne bougeait pas, ne respirait pas, ne disait rien et fermait les yeux, il restait invisible pour eux. Mais ces démons savaient qu’il était là, ils le sentaient. Ils ont des serviteurs malins et terrifiants avec eux, qui traînent autour de nos maisons la nuit de la Saint-Jean, qu’on voit parfois dans la lande les soirs de pleine lune ou dans les cimetières. Les hurles, qu’on les appelle. L’un d’eux en fin de cortège est venu voleter devant le visage de la fille, lui a chantonné des préciosités à l’oreille. « Viens avec nous, viens avec nous » qu’il lui a dit en bel et bon français. Le gars l’a entendu, et il a pressé sa main sur la bouche de sa belle. Mais elle a ouvert les yeux. Il a rien pu faire. Et elle est partie courir avec eux, en arrachant ses vêtements. On a retrouvé son corps atrocement écorché l’année suivante, à la fonte des neiges, gisant au fond de la combe. Mais son âme, elle… S’ils ne l’ont pas attrapée, alors elle court encore, et ce, jusqu’à la fin des temps.

Mythes populaires et légendes du terroir normand, Vieille-Terre, XIX°

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