Volutes 5 : Serpents
- J'en ai pour quelques minutes, avait-elle affirmé avant de poser ses stilettos sous le ciel sale. Juste le temps de récupérer la clé USB chez maître Sizwe.
Dix minutes que j'attends Annelieke mon épouse. Il pleut et le lent ballet des essuie-glaces égrenne mon impatience. Sur le siège en cuir l'ennui me gagne. Tout là-haut au bord du précipice de la jouissance, Annelieke enfonce ses doigts écarlates dans la chair sans pitié des reins qui la sondent.
Mon regard se perd au delà du pare-brise et mon attention se focalise sur le bar. Deux hommes et une femme sont assis côté rue contre la vitre panoramique. Ils discutent à bâtons rompus depuis mon arrivée. Elancée dans son legging luisant et portant des boots à haut talon, la trentenaire semble excédée.
En mauvaise posture dans le bureau de son avocat, ma chère et tendre Annelieke ne revient toujours pas.
Par intermittence, l'inconnue du bar porte les doigts à ses tempes en un geste signifiant migraine ou bien folie.
Mon coeur gagne quelques tours au compteur. Je suis trop loin pour déchiffrer le venin des lèvres pulpeuses mais le ton est monté. Les menaces de mort fusent comme des balles perdues. Prêt à en découdre, le plus costaud des deux hommes, un Afrikaner, se dresse tel un cobra. Il écrase la tempe de la jeune femme contre la vitre froide aussitôt réfréné par son acolyte.
Je perds patience car ma conjointe ne revient pas.
Dans le bar, la femme balance une série de coups désordonnés que l'Afrikaner agile évite. L'autre type, un Xhosa, exfiltre son camarade à contre coeur et je les regarde disparaître sous la pluie. La longiligne métisse a disparu de mon champ de vision.
Quand dans sa fuite elle longe les flancs liquides de mon véhicule, son regard larmoyant heurte celui d'Annelieke.
- En route ! ordonne ma chérie en pestant contre son avocat et sa maudite logorrhée.
Doigts crispés sur le cuir du volant, je démarre en souriant. Triste et tragique sourire. Un sourire vert comme celui d'un clown.
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