Le départ
Mon séjour ici n'étant pas éternel, je dois forcément songer un jour ou l'autre à quitter cette étrange demeure. J'ai une boule au ventre, la mine triste. Je me suis attaché à ce fantôme, à cet Hôte. Notre relation a commencé je dois le dire sur des chapeaux de roue, et si je pensais au départ qu'il s'agirait d'un simple plan cul spectral, j'ai fini par très vite m'attacher. Est-ce que je suis amoureux ? Je ne sais pas, je n'ai jamais été bon pour attribuer un mot ou un nom à une émotion. Tout ici me retient, je me sens chez moi, et en seulement une semaine, j'avais l'impression d'y avoir vécu une éternité.
— Seras-tu encore là quand je reviendrai ? Lui avais-je demandé le dernier soir, tout deux serrés l'un contre l'autre, et coeur contre coeur, après une torride escapade.
— Je serais toujours là, même quand tu ne voudras plus de moi.
— Comment pourrais-je ne plus vouloir de toi ?
— L'humain est tellement volatile, il se lasse si vite, et puis je suis un spectre nocturne, cela finira par t'agacer.
— Je te promets le contraire.
Il m'embrassa tendrement, avant de s'évaporer le lendemain matin venu. Et c'est aujourd'hui le grand départ. Je dois retrouver ma vie normale, mes amis, ma famille, mais je pense déjà aux prochaines vacances pour y revenir. La demeure est bien trop éloignée pour rentrer pour seulement un week-end. Et si j'y habitais tout compte fait ? Pourrais-je ne pas me contenter d'un petit travail à quelques minutes d'ici ? De quoi ais-je vraiment besoin que je n'ai pas déjà ici ? Je veux rester, auprès de Rudy, vivre cette étrange réalité et m'abandonner dedans, faire des bals et discuter avec tous les invités, écouter leurs histoires. Je veux voyager avec mon fantôme dans les différentes époques qu'a vécu cette demeure.
Je descends ma valise, prenant soin de vérifier que tout est fermé. J'aperçois alors un petit mot sur l'îlot central de la cuisine.
"Je surveillerai la maison, jusqu'à ton retour, reviens-moi vite. Rudy".
Je souris bêtement, je prends alors un stylo et retourne le carte. J'y glisse un "je t'aime". Wow, c'est puissant ! Je l'ai déjà dit à d'anciennes ex, mais jamais à un homme, et encore moins en le pensant vraiment. Je l'imagine lui-aussi sourire en voyant ma réponse. Je prends une grande inspiration, et ferme à double tour la porte d'entrée. Ma voiture m'attend sagement, et je me résigne à refaire le trajet inverse. Bien sûr que je reviendrai Rudy, car je ne peux m'imaginer retrouver le sommeil sans ta présence, sans tes baisers, sans tes bras. Je ne peux concevoir de dormir seul, sans recevoir la visite de mon Hôte.
De l'Hôte de mes nuits.
FIN
Annotations