So 2012
de Burton Colin Vocodin
J’ai envie de faire quelque chose que je n’ai plus fait depuis au moins 8 ans. A l’époque, je n’écrivais pas encore d’histoires, encore moins de nouvelles, à peine quelques poèmes, occasionnellement, et encore, quand ce n’était pas des parodies pornos de poèmes déjà existants. J’ai tenu des blogs, en commençant sur Skyrock (comme tous ceux de mon âge je crois) quand j’étais ado, et je ne faisais que raconter ma vie. De mes 15 ans à mes 19 ans, j’avais un blog, et je racontais mes journées, mes réflexions, sur tout et sur rien, mais surtout sur rien. Des conversations que j’ai entendu dans le bus en allant à la fac, à quel point j’étais perdu dans mon orientation, à quel point je me sentais seul.
En fait, j’avais l’impression de parler à quelqu’un, même si ce n’était qu’à moi-même. J'expliquais tout ce que j’avais en tête avec un humour EXTRÊMEMENT douteux et gênant, juste pour me sentir moins seul, comme si je hurlais dans un grand espace et que je laissais mon écho s’éloigner. Le faire dans un cahier n’aurait pas eu le même effet. Car même si très quasiment jamais personne ne me lisait, il y avait quand même des chances pour que quelqu’un tombe dessus un jour, comme une bouteille à la mer, même si ça devait mettre 10 ans à traverser l’océan internet.
C’était ça, la genèse de mon écriture. Ne plus me sentir seul, et me défouler. Relativiser mes paniques d’ado qui passe à l’âge adulte avec des sales vannes en les couchant sur du papier virtuel dans un blog paumé que personne ou presque ne visitait.
J’ai repensé à tout ça, et à cette période d’un an qui s’étendait entre 2011 et 2012. Je passais mes nuits, parfois même jusqu’à ce que le jour se lève, entre grignotage, errances sur le net et tapotage de clavier pour raconter toutes les non-aventures qui avaient pu arriver dans mon existence creuse. Je guettais les bruits dans la maison pour ne pas tomber nez à nez avec les membres de ma famille avec lesquels je vivais à l’époque, lorsque je sortais de ma chambre très tôt le matin pour me servir un bol de Chocapic comme un animal qui sortait de son trou, les yeux collés et éblouis par le soleil qui commençait à pointer.
C’est une époque qui a l’air de remonter à une éternité pour moi. J’ai l’impression, depuis, de n’avoir fait que cligner des yeux. Un jour Minecraft venait de sortir, c’était une révolution, j’y passais des heures bercé par une bande son magnifique, et le jour d’après, Fortnite, Covid-19, les gilets-jaunes, Anne Hidalgo prends le métro. Je dis ça, j’ai pas encore dépassé la vénérable barre de la trentaine, mais j’y arrive presque. J’ai l’impression que si je cligne encore une fois, je me réveillerai à 35 ans. Puis à 50, puis quand je serai trop vieux pour faire quoi que ce soit, mais qu’au moins j’aurais enfin une bonne excuse pour être aigri.
Un jour je prenais mon petit déjeuner devant Dora l’exploratrice sur Tfou avant d’aller au lycée, et maintenant je paye mes factures, mon loyer, mes assurances, ma voiture, faut travailler, et bien que je bouffe toujours des céréales devant les dessins animés, je me pose cette question : quand est-ce qu’on devient adulte, exactement ?
A quel moment dans la vie on bascule de l’autre côté de la barrière des responsabilités ? J’ai rien vu venir, personnellement. C’est arrivé tellement soudainement que j’ai toujours du mal à y croire. Je n’ai même pas eu le temps de m’y préparer, c’est arrivé comme ça.
Je dois l’avouer, je la sens pas, cette nouvelle décennie qui commence. J’aimerais qu’on fasse une loi, qu’on se mette tous d’accord, et qu’on recule les horloges à partir de maintenant. On retourne à l’envers dans les calendriers. On commençerait l’année en décembre, avec Noël, on la finirait avec la galette des rois. Dans 4 ans, le hand-spinner reviendrait à la mode. Dans 8 ans, c’est Carly Rae Jepsen qui reviendrait nous casser les couilles avec son “Call me maybe”. Ensuite, on retournerait dans les années 90. On verrait ressusciter des gens comme Kurt Cobain, Stanley Kubrick, et… François Mitterrand. Puis les années 80, plus d’internet, plus de téléphone portable, et ça je dirais jusque dans les années 60-70. Ensuite, on reprendrait le cours du temps normal.
Je ne sais pas si c’était dû à l’insouciance de la jeunesse, mais je n’arrive plus à me rassurer quant à l’avenir comme il y a dix ans. À l’époque, je n’imaginais pas l’avenir, advienne que pourra. Aujourd’hui, j’imagine très bien comment ça va se passer.
Les gens que j’ai connu n’ont plus la même gueule. Tous ceux que je connaissais de près ou de loin au collège ou au lycée, ceux-là ont même parfois des gosses maintenant. Et c’est les mêmes qui, en 2008, terminaient encore leurs phrases par “ :hap: “ ou “ : noël: “. Vous vous souvenez de ces noëlistes ?
Des gens avec qui je jouais aux cartes Pokémon sur les marches de l’entrée de mon bloc en 2004 sont même peut-être morts aujourd’hui. Et je vais briser un tabou, faut se l’avouer, mais personne n’a jamais utilisé les cartes énergie, on peut s’accorder là-dessus.
Je revois des figures qui appartiennent au passé, qui n’est pourtant pas si lointain, je n’ai pas 85 ans non plus, mais qui pourtant me semblent n’avoir existé que dans un rêve.
2020, les écoles sont peuplées de Lorenzo, Timéo, Ethan, Liam, de Léna, Lou, Lara et Giulia. C’est la fierté Italienne, aujourd’hui sous quarantaine. C’est la psychose actuelle, et les gens ne trouvent rien de plus intelligent à faire que de se ruer dans les magasins pour faire des réserves d’eau et de conserves comme si Kim Jong-Un était en train d’appuyer sur le bouton rouge avec sa bite.
Je suis de plus en plus méfiant des temps qui courent mais ce n’est que mon point de vue. Peut-être qu’il existe encore des raisons de se réjouir de quoi que ce soit. Faire comme tout le monde, se contenter de son petit confort, de sa famille, du peu qu’on a, et de serrer les dents. C’est nos petites préoccupations individuelles qui nous détachent de tout le reste, qui prolongent notre hyper-sommeil. C’est une des raisons pour lesquelles un clignement de paupières semble faire défiler les décennies. Un jour tu te réveilles, lendemain de soirée, sous un évier, une casserole en inox en guise d’oreiller, frais et prêt à remettre ça le soir-même, et aujourd’hui même 24 heures plus tard tu vomis encore ta bile acide la tête dans les chiottes en implorant Dieu de te faire décuver plus vite.
Voilà, je n’avais plus écrit de billet de blog depuis presque 10 ans. Beaucoup de choses ont changé, beaucoup d’autres sont restées les mêmes.
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