Météores
Sans tabac...
Alors que la fin du jour vide le ciel de ses attraits, que les dernières ombres de ciel vagues sous l'horizon se glissent, que le soleil pleurniche ses derniers rayons distraits et qu'un nuage discret et malade fini de se diluer dans cette triste étendue lisse, je m’appuie sans regrets ni attentes au montant de bois usé de la porte ouverte où je m’appuie comme à toutes choses….
Doucement le silence se fait plus strident à l'approche de cette nuit, et je détache sans idée ni doute mon regard du trait livide et indéfini de l'horizon qui se distingue encore dans des lointains indéfinis et vides désormais….
Et je le pose sans raison ou regrets sur les vitres bien propres et closes de la fenêtre d'en face… ni dedans ni dehors, je reste un instant ainsi suspendu sur le seuil de la maison comme sur le seuil de toutes choses, le regard accroché aux vitres lisses d'en face… et je me dis que je suis en face de ces vitres qui me regardent et que je regarde dans une fixité sans but ni regret… et je me dis encore que si les choses sont ainsi sans raison, c'est qu'elles doivent être et demeurer ainsi sans raison de toute éternité et en tout lieu...si cette fenêtre fermée, cette fenêtre ci justement, devait disparaître sans raison aucune ainsi que les yeux ouverts qui la contemplent devaient disparaître aussi, comme ils disparaîtront de ce monde, et comme ce monde disparaîtra aussi, il y aura toujours quelque part ou ailleurs quelque chose comme une fenêtre fermée en face de quelque chose comme des yeux ouverts, une chose incompréhensible en face d'une autre qui ne comprend ni ne questionne…. Car les questions doivent sans doute avoir un sens…
Alors, a cet instant la fenêtre s'est ouverte et j'ai vu Louis, "Louis sans question ni cigarette" je me suis dis, et il m'a sourit d'un hochement de tête complice et sans reproche…. Alors je lui ai souris et lancé un honnête et sonore bonjour…. Et le jour s'est englouti dans le néant de l'horizon sans histoire ni limite….
Et puis
Alors que je suis assis dans ma cuisine, appuyé sur le bord de la table comme sur le bord d’un évier vide et terne, je contemple les dernières prouesses du soleil au travers un ciel pluvieux et triste.... Là bas, tout près de l'horizon, les nuages se raréfient et s'étirent dans de longues poses épuisées et semblent couler a pic dernière la crête des montagnes qui s'illuminent de rouge.....
Puis il ne reste que le vide suppliant d'une minuscule bande de ciel rose et sensuelle qui peine à subsister entre le lointain rouge et l'épaisseur noir de ce ciel d'orage..... puis la nuit se glisse lentement dans ces interstices vide de toutes attentes ou espoir....
Juste le temps de fermer les yeux et la nuit s'est solidifiée en moi comme un caillou...
Devant moi et derrière moi s'allongent les heures de malheur banal ou je t'attends.... Derrière, s'amoncellent pêle-mêle les souvenirs trahis et les espoirs déçus de tout ces temps perdus ou tu n'es jamais venue.... Devant, la longue lande déserte au trépas inéluctable et incertain car trop lointain des heures ou tu ne viendra plus... Comme tout ce temps se vide et fonce au fond du puits sans fond des désirs éteints....quelle vertigineuse vitesse et quelle vertigineuse mémoire si pleine de tant de vide.... Et pourtant.... Quel sentiment de fixité morbide et d'immobilité tellement statique que les os dans leurs sac de poussières craquent et craquent et se dessèchent.... Et si avare je me cramponne si fort à la poignée de la porte que les ongles entrent dans la chair*.... Et la chair souffre et hurle le silence strident de l'absence... Hurle et crie de vide si hermétiquement clos que le son sec se casse contre la vitre... Quelle importance que toute cette fixité mouvante d'inutile tristesse? C'est qu'il n'importe plus de vivre que pour voir cette fin approcher... Approcher et se saisir dans un souffle des lambeaux d'inutiles larmes restantes.... Sache au moins que je t'aimais.... Car cela aussi je désire l'oublier....
*l’image de si fort que les ongles est déjà utilisée plus haut
Ce matin le ciel est vide et presque lisse de tant de vide.... Un vague morceau de lune fini péniblement de pâlir et ne parvient même plus à ressembler à un souvenir tant son pale éclat n'en fini plus de se diluer inutilement dans la froide pâleur du jour.... Quelques striures de nuages disloqués répandent leur saleté blanchâtre sur cet azur éclatant de néant qui fini de s'étaler sans joie sur le néant de se monde.... Et ce bleu de pourriture précoce est à vomir tant il rempli mon corps et ma tête de ses immondes relents de rien... Rien... Pas Même l'espoir inespéré d'une larme de pluie ou même d'une onde brumeuse et mélancolique.... Juste un vide avide et brillant de désert qui s'étend à perte de vue... Car la vue s'est perdue yeux trop grand sur l'absence de contour de ce vide sans écho.... Aujourd'hui encore... Il est temps de rien faire...
L'après midi s'avance inutile et l'ennui me plante son poignard dans les reins et le silence me crie aux oreilles tout l'inutile de ma vie... J'envie les autres juste parce-qu’ils ne sont pas moi et je brode de mots vides le vide croissant au fond de mon cœur.... Je regarde le ciel pour ne pas pleurer... De vagues nuages s'y étirent sans douleur mais tellement inutiles qu'ils ne parviennent même pas à devenir des ombres... Et les lentes oscillations des rayons fades du soleil me brûlent les yeux et retombent mollement sur les vaines aspérités du sol ou mes pieds reposent comme des pierres parmi les pierres...
À quoi bon cette vie plutôt qu'une autre et à quoi bon une autre? Toujours aussi inutile et vide...
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