V : Révélations (5)

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 Je suis stupéfait, pourquoi Barbara serait-elle connue à ce point ? Elle n'a rien fait de mémorable, ni de positif, ces dix-sept années. Le mal a déjà du la happer à sa naissance, l'attribuant des mêmes gênes que les Esposito. Je peux voir Mélanie qui soupire, tenir ma promesse de ne pas descendre l'Altesse Glaciale est plus compliqué que prévu.

« Ah bon ? Et elle a fait quoi de gratifiant, Miss Givre ?

— Dites ! Vous pouvez me garder ma place ? Je vais aux toilettes me passer un peu d'eau froide sur le visage, j'espère que ça calmera ma migraine. Ciao !" Nous demande Mathilde en partant à la vitesse de la lumière.

— Je vais y aller aussi. Ben, garde la mienne s'il te plaît.

— Et moi je vais les accompagner, histoire que personne ne soit blessé. Finit Elsa en prenant la fuite elle aussi ».

Sans trop rien comprendre, les filles se sont envolées à la manière de l’experte : La Fille Courant d’Air.

Léo et moi avons le champ libre pour discuter et nous connaître.

« Alors mec, tu nous viens d’où ? L’interrogeais-je.

— Je suis originaire d’ici mais le reste de ma famille est en Irlande, mon nom de famille provient de là-bas.

— Classe l’Irlande. Je n'y suis jamais allé mais ça me tente bien, surtout pour la beauté des paysages. Moi ça vient de mes racines latines espagnoles ».

Sur les trois membres du groupe, il n y a que Mathilde que j’ai examiné attentivement, sa beauté me coupant le souffle plus d’une fois. Je ne devrais pas en parler à Mélanie, pour me préserver de sa colère. Haha ! Il ne reste plus que Léo et ma prétendue sœur, si j’arrive un jour à mettre la main sur elle. Les garçons ne m'attirent pas mais je veux savoir à qui je vais donner ma confiance.

 Évitons de faire notre Damien et lançons un petit coup d’œil très discret, je ne veux pas le dévorer du regard ni le mettre mal à l’aise. Il doit avoir l’âge que la plupart des élèves ont et celui que j’aurais en novembre : seize ans.

Il me dépasse de cinq centimètres à peu près, j'ai jamais été bon en maths. Les cheveux courts et bruns, coiffés en épi. Plusieurs mèches tombent des deux côtés. Son teint est hâlé comme le mien. Par contre, je dois jalouser ses yeux magnifiques, la couleur est inédite en ces lieux. Couleur miel, le soleil a été incrusté dans ses iris.

Je fais pâle figure avec mes petits yeux marrons. Pff ! Je te hais Léo Ahnild. Au cou, un pendentif en métal noir avec un serpent rouge. Elle va me suivre partout cette bestiole, dire que c’est l’emblème de notre ville. Niveau vestimentaire, Léo est comme les autres, un créatif.

Il a une veste bomber bordeaux ouverte avec un col en fourrure synthétique noir recouvrant un sweat-shirt à capuche noir avec une épée rouge futuriste imprimée. Un jean bleu foncé ainsi que des baskets noires à lacets rouges.

Au poignet droit, je peux observer un bracelet noir avec deux serpents ocres qui se croisent. Il a le charisme d’un leader et même du fameux playboy, Barbara lui aurait directement répondu tout à l'heure. Il serait même déjà sorti avec l’une des Givrées : Cassandra par exemple.

 Je peux comprendre l’enthousiasme que ressent Damien à le voir, les petits picotements au cœur. Il a un charme magnétique, même si ce matin il s’est fait remarquer et prétend ne pas aimer ça. Je sens qu’au fond de lui, il adore être le sens de l’attention, et préfère quand il contrôle la situation plutôt que l'inverse.

« Ben ! Tu m’écoutes ?

— Ouais ! Je pensais juste à ce début de matinée compliqué. M’expliquais-je.

— Avec ta fameuse sœur disparue ? J’ai vu ta réaction lorsque Madame Clyze a prononcé le nom de Julia Péruwelz, c’est comme si tu avais vu un fantôme.

— Ouais. Bref ! Tu trouves pas que les filles en mettent du temps pour revenir ? Et si jamais il s’était passé quelque chose.

— Toi ! Tu veux retrouver ta petite Mélanie. T’es à fond sur elle. Haha !

— Parle pour toi. Tu t’es pas vu avec Mathilde, tes yeux sortent presque de leurs orbites dès qu’elle passe près de nous.

— Nan mais j’hallucine. Tu changes de sujet pour ne pas répondre à ma question, enfin mes questions ».

On se met à rire ensemble, je lui donne une tape sur l’épaule ce qui me fait penser à un détail, l’accolade de bienvenue n’a pas été réalisée par Mathilde, Léo et leur amie courant d’air. Étrange qu’Elsa n y ait pas pensé, elle qui est passionnée par les coutumes du pensionnat, voire de la ville.

 Ça commence à faire long, je regarde ma montre anxieux, et si Mélanie s'était évanouie. Depuis sa chute, elle ne semble plus avoir les idées claires, le drame de ses correspondantes américaines explique aussi cela. Mais protéger Barbara en l'innocentant, est-ce raisonnable ? Quelque chose ne tourne pas rond.

« J'en ai marre d'attendre. Léo, tu gardes la place s'il te plaît, je vais voir ce qu'elles trafiquent.

— Nan mais attends. Tu veux te faire taper ou quoi ? Il ne faut jamais s'incruster dans une discussion de filles.

— J'ai pas le temps pour tes mises en garde. Si elles sont en danger, mieux vaut le savoir vite et Elsa ne pourra pas gérer la situation à elle seule » Finis-je en m'échappant vers les toilettes.

 Je peux voir Léo soupirer de loin et avancer dans la file. Mon coeur est secoué dans tous les sens pendant ma course et l'angoisse augmente au fur et à mesure que j'avance. Que vais-je découvrir cette fois ?

Le bâtiment blanc apparaît, je peux sentir la poignée contre ma main. La porte s'ouvre et je suis tétanisé, incapable de bouger. Mélanie est assise contre le mur des toilettes et ses larmes coulent. Elsa et Mathilde ne sont pas là pourtant elles sont parties à trois.

« Mélanie ! Fis-je en avançant vers elle.

— N'AVANCE PAS ! »

Je ne comprends pas sa réaction. Est-ce qu'elle pleure par ma faute ? Parce que je lui ai rappelé ce drame qu'elle n'a pu empêché ? N'écoutant pas, j'avance. PUTAIN ! Mes belles baskets sont trempées, c'est une piscine ma parole. Mes yeux contemplent le carrelage blanc envahi par l'eau, comment des larmes peuvent-elles provoquer un tel océan ? Nan ! Ben, tu es dans la réalité, les contes de fées où les princesses pleurent pour faire pousser les fleurs n'ont pas leur place ici.

« AÎE ! »

 J'ai glissé perdant l'équilibre tombant fesses au sol. Je risque une fracture du COXY… coccyx. Quand même, il va falloir m'expliquer ces noms donnés aux classes. Mathilde a de la chance, elle côtoie les dieux avec ODIN, nous c'est l'obscur JINX. Quant au FLOP, tout le monde se réjouit, moi le premier de ne pas y être. Bilan de ma chute, j'ai mouillé mon jean.

Je me relève en essayant de ne pas retomber et me colle au mur vers la porte, Mélanie me rejoint et s'accroupit à mes côtés. Elsa apparaît et nous voit enlacés, elle a posé sa tête contre mon épaule.

« Vous croyez que c'est le moment de faire de la romance ? Mélanie, tu ne lui as rien dit ? Nous dit-elle.

— Elsa ! T'es folle de débarquer comme ça, j'ai failli avoir une crise cardiaque." Lui répondis-je reprenant mon souffle.

— Ouais ! Bah on a pas le temps pour ça ? Je t'ai parlé Mélanie.

— Ah ! Il vient seulement d'arriver, je n'ai pas encore eu le temps de lui en parler. Elle va bien ?

— Ouais ! Je reviens de l'infirmerie, elle dormait quand je suis partie. Lucie est à son chevet et nous attend, donc maintenant bougez vous. Faîtes juste gaffe à ne pas glisser, ce serait compliqué de rajouter deux lits en plus. Coupe sèchement Elsa.

— EH ! Elsa ! Pourquoi tu nous parles comme ça ?

— DEBOUT ! J'ai pas le temps de blablater ».

 Écoutant l'élève la plus ancienne d'entre nous, nous sortons des toilettes. J'ai un tas de questions sans réponses qui s'accumule au fil de la journée. Une chose est sûre, il n y a pas que le lac qui est mystérieux, ce pensionnat et les élèves semblent tous avoir quelque chose à cacher. Je ne suis donc pas le seul à avoir mes petits secrets.

Alors que nous marchions dans la cour, plus ou moins vite, mon ventre gargouille. L'envie de manger s'intensifie à chaque pas, pourquoi Elsa est si énervée et qu'a t-il bien pu se passer ? Elle nous a fait une leçon de morale qui n'est pas dans ses habitudes.

« Je t'écoute. C'est quoi l'urgence ? Et où est Mathilde, elle a disparu depuis que vous êtes parties.

— T'es long à la détente toi. A ton avis, elle est où ? Bah à l'infirmerie. Mélanie devait t'en parler mais madame a préféré s'extasier sur cette foutue inondation. Je ne comprends rien de ce qui se passe aujourd'hui, c'est comme si les astres s'étaient ligués contre nous. Les rentrées à l'Épi Noir sont moins inattendues que ça, en général.

— Qu'est-ce qu'elle a ? C'est en rapport avec ses migraines ? Elle ne fait que se tenir le crâne depuis ce matin, je l'ai bien vu.

— Ouais ! Dépêchons nous d'aller voir Lucie, il n y a qu'elle qui peut nous aider à comprendre ».

 Mes soupçons étaient bel et bien vrais, Mathilde ne va pas bien, et j'ignore pourquoi. Notre relation est récente mais le fil de l'amitié s'est tissé entre nos deux coeurs. Voilà que je parle comme Damien, il a déteint sur moi avec ses délires sur l'amour.

« Et concernant la piscine publique ? Quelqu'un peut m'expliquer ?

— Je… je suis désolée Elsa. Il s'est passé tellement de choses que je n'arrive plus à suivre.

— Tu te cherches des excuses là. Elle est ta colocataire et ton amie, mais toi tu préfères t'inquiéter pour un surplus d'eau inhabituel que pour Mathilde. Les liens d'amitié sont fondamentaux ici, sans ça, rien ne peut exister. Ni confiance, ni attachement, rien ».

Elsa est très impliquée dans le confort des nouveaux et ça me plaît. L'accolade du Début d'une Amité fixe les liens entre les gens, j'imagine. Responsable et plus mature que la plupart de nos camarades, Elsa Green est un modèle à suivre.

Je partage son avis même si je comprends aussi la réaction distraite de Mélanie, quand les fantômes du passé refont surface, notre petit monde s'effondre.

Certains sont des innocents tombant sous les coups de barbares, d'autres, de véritables courants d'air filant comme la lumière. Le plus important est de savoir comment va Mathilde, c'est notre amie.

 « Elsa ! Arrête de t'acharner sur Mélanie et explique moi ce qui s'est passé. Reprends depuis le début, quand vous êtes parties aux toilettes. En y pensant, y a Léo qui nous attend dans la file.

— Okay ! Je me calme. C'est pas ta faute Mélanie mais l'état de santé de Mathilde me préoccupe, et comme je tiens à vous, bah, je m'angoisse.

Bon ! Alors nous étions parties aux toilettes, Mathilde y est allée en premier, puis nous deux. Elle est sortie et s'est plainte du retour de sa migraine, Mélanie est arrivée et est partie se laver les mains à son tour. Elle lui a demandé si ça allait, Mathilde a dit que oui, elle doit juste prendre l'air. Sauf que je l'ai entendue crier fort, inquiète, je suis sortie et je l'ai vue contre le mur se tordant de douleur. Au même moment, Mélanie a ouvert le robinet et un jet d'eau fort a surgi l'éclaboussant. Mathilde a blagué sortant et s'est effondrée dans la cour, j'ai couru pour lui porter secours. Quand je suis revenue aux toilettes, Mélanie pleurait contre le mur et tout était inondé, les robinets ont sans doute du exploser. Je lui ai dit de vous prévenir, toi ou Léo pour nous rejoindre à l'infirmerie et elle a du oublier. Foutue rentrée, rien ne va, enfin, ce n'est pas pire que ce qu'il y a eu , y a deux ans, en fin d'année.

— Et il s'est passé quoi y a deux ans ? Demandais-je curieux.

— Pas envie d'en parler.

— Comment tu sais que Mathilde est ma colocataire ? » Lui demande Mélanie se rappelant de ce détail.

« Je suis allée me renseigner. Ils ont une feuille sur la fenêtre du bâtiment de la direction avec la liste des chambres. Au stylo bleu avait été inscrit à côté de la chambre 24 : Mélanie Riveira - Mathilde Dreford.

— Ah ! C'est cool ça. Et moi Elsa, y a qui dans ma chambre ?

— J'ai pas eu le temps de voir, vu que je revenais de l'infirmerie. Je venais juste vous donner des nouvelles. Bref ! Moi je vous laisse" nous dit Elsa devant le bâtiment blanc.

— Tu vas où ?" lui demandais-je

— À la cafet. Mathilde a sûrement envie de manger un truc, je me demande depuis quand elle n'a rien grignoté. À plus » Finit-elle en courant.

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