Il entre les cheveux hirsutes, les yeux gonflés par le sommeil, le pas lourd. Sa démarche est automatique et reprend ses actions répétées chaque matin. Il commence par retirer le short qui lui sert de pyjamas et file sous la douche sans un bruit. Il allume l'eau, un nuage de vapeur s'élève au-dessus du rideau, une chaleur humide se propage dans la pièce. Sa douche est rapide, il ne voit pas l'intérêt de rester des heures sous l'eau, ce n'est qu'une perte de temps. Il sort, se sèche, met sa serviette autour de sa taille et part chercher ses vêtements pour les poser en boule à côté de son short toujours gisant sur le sol. À ce moment-là, il s'approche du lavabo et de moi, se met de la mousse à raser et délicatement fait glisser la lame sur ses joues, sur son menton et sous son nez. Chaque geste est minutieux et répété chaque matin. Il se rince, s'essuie avec la serviette qu'il vient de retirer et regarde l'heure. Il n'est pas encore en retard. Alors, il s'habille, enfile son pantalon, met sa ceinture, ferme un à un les boutons de sa chemise. Il revient alors près du miroir, attrape sa brosse à dents, met un peu de dentifrice dessus et commence à frotter. Alors que la mousse emplit sa bouche, il analyse son rasage, et veille à n'avoir rien oublié, quand soudain son regard se pose sur moi.
Sa brosse à dents à lui ne frotte plus ses dents tandis qu'il me regarde-moi, sa brosse à dents à elle. Elle est partie et ne reviendra pas, je suis tout ce qui peut lui rappeler qu'elle a été présente à un moment donné. Il me regarde, alors que je suis sèche depuis déjà plusieurs mois, je n'ai pas énormément servi. Il retire sa brosse à dents de sa bouche, prend un peu d'eau et crache, puis il se repose devant moi. Je ne sais pas à quoi il pense, mais je sens que l'émotion monte, il est soucieux. Alors que j'aperçois une larme rouler doucement sur sa joue, il tend ses mains vers moi, et comme pour la faire enfin complètement partir de sa tête, me jette de manière nonchalante dans la poubelle et referme le couvercle. Elle disparaît alors définitivement de sa vie.