PSY 3 : Dédain.

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Si j’avais pu pleurer avec lui, je l’aurais fait.

Le jour où je réussis enfin à briser la carapace de Dossan Dan’s, dix-sept ans, après de longues discussion, je laissai s’échapper par la même occasion toute la violence qu’elle contenait. Au-dessus, il n’y avait que tristesse, réserve, sérieux, et tant de doutes, tant de restrictions. Tout ce qui avait été refoulé éclata, comme un miroir qu’on aurait poussé du haut de dix étages.

Je le vis prendre la chaise sur laquelle il s’était toujours assis avec douceur, et la lancer contre le mur à côté de la porte d’entrée. Mon bureau trembla et toutes les fardes et les cahiers qui y résidait s’envolèrent d’un geste de sa part. Je n’osai faire un mouvement, tandis qu’il récupéra un des pieds déjà à moitié détaché. Il l’arracha et hurla en l’enfonçant dans une des toiles au mur. Sa colère, ses cris, emplis de haine et de souffrance résonnèrent dans toute la pièce, et je ne doutais pas une seconde qu’ils avaient également atteint les autres bureaux du couloir. Mais je les avais prévenus que ce serait une séance difficile. Au cours des séances précédentes le ton était monté de plus en plus, parce qu’il m’en disait un peu plus à chaque fois sur son père, jusqu’à ce que j’apprenne toute la vérité. J’avais fait promettre à mes collèges de l’école de n’intervenir en aucun cas. Je commençais à regretter mes paroles.

Tout y passait. Les tableaux, les livres précédemment dans les armoires gisaient maintenant au sol et furent recouverts en un rien de temps par la terre des pots de fleurs exploser. J’eus envie de crier lorsqu’il marcha sur l’un de mes ouvrages préférés, pour continuer son massacre de l’autre côté de la pièce. Je me levais en hâte pour l’empêcher d’atteindre l’aquarium. Il me défia du regard, bouillonnant, les veines prêtes à exploser, le pied toujours en main en guise d’arme. Il leva un sourcil. Il envoya valser toute une étagère d’un coup de pied. Il avait la rage, mais il avait surtout de la peine.

- Je sais que tu souffres, commençais-je.

- Vous savez, répéta-t-il ébouillanté. Vraiment ? Vous savez ?! cria-t-il comme s’il allait me mordre.

- Oui et tu as gardé toute cette colère en toi, pendant tout ce temps, je ne t’en voudrais pas d’avoir saccagé mon bureau, ni de m’avoir crié dessus… Mais tu dois te rendre compte que cet événement est l’élément déclencheur d’une grande crise, et tu as le droit d’être en colère, mais...

- La ferme !! hurla-t-il en balançant un vase juste à côté de mon visage.

- Dossan ! C’est dangereux, tu aurais pu…

- Vous faire mal ? dit-il en laissant tombant son arme, est-ce que vous savez seulement ce que c’est ? La douleur ?

- Je…

- Physique, c’est une chose… Mentale… Vous savez que c’est autre chose.

- Je suis là pour ça, pour qu’on en discute…

- Et de quoi ? s’offusqua-t-il, on parle, on parle, depuis des semaines et c’est pire !

- Nous travaillons sur tes traumatismes, c’est douloureux et avec, m'arrêtais-je, non c'est lui qui devait le dire.  Dis-moi, évacue tout, parle-moi de ce qui te fait tant souffrir.

- Vous voulez qu’on parle ? Encore ? Et pour dire quoi ?! continua-t-il de s’énerver.

- Je pense…

- Que j’ai tout perdu ? En quelques mois ! “Ça ira mieux”, vous disiez… Vous mentiez ! Ils sont toujours aussi malheureux, ils crèvent de souffrance !! Tous ces moments de bonheurs… Effacés ! Je ne peux même plus les regarder en face, alors que je pensais… Je pensais qu’il y avait une solution !

- Qui Dossan ?

- Vous savez qui, grogna-t-il en me lançant un regard noir.

- C’est toi qui dois le dire !

- Mes amis !! cria-t-il, mes amis… Ils sont tellement tristes, dit-il en se laissant allez, le dos voûté, pleurant dans ses mains. Rien na va !! Je ne sais même pas s’il y a une fin à tout ça… Louis est dans le coma, et elle… est enceinte d’un autre !! hurla-t-il en lançant à nouveau un cahier. Comment je peux gérer ça ?! DITES-MOI ! Comment je peux le gérer ?! répéta-t-il, désespéré.

- Je te promets que je t’accompa…

- JE NE VEUX PAS DE VOS PROMESSES !! Donnez-moi des solutions !

- Tu dois accepter, et… quand je t’entends, j’ai de la peine, dis-je en tentant de retenir mes larmes. Je suis fière que tu t'exprimes enfin, mais je sais que tu te retiens encore. Tu n’as pas encore évacué tout ce que tu as sur le cœur…

- Et qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus, répondit-il d’un ton étrangement calme. Que ma mère est morte ? Violer, trainer dans les escaliers par cet enfoiré…

- Non, ce que tu dis là n’aidera pas...

- Vous vouliez que je parle, non ? Bah voilà, elle est morte. Comme tout le reste, d’ailleurs. Mes potes, l’amour de ma vie, et ma mère. Manquerait plus que ce fils de pute crève, et tout serait paaaarfait !

- Je sais que tu es en colère, et nous travaillerons sur ce point…

- Allez c'est bon, stop ! Je vais vous dire un truc, me coupa-t-il. Vous me dégoutez, à brandir vos diplômes à deux balles sur ces murs, parce qu’ils ne signifient RIEN. Et vous ne servez à rien, car je ne crois pas un seul instant que vous puissiez comprendre la douleur d’un enfant à la vision de sa mère qui se faire battre, et le supplice qu’il subit lorsqu’il est lui-même violenté, tant que vous, oui vous, qui avez fait de si longues études, oh le drame, pour devenir “Madame la psychologue”, ne l’avez pas vécu vous-même. Si vous saviez tout ça, vous ne serez pas ici, finit-il en poussant légèrement mon épaule.

Un de mes collègues entra dans la pièce à ce moment-là, sûrement alerté par le soudain manque de bruit, et émit un cri en voyant l’état de mon bureau. Il s’empressa de venir à mes côtés voyant l’air menaçant que Dossan portait sur son visage ravagé par la colère et la peine. Je savais qu’il ne me ferait rien, mais par précaution il m’aida à le gérer. Je savais pertinemment qu’il ne m’attaquerait pas, parce qu’il ne voulait pas ressembler à l’homme qui l’avait mis dans cet état.

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