Chapitre 1
« Si une fois dans ta vie tu dois faire ce que je te demande sans poser de question, c'est maintenant. Je veux que tu récupères ta sœur et que vous sortiez du lycée. Tout de suite, si c'est possible ou dès que vous pouvez. Vous passez au collège prendre Lucas. Dès que vous arrivez si vous pouvez, sinon dès qu'il sort. Vous l'attendez devant le collège. La voiture est garée sur le parking du centre commercial. Il y a une clé au fond de ton cartable. Quand vous êtes tous les trois ensemble vous partez chez papy et mamie. Vous y serez en sécurité. Tu connais la route. Les choses sont devenues compliquées. Des gens peuvent vous en vouloir simplement parce ce que ton père est flic. Il n'y a pas de bons ni de méchants. Simplement des gens qui pensent que les autres sont les méchants. Et vous êtes au milieu. Il y a de l'argent dans le tube d'aspirines dans la boite à gants. Il y a trois gilets jaunes. Ils pourront vous servir. Pour le moment l'habit fait encore le moine. Soyez prudents. Débarrassez vous de vos téléphones. Papa. »
J'ai reçu le SMS en sortant de la salle de chimie où nous étions quelques-uns à nous être réfugiés. Je l'ai reçu en 8 exemplaires. Il en avait sûrement envoyé encore plus ! Comme s'il voulait être sûr qu'il arrive au moins une fois. Ce n'était pas son numéro de téléphone qui s'affichait mais je n'ai eu aucun doute que c’était lui qui l'avait envoyé. N'importe qui aurait fini le message par « Je vous aime ».
Pas lui.
Pourtant je suis sûre qu'il nous aime. À sa façon. J'ai répondu OK. Sans espérer une réponse. De toute façon son message n'attendait pas de réponse.
Je ne sais pas où il est. Mais il doit aussi être sacrements dans la merde pour considérer que le fait que je n'ai pas le permis de conduire ne soit pas un problème pour que je conduise ma sœur et mon frère chez papy et mamie. Il y a un moment déjà qu'il a dû sentir que les choses pouvaient mal tourner. La voiture était censée être au garage depuis trois semaines. Sans doute que la clé est aussi dans mon sac depuis tout ce temps.
Je n'ai plus mon sac. Je lève la tête. Je parcours du regard la cour, comme si j'allais le voir, posé dans un coin à m'attendre.
La tête du proviseur est toujours accrochée à la grille.
Le calme est revenu.
Les gendarmes ne sont toujours pas là.
Il faut que je retrouve Camille. Elle était dans le groupe qui l'a pourchassé jusqu'à son bureau. Pour le sac, on verra plus tard.
Ici tout à commencé à midi, à la cantine. Le proviseur à improvisé un discours, comme nous étions tous réunis, sur les "événements qui secouent la France depuis quelques semaines".
Quelqu'un -l'un d'entre nous- a jeté son assiette dans sa direction. Je ne sais pas qui mais Je dis l'un d'entre nous . Quelqu'un qui, une heure avant, était assis en cours et écoutait son prof. L'assiette l'a touchée au visage. Il a chancelé. Le sang s'est mis à couler. Il regardait ses mains ensanglantées, l'air incrédule ou désemparé je ne sais pas.
Le bruit de l'assiette se brisant au sol avait provoqué le silence qu'il n'avait pas pu obtenir. Il a ouvert la bouche pour parler. Mais une autre assiette, et des verres, et des couteaux ont volés dans sa direction. Les cris, les insultes. Il s'est retourné et est parti en courant.
Un groupe l'a pourchassé. Instinct de meute. Camille était avec eux. Il a réussit à atteindre son bureau où il s'est enfermé. Quand ses poursuivants ont commencé à défoncer la porte il a voulu fuir par la fenêtre.
On peut survivre à une chute du deuxième étage. Mais j'espère qu'il était mort quand la meute s'est jetée sur lui. Sa tête est toujours accrochée à la grille.
Il faut que je retrouve Camille
Pour le sac, on verra après. Je jette un œil sur l'écran de mon smartphone. Pas de réponse. Je décide de le garder encore. Par-dessus le bâtiment, on voit toujours le panache de fumée du centre commercial en train de brûler.
Le groupe des insurgés s'était dirigé vers le gymnase pour leur première assemblée générale post révolutionnaire. Avec d'autres nous nous étions réfugiés dans les salles de science. Mauvaise idée, le téléphone ne passe pas dans cette aile du bâtiment.
Il faut que j'appelle Camille. J'avance dans la cours. En fait le téléphone ne passe plus nulle part… C'est un petit miracle que j'ai reçu le message de papa. Il faut que j'aille au gymnase. Camille est là bas. Où sont les profs ? Partis? Tous? Ou cachés ailleurs ?
Ils sont deux, des costauds. Je les ai déjà croisés bien sur, mais je ne les connais pas. Ils me barrent l'accès au chemin du gymnase. Ils ont tous les deux une barre en bois. Je reconnais les barreaux des espaliers du gymnase. Le plus grand tape nerveusement avec sur la paume de sa main gauche.
- Qu'est ce que tu veux ?
- Je cherche Camille. C'est ma sœur. Elle a 15 ans. Deux ans de moins que moi, mais elle me ressemble.
- Y'a personne qui te ressemble dedans. D'ailleurs y'a pas de fille ! T'es dans quel camps toi?
- Pourquoi, tu vas me couper la tête si je ne suis pas avec toi ?
- Ça se pourrait bien. Mais je te violerai avant ! Et peux être même après !
Et il est parti dans un rire qui se serait voulu terrifiant mais qui finit dans un gargouillis aigus… Ha, l'adolescence chez les garçons…
- Les profs, tu sais où ils sont partis ?
- Ils sont dans les vestiaires . C'est nos prisonniers. C'est des fonctionnaires. Ils représentent l'état. On les remettra aux nouvelles autorités en temps voulu !
- Oui, c'est normal… » Je ne le contrarie pas...
- je peux aller jusqu'au stade voir si ma sœur…
- Non, y'a personne au stade ! Personne de vivant en tout cas.
Pendu aux poteaux de rugby, un corps se balance.
- Y'en a qu'étaient pas d'accord…
Je ne sais pas si il parle de profs ou d'élèves . D'ici, je ne peux pas voir. « Ok » Je reviens vers le bâtiment principal. En retenant une envie vomir.
Ne pas courir. Ils ne m'ont pas suivie.
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