Le bourgmestre
Je m’apprêtai à quitter le poste de pilotage pour aller chercher Ren (et, éventuellement, l’engueuler pour sa passivité exemplaire lors de cette manœuvre à haut risque) lorsque quelqu’un – ou quelque chose – tapa sur la baie. Surprise, et prête à riposter, je relevai les yeux sur le coupable. Il s’agissait d’une petite créature grise aux yeux entièrement noirs et aux grandes oreilles chiffonnées : un sluagh, l’un de ces petits gobelins au visage de vieillard qui faisaient office de serviteurs sur le navire d’Arowed. Mais celui-là était affublé d’un groin qui retroussait ses lèvres sur des petites dents pointues, et d’un visage aussi poilu que celui d’un nekomat.
— Plaît-il ? l’entendis-je dire à travers la coque, dans l’espace en plus, ce qui m’interpella.
— Quoi ? répondis-je par réflexe.
— Faites-moi entrer !
Elbereth apparut derrière moi, flanquée de Dea.
— Il est sain, déclara cette dernière. Je ne détecte aucun virus ni agent pathogène au scanner. Et il ne porte aucun armement dissimulé. Il s’agit d’un organisme biologique originaire du système d’Ultar, un felipethecus gobelinus mâle, affublé d’une très forte pilosité.
— N’emploie pas ce genre de mots neo-romain devant Ren, lui soufflai-je rapidement. Tu crois que je peux le faire entrer ?
Elbereth acquiesça du chef.
— Tentons-le. S’il nous fait une crasse, on le grille !
Une fois à bord, la petite créature enleva son couvre-chef, une sorte de chapeau mou orné de fifrelins colorés, qu’elle tint des deux mains devant son ventre, en signe d’humilité.
— Puis-je être mis en présence du maître de ce superbe navire ?
— Qui te dit que c’est pas nous ? répondis-je.
Le sluagh esquissa un sourire à la fois obséquieux et roué.
— Ce vaisseau est un cair de guerre ultari, si je ne me trompe pas. Et aucun de vous n’est un ædhel. Ou bien vous, de demi-sang dorśari, peut-être ? fit-il en s’adressant à Elbereth.
— Je suis une wyrm, lui répondit simplement celle-ci. Une hurleuse noire.
Le sluagh darda sur elle un regard admiratif, mais il eut la sagesse de se taire : une sagesse de toute évidence éprouvée par une longue expérience.
— Le patron est occupé pour l’instant, lui annonçai-je. Il m’a laissé le commandement. Je le représente pour tout ce que vous aurez à nous dire.
Le sluagh s’inclina.
— Qu’il en soit ainsi, alors. Je m’appelle G’wyn’ethain-ná-Cu’dthuatn’adainw, fier et honorable membre de la guilde des bourgmestres sluagh de Kharë. Cela fait plusieurs siècles maintenant que j’instruis les visiteurs des usages de notre belle ville.
— Enchantée, répondis-je sans répéter ce nom à la fois imprononçable et impossible à retenir. Je suis Rika Srsen, capitaine de Cair Elbereth, honorable membre de la guilde des nautes de l'Holos. À ma droite, Elbereth, elle-même, du moins son interface, honorable wyrm d’Æriban, à ma gauche, Dea, navigatrice tactique, honorable cyborg embarqué.
— Le nom du noble sidhe que vous servez ?
— Il vous le dira lui-même, s’il le pense opportun, répondis-je.
Le sluagh sourit et s’inclina, fine mouche.
— Bien. J’espère que vous n’y prendrez nul ombrage, mais il est absolument nécessaire que vous soyez informé des usages – et des dangers – de Kharë, avant d’en passer la porte. Surtout en étant sorśari et – hum – humaine…
— Il y a des humains sur cet astroport ?
— Oh ! Oui. Plein, me sourit le gobelin avec une odieuse grimace.
Je balayai la baie du regard, me demandant comment ces prétendus humains étaient arrivés sur cet astroport. Enchaînés dans les cales des seigneurs de la guerre dorśari, peut-être ?
— On vous écoute, finis-je par dire à l’émissaire.
Le sluagh sortit de sa poche ce qui, à mes yeux, ressemblait à un sigil, et, l’agitant d’un geste sec, produisit une carte holographique scintillante.
— Voici la ville, expliqua-t-il en pointant l’image qui flottait devant nous. Comme vous pouvez le voir, elle se trouve dans une immense caverne, la plus large de cet astéroïde qui, avant la Grande Extinction, faisait partie intégrante de la planète Faërung. Située de part et d’autre d’un courant nébuleux qu’on appelle le G’warth’h, ou fleuve Améthyste, elle est entourée d’une enceinte et possède quatre portes. Comme vous le constaterez vous même, il est fort aisé d’y entrer : tout le monde est le bienvenu à Kharë.
Je hochai la tête.
— Et pour en sortir ?
Le sluagh sourit.
— Pour en sortir, il vous faudra obtenir la permission du Haut Conseil des Mères. Oh, c’est une formalité ! Le conseil se tient ici, au palais. Vous y allez, demandez audience, et vous serez reçus par Leurs Sublimités. Contre une bonne histoire ou un joli chant, les portes vous seront ouvertes.
Cette partie là, j’en faisais mon affaire.
— Vous avez parlé de caverne, précisai-je pour le mettre en difficulté. Je ne suis pas géologue, mais sur des astéroïdes de cette taille, les cavités souterraines sont nombreuses et variées. Qu’est-ce qui empêche aux visiteurs désireux de partir discrètement de prendre la tangente par l’une de ces cavernes en bafouant l’autorisation officielle ? Une cavité de cette taille communique forcément avec d’autres.
Le gobelinoïde posa sur moi ses yeux noirs sans pupilles. Ils étaient aussi expressifs qu’un œil de Lompe.
— Je vous le déconseille fortement. Si Kharë est dangereuse pour le néophyte, l’outre-terre l’est encore plus ! Ces galeries labyrinthiques s’enfoncent à des profondeurs que vous ne pouvez imaginer, et elles abritent une faune et une flore redoutées des Mères elles-mêmes. Béni des dieux serait celui ou celle qui parviendrait à en sortir !
Je me hâtai d’exprimer mon assentiment.
— Ce n’était qu’une idée comme une autre. Je suis curieuse et j’ai beaucoup d’imagination. Et là, qu’est-ce que c’est ?
Je posai un doigt sur l’espace le plus dégagé, au centre de la carte.
— Ici, c’est le Marché Sec, me répondit le sluagh. C’est pour ses marchés, dans lequel vous trouverez tout ce que l’univers peut produire, y compris les denrées les plus rares, que Kharë est réputée. Allez y faire un tour !
Ce n’était pas une mauvaise idée. Un peu de shopping ne faisait jamais de mal.
— Il y a peu de règles à Kharë, ajouta-t-il, mais il y en a une que vous devrez absolument respecter, sous peine de mort immédiate : il est interdit de tuer les araignées. Est-ce bien clair ?
Je me mordis l’intérieur de la joue. Interdit de tuer les araignées !
— Les araignées, déglutis-je. Il y en a ?
— Oh ! Si peu, malheureusement. Mais elles sont sacrées. Toutes ! Si vous contrevenez à cette règle, vous risquez de vous attirer les foudres des Hautes Prêtresses. Elles sont nombreuses à Kharë, qui fut gouvernée pendant longtemps par une fidèle de la Reine Araignée. Notre ville compte de nombreux temples, et tous les dieux sont les bienvenus, mais en ayant pour déité patronne la superbe Tisseuse d’Ombre, elle est placée sous l’égide de Lethë, la Noire Mère.
Génial, eus-je envie de grommeler.
— Voici le quartier sluagh, continua le gobelinoïde. Je vous conseille d’aller voir la Maison des Bourgmestres si vous souhaitez embaucher du personnel sur votre cair, ou pour votre résidence à Kharë. Et là, le quartier ruegar – si vous cherchez à acheter des pierres précieuses non encore taillées ou souhaitez embaucher une équipe de mineurs libres – et là, un peu à l’extérieur, l’île des orcanides. Le marché à la Chair se trouve ici, sur la Grande Place… Dans ce coin, vous trouverez quelques nekomats hérétiques. Ici, la Place des Supplices, où se pratiquent les exécutions, le temple du Dieu du Sang où l’on offre les sacrifices, et celui de Shemehaz, où se trouvent les prostitués sacrés. Ici, le temple de l’Abîme, où se rendent les Appelés pour les transcendances volontaires. Des pèlerins de toute la Voie s’y rendent pour atteindre un niveau d’existence supérieure ! Là, c’est le port… Un vrai coupe-gorge, si vous voulez mon avis, pratique pour embaucher un équipage de pirates cela dit, mais non loin se trouve le quartier des plaisirs. Comme au marché à la Chair, vous y trouverez de tout ! Même de belles semi-ældiennes blanches, et parfaitement soumises, si cela agrée votre maître. Nous avons également un grand nombre de jeunes humains prêts à servir, pour le plus grand plaisir des amateurs de dun-dun, qu’ils soient orcneas ou ædhil. Dernièrement, nous avons reçu tout un contingent de fiers guerriers humains, fraîchement prélevés sur le champ de bataille par les chasseurs dorśari. Ces hommes rudes rencontrent un certain succès chez les visiteurs orcanides. Dites tout cela à votre maître : en général, le quartier des plaisirs est le premier endroit où les visiteurs se rendent. Notre tradition d’accueil, la qualité de nos esclaves et le savoir-faire de nos prostitués sont réputés dans toute la Voie.
Comme si j’allais emmener Ren dans l’un de ces bouges de perdition ! Je préférais encore le pousser dans un temple de l’Abîme.
— Je lui dirais, mentis-je. Et cette zone, là ?
Le sluagh, jusqu’ici jovial et attentif, se rembrunit.
— Cela… C’est le quartier dorśari. Sur la colline, les résidences des familles nobles. Je vous déconseille d’y aller. Ce n’est pas explicitement interdit, mais fortement déconseillé. Evitez ce quartier, qui commence ici et finit là (il nous délimita une zone plutôt vague sur la carte), faites demi-tour si vous voyez que vous y êtes entrés, et faites un détour pour l’éviter si vous devez le traverser.
D’après ce qu’il nous montrait, ce quartier se trouvait entre le palais où se tenait le conseil et la porte Nord. Pour sortir de la ville, il fallait donc le traverser.
— Si vous croisez un noble khari, ce qui vous arrivera sûrement au cours de votre séjour… Saluez profondément et baissez la tête, puis passez votre chemin rapidement. Si c’est une Reine – elles sont bénies par quatre yeux, à l’image de la Reine-Araignée elle-même ! – il est d’usage de vous jeter à plat ventre, mais je vous avertis que cela peut s’avérer dangereux.
— Pourquoi ? demandai-je. Notre commandement est lui-même d’origine khari.
Le sluagh me regarda comme si j’avais dit une énormité.
— Raison de plus. Les khari, qui sont une race supérieure, s’attendent à de la déférence de la part de leurs cousins n’ayant pas embrassé les magnifiques voies de la Noire Mère, y compris de leurs serviteurs. En outre, il s’agit de personnes qui suivent avec un soin tout particulier les commandements de Lethë, et dont le cœur est voué aux portions les plus noires de l’outre-monde. À moins que vous ne soyez ici dans le but précis de connaître l’illumination sous la torture – ce qui est un noble but, le plus honorable de tous, soyez-en assurés – je vous conseille vivement d’avoir affaire à eux le moins possible.
Le sas s’ouvrit sur Tanit – parfaitement enceinte – et Ren sous sa forme originale, dont le visage était dissimulé par la capuche de son shynawil. Le sluagh s’inclina immédiatement, nous tournant le dos de manière un peu trop ostensible à mon goût.
— Vos Sublimités, salua-t-il bien bas. Félicitations pour votre dame, seigneur. La naissance aura-t-elle lieu sous l’arbre-lige de notre humble cité ?
Je plissai les yeux, notant que Tanit répondait aux salutations par un gazouillis aimable et – je ne le devinais que trop – flatté. Ren, quant à lui, choisit d’ignorer le bourgmestre et de s’intéresser à la carte, qu’il étudia attentivement.
— On peut faire une copie de cette carte ? demandai-je pour me rappeler à la mémoire de ce sluagh ingrat.
Qui lui avait ouvert le cair, si ce n’est nous ?
Mais il secoua la tête d’un air dédaigneux.
— Non. Il vous faut l’apprendre par cœur.
Un regard rapide à Dea, qui posa ses iris sur la carte, me permit de réaliser qu’elle avait discrètement scanné cette dernière. Puis je reportais mon attention sur Tanit, qui s’était rapprochée de Ren. Ah, le beau couple qu’ils auraient formé tous les deux !
Je jetai un coup d’œil vindicatif à mon compagnon, cherchant à discerner son visage sous la capuche. Je ne voyais que sa bouche, mais le voir à nouveau immense, sombre et mystérieux comme un sidhe digne de ce nom me dissuada de le morigéner pour m’avoir laissée gérer la navigation toute seule, et pour avoir omis de préciser au sluagh que l’elleth enceinte jusqu’aux yeux qui l’accompagnait n’était pas sa femelle. Du reste, il fallut bientôt s’inquiéter des modalités de sortie.
— Je vous conseille de tenir vos serviteurs enchaînés si vous les amenez en ville avec vous, seigneur, expliqua obséquieusement le déplaisant sluagh à Ren. Surtout vos esclaves humains : les organiques sont très prisés à Kharë, et on pourrait vous les voler si ils ne portent pas explicitement la marque de leur propriétaire.
Je me tournai vers lui, mécontente.
— Et comment vont donc les visiteurs humains, dans cette foutue ville ? lui demandai-je. J’imagine qu’ils ne portent pas tous une chaîne au cou !
Le sluagh ne prit même pas la peine de me répondre.
Je m’apprêtai à le forcer à parler lorsque la main autoritaire de Ren se posa sur mon épaule. Je faillis le mordre, pour la peine.
— Cette femelle est bien agressive, observa le sluagh d’un air dédaigneux. Vous devriez vraiment lui faire porter un collier ! Pourquoi n’est-elle ni enchaînée, ni bâillonnée ?
— Cela me regarde, murmura Ren d’un ton à la fois sombre et apaisant.
— Parfait. Si vous n’avez plus besoin de mes services, je vous demande la permission de me retirer.
Satisfait, l’horrible bonhomme quitta notre bord. Il était à peine parti que je me tournai vers Ren, assis sur la console et taillant nonchalamment ses griffes.
— Faudra qu’on parle, dès que t’auras repris ton apparence humaine, le prévins-je en croisant les bras.
Je ne pouvais pas voir ses yeux, mais je sentis que Ren avait relevé le regard.
— Pourquoi attendre ? Tu peux me parler dès maintenant.
Je pris une grande inspiration, sentant la moutarde me monter au nez.
— Tu m’as laissée seule pour gérer ce qui s’est avéré être l’une des expériences de pilotage les plus dangereuses de ma vie ! attaquai-je. Et tu laisses un gobelinoïde m’insulter.
— Tu n’étais pas seule, répondit Ren calmement. Dea et Elbereth étaient avec toi. Pour le gobelin, je t’avais prévenue, il me semble. Ce sera tout le temps comme ça. Les humains – et à fortiori tout ce qui n’est ni femelle ni khari – sont considérés comme inférieurs, ici.
— Mais c’était vraiment limite, Ren ! protestai-je. Même Dea et Elbereth en ont convenu. J’ai cru plus d’une fois qu’on allait se crasher !
— Et ce n’est pas arrivé. Je savais que tu réussirai, Rika. J’ai confiance en toi : tu es un pilote hors pair, répliqua Ren avant de ranger sa griffe et m’attirer à lui.
Je me laissais faire, n’ayant, de toute façon, pas trop le choix. Avoir pratiqué Ren en tant qu’humain m’avait fait réaliser à quel point j’étais impuissante entre ses pattes : j’aurais pu, bien sûr, faire preuve de vaine résistance pour lui montrer qu’il devait me lâcher, mais je n’étais pas sûre d’avoir envie de m’expliquer avec lui devant tout le monde. Et Ren allait me demander des explications, si je refusais de répondre à ses marques d’affection : c’était sûr et certain.
Ses longs doigts griffus vinrent caresser le rebord de ma joue.
— Je me suis posté sur le balcon extérieur pour te regarder piloter tout à l'heure, murmura-t-il. Tu m’as vraiment impressionné… Comme toujours, Rika.
Son pouce passa sur ma lèvre inférieure, la griffe pointue qui y était attachée effleurant la chair tendre de mon épithélium en passant. Ce n’était ni douloureux ni menaçant, mais je n’y étais plus trop habituée. Ces derniers temps, Ren passait la majeure partie de la journée configuré en humain, et avant cela, il épointait ses griffes. Jetant un coup d’œil à Tanit, qui nous regardait en silence, les mains croisées sur son gros ventre, je bafouillai une modestie maladroite, rappelant à Ren que la manœuvre était le fruit d’un travail d’équipe entre Dea, Elbereth et moi. Mais mon compagnon avait décidé de m’embarrasser devant tout le monde en me portant aux nues comme lui seul savait le faire : persuadé que je me dévalorisais, il loua mes capacités avec le chuintement caressant qu’il prenait dans l’intimité, et qui n’avait pas à flotter aux oreilles de Tanit.
— On est pas tout seuls, Ren, lui rappelai-je lorsqu’il se pencha pour embrasser le creux de mon cou.
Ren avait repris son apparence ældienne, mais il était encore dans le même état d’esprit que tout à l’heure.
— Je sais, me répondit-il en arrêtant de mauvaise grâce.
Je l’observai attentivement.
— Tu n’es pas en chaleur, au moins ? Parce que ce serait malvenu, là. On est à Kharë, et d’après ce que je viens d’entendre, c’est loin d’être l’endroit idéal pour faire des galipettes à l’hôtel.
Ren me fixa en silence. Je savais que je l’avais vexé en lui rappelant cet impératif physiologique qu’il considérait comme particulièrement honteux, mais c’était bien fait : lui-même m’avait vexé en ne précisant pas au sluagh que Tanit n’était pas sa femme.
— Je ne suis pas en proie aux fièvres tous les quatre matins, m’expliqua-t-il calmement. Une lune rouge ultari, c’est tous les six mois solaires environ. Et puis, ce mot que tu emploies est tellement laid… Tu ne veux pas en trouver un autre ?
— Tu veux quoi, que je trouve un euphémisme stupide comme ragnagna, de la façon dont on faisait au moyen-âge pour les menstrues des femmes humaines ? Je te sais plus pragmatique que ça, Ren. Il ne sert à rien de se voiler la face !
— Si tu veux utiliser le vrai terme, répliqua-t-il sur un ton d’où sourdait la contrariété, alors arrête de qualifier ces épisodes ainsi. Chaleurs, c’est pour l’oestrus des organismes femelles, comme les wyrms.
Me sentant particulièrement énervée, je contre-argumentai, déterminée à ne pas laisser le dernier mot à Ren. Ce dernier fit la même chose, avant de se figer en plein milieu de sa phrase, et de tourner la tête dans la direction opposée.
— Les influences de l’Abîme sont plus fortes ici qu’ailleurs, réalisa-t-il tout d’un coup. Toutes les émotions inavouées et dissimulées remontent à la surface. La colère, la frustration, la jalousie, mais aussi le désir. Voilà le cocktail explosif qu’on va nous servir pendant tout le temps où on sera là. Autant en être conscient, et ne pas céder à la facilité.
— Donc, tu admets être en chaleur ? insistai-je.
Ren me regarda.
— Si cela te fait plaisir, Rika, dit-il simplement, avant de me tourner le dos.
J’étais trop butée pour m’excuser. C’est sur ce malentendu idiot que nous fîmes notre première sortie à terre depuis des mois.
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